Accueil > Contes > Tome 3 : La fin du monde > L’abomination de la désolation dans le Temple saint
(Attention, ceci n’est pas une prophétie. Juste un conte.)
« Lors donc que vous verrez l’abomination de la désolation, dont a parlé le prophète Daniel, installée dans le saint lieu (que le lecteur comprenne !) alors que ceux qui seront en Judée s’enfuient dans les montagnes, que celui qui sera sur la terrasse ne descende pas dans sa maison pour prendre ses affaires, et que celui qui sera aux champs ne retourne pas en arrière pour prendre son manteau ! Malheur à celles qui seront enceintes et à celles qui allaiteront en ces jours-là ! » (Matthieu 24, 15)
Tout au long de l’histoire, cette prophétie se réalisa de multiples manières.
Et elle se réalisa selon son sens le plus profond vers la fin du monde lorsque le dernier Antéchrist réussit à faire adorer à l’humanité entière le faux Dieu Lucifer, transformant les cœurs humains en un temple d’idole. Peut-il y avoir sens plus profond que celui-là ? Ne touche-t-il pas ce qui pour Dieu est, au sens le plus précieux, son temple ? Mais c’est une autre histoire.
Ici, je voudrais raconter la façon dont cette prophétie de Jésus se réalisa pour la vie de l’Église catholique.
Mais avant, afin que mon récit soit plus clair, je voudrais rapporter la réalisation matérielle de cette prophétie en l’an 70 après Jésus-Christ. Les Juifs, tout leur arrive dans leur chair. Et ils signifient ainsi ce qui doit arriver dans l’esprit. C’est Flavius Josèphe qui nous rapporte l’événement dans son récit de la guerre des Juifs contre les Romains. Il raconte comment les zélotes, ces combattants politico-religieux fanatiques, après avoir massacré les prêtres du Temple de Jérusalem, s’emparèrent par les armes du sanctuaire, le transformant en quartier général de leur sédition militaire. Puis, parce que plusieurs de leurs chefs rêvaient de pouvoir, ils se divisèrent en trois factions et se firent une guerre civile sans merci. Dans l’enceinte même du sanctuaire, il firent périr de manière cruelle quantité de gens du peuple qui étaient venus pour la fête exercer leurs dévotions à Dieu. Ils enfermèrent le peuple dans les remparts de Jérusalem, l’empêchant de fuir et pensant par cette action que les armées romaines n’oseraient s’attaquer à la ville. Flavius Josèphe, devant tant d’horreur et de souillure, de massacres, s’écrie :
« Quel traitement aussi affreux, ô Jérusalem, la plus infortunée des villes, as-tu subi de la part des Romains qui entrèrent pour purifier par le feu les souillures de la nation ? Car tu n’étais plus, et tu ne pouvais plus rester le séjour de Dieu, puisque tu étais devenue la sépulture des cadavres de tes citoyens et que tu avais fait du Temple le charnier d’une guerre civile. Mais tu pourras redevenir meilleure, si tu apaises jamais le Dieu qui t’a dévastée ! Cependant le devoir de l’historien est de réprimer sa douleur, car ce n’est pas le moment des lamentations personnelles, mais du récit des faits. J’expose donc la suite des événements de la sédition. »
Vers la fin du monde, les combats devinrent de plus en plus spirituels et portèrent sur la question du salut éternel des âmes, plus que sur le salut des corps. Ainsi, lorsque la prophétie se réalisa, peu d’hommes la reconnurent, s’attendant à un signe plus symbolique, plus charnel, comme une statue d’idole dans les églises. Mais non, l’idole fut spirituelle.
Lorsque la faction séditieuse des évêques catholiques obtint l’expulsion du pape de la cité du Vatican, il allèrent trouver les autorités politiques et leur demandèrent de suspendre la loi qui nationalisait le petit État, le temps que s’y réunisse un concile qui réorganiserait l’Église. Il fut fait droit à leur demande. A Rome, le synode composé d’évêques et de laïques fut convoqué sur l’initiative de monseigneur Vlassov. Et il supprima la fonction pontificale par un vote unanime. Monseigneur Garlier, de France, fidèle au pape, et non convoqué au synode, commenta :
« Le ridicule de cette situation n’échappera pas même au monde laïc. On ne dépose pas le Vicaire du Christ, quand bien même tous les évêques du monde voteraient dans le même sens. »
Ensuite, le « Concile » commença ses travaux. Il mit à l’ordre jour l’organisation nouvelle de l’Église. On pencha pour une démocratie. Très vite, des groupes de pression réclamèrent un vote pour réformer ce que leurs aspirations leur suggéraient. D’abord disciplinaires et portant sur l’ordination sacerdotale des femmes, les débats portèrent vite sur la définition même du sacerdoce, puis de l’eucharistie, puis sur la foi elle-même. Le deuxième jour, trois factions s’étaient dessinées, depuis la plus réformatrice qui exigeait une adaptation totale de la pensée catholique à la pensée du temps, jusqu’à celle plus prudente de Monseigneur Garlier qui voulait qu’on s’en tienne aux questions d’organisation, sans s’attaquer à l’édifice de la foi. Le brouhaha des discussions et des disputes dépassa l’enceinte du Concile et fut bientôt dans toute la presse. Chacun prenait à témoin le monde, par média interposé, sur la justesse de sa cause.
Le pape Benoît XVIII assistait, impuissant, depuis son exil de Castelgandolfo, à cette débâcle. Dans ces discussions, il n’y eut pas de morts au plan physique. Mais partout dans le monde, les catholiques qui n’étaient pas ancrés dans leur fidélité à la foi et au vicaire du Christ, perdirent tout le reste de croyance qui leur restait.
C’est ainsi que se réalisa une prophétie ancienne, donnée à Fatima en 1917 sous forme d’un secret :
« Nous vîmes divers autres évêques, prêtres, religieux et religieuses monter sur une montagne escarpée, au sommet de laquelle il y avait une grande croix en troncs bruts, comme s’ils étaient en chêne-liège avec leur écorce. Avant d’y arriver, le Saint-Père traversa une grande ville à moitié en ruine et, à moitié tremblant, d’un pas vacillant, affligé de souffrance et de peine, il priait pour les âmes des cadavres qu’il trouvait sur son chemin. »
Ces âmes des cadavres étaient la masse des chrétiens qui, dans une ultime et gigantesque apostasie, se détournèrent de toute religion en ces jours de scandale. Et le pape pria pour eux douloureusement, devinant les souffrances qui allaient bientôt saisir une humanité « délivrée » de toute espérance après la mort. Il pensa aux jeunes, aux vieux et imaginait tous ceux qui ne supporteraient pas le feu de l’angoisse d’une vie sans but, n’ayant plus nulle part une voix même lointaine pour montrer la lumière.
Après le fiasco du concile, le Vatican fut finalement transformé en un musée dédié à l’histoire de l’humanité. La basilique Saint-Pierre, vidée de ses saintes espèces, devint la plus belle salle d’exposition qu’on puisse imaginer.
C’est vers cette époque que l’eucharistie disparut de la vie publique. Elle fut cependant célébrée par le pape, devenu simple prêtre et errant, et par ceux qui lui étaient fidèles.
Daniel 9, 26 : « Et après les 62 semaines, un messie supprimé, et il n’y a pas pour lui… la ville et le sanctuaire détruits par un prince qui viendra. Sa fin sera dans le cataclysme et, jusqu’à la fin, la guerre et les désastres décrétés. Et il consolidera une alliance avec un grand nombre. Le temps d’une semaine ; et le temps d’une demi-semaine il fera cesser le sacrifice et l’oblation, et sur l’aile du Temple sera l’abomination de la désolation jusqu’à la fin, jusqu’au terme assigné pour le désolateur. »
Daniel 11, 31 : « Des forces viendront de sa part profaner le sanctuaire-citadelle, ils aboliront le sacrifice perpétuel, et y mettront l’abomination de la désolation. Ceux qui transgressent l’Alliance, il les pervertira par ses paroles douces, mais les gens qui connaissent leur Dieu s’affermiront et agiront. A compter du moment où sera aboli le sacrifice perpétuel et posée l’abomination de la désolation : 1.290 jours. Heureux celui qui tiendra et qui atteindra 1.335 jours. »
L’apostasie du peuple chrétien fut loin d’être universelle. Partout dans le monde, il se trouva des familles et même des Églises que tout cet énorme brouhaha n’étonna pas. Ces gens avaient tous en commun d’être très mariaux. Ils se nourrissaient depuis plus de deux siècles, de génération en génération, d’une spiritualité directement tombée du Ciel et transmise par la Vierge Marie elle-même. Fidèlement, aidés par les papes et les évêques qui avaient reconnu les apparitions qu’il fallait et quand il le fallait, sans chercher ailleurs dans le foisonnement de ce qui était non reconnu, ils s’étaient formés avec Marie. Précieusement, ces chrétiens portaient dans le cœur le souvenir de la médaille miraculeuse donnée à la rue du Bac en 1830. Un M majuscule y était représenté, portant une croix. Et il ne fallait pas être plus qu’un enfant pour comprendre que viendraient des événements si surprenants que seuls ceux qui imiteraient Marie (M) dans sa confiance, garderaient la foi (╬). Et beaucoup, partout dans le monde, furent fidèles.
Leur refuge fut Marie et son imitation jusqu’à son samedi saint. Ils réalisèrent jusqu’à la fin du monde et de génération en génération cet appel de Jésus (Matthieu 24, 16) : « Alors que ceux qui seront en Judée s’enfuient dans les montagnes : Marie, montagne de Judée, imprenable citadelle de Sion ! »
Arnaud Dumouch, 30 décembre 2005