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L’arche d’alliance

(Attention, ceci n’est pas une prophétie. Juste un conte fondé sur une prophétie.)

L’arche d’alliance. Mozaïque de Germigny des prés.

 

« Alors le Seigneur manifestera de nouveau ces objets, la gloire du Seigneur apparaîtra ainsi que la Nuée, comme elle se montra au temps de Moïse et quand Salomon pria pour que le saint lieu fût glorieusement consacré. » (2 Maccabées 2, 7-8)

 

Le 17 mars, le grand Rabbin Jacques Eselstein, de Paris, reçut par courrier électronique un avis du Grand Rabbinat de Jérusalem l’invitant à se rendre impérativement pour le dimanche 2 avril suivant dans la capitale d’Israël où devait se tenir un consistoire de la plus haute importance. La consigne était donnée de ne pas avertir la presse mais de s’y rendre de manière privée et discrète. Le grand Rabbin de Paris téléphona à son homologue de Bruxelles et fut assez surpris car jamais, de mémoire d’homme, une telle convocation n’avait eu lieu. Aucune menace particulière ne pesait sur Israël qui, depuis 20 ans, semblait vivre dans une paix définitive.

Arrivé à Jérusalem dès le dimanche précédant le consistoire, le Rabbin Eselstein trouva la ville sainte en paix, et les premières chaleurs du printemps attiraient les foules bigarrées sur les places et autour des cafés. Il y rencontra de nombreux confrères, au fur et à mesure de leur arrivée et nul ne put le renseigner. Les citoyens d’Israël circulaient de plus en plus souvent à bicyclette et la ville avait été transformée, à l’occasion de travaux archéologiques récents, en une ville plus claire, plus lumineuse et arborée. Enfin, le jour attendu arriva. Du monde entier et de la diaspora juive, des chefs de communauté arrivaient, en tenue religieuse.

Le consistoire se réunit près de l’esplanade du Temple de Jérusalem, dans l’antique cité de David. Mais avant, et pour être discrets, les grands rabbins se rendirent par petits groupes en pèlerinage sur l’esplanade. Elle était dans l’état où l’avait laissée la grande guerre de religion qui, 20 ans plus tôt, avait conduit à la ruine des lieux saints de l’islam : une place nue, les fondations à ras de terre de l’ancienne mosquée du Dôme du rocher, et le mur des Lamentations, toujours intact, objet de la dévotion des fidèles.

La première matinée du consistoire fut consacrée aux retrouvailles mutuelles, aux congratulations, à la prière et enfin à une étrange conférence en anglais du père Octave Rondeau op, de l’école biblique de Jérusalem, intitulée : « La révolution archéologique ». Son intervention pouvait être résumée ainsi (notes du grand rabbin Joseph Weizmann de Berlin) :

« Lorsque fut mise au point la technologie du scanner archéologique, qui consiste à cartographier les couches du sous-sol en faisant apparaître en trois dimensions les couches successives, il se produisit une véritable révolution de l’archéologie.

Les découvertes fortuites, les laborieuses fouilles, les cadres, l’épluchage au pinceau disparurent au profit de ces radiographies en trois dimensions, appliquées systématiquement.

En Israël où cette technologie avait été mise au point, les découvertes commencèrent à se multiplier. Des cités entières apparurent et partout, on localisa des trésors archéologiques enterrés en or, en argent, en bronze et en pierres sculptées.

Une nouvelle éthique de l’archéologie naquit donc, devant l’ampleur des découvertes potentielles : fallait-il déterrer ou au contraire laisser sur place à l’abri des destructions et pour les générations futures ce qui apparaissait au scanner ? »

Le professeur Rondeau fut applaudi poliment. Chacun, par devers soi, se demandait la raison de cette conférence, par ailleurs fort enrichissante. Il quitta le consistoire qui se referma sur le seul rabbinat. L’après-midi, dès 15 heures, le consistoire se réunit de nouveau, à huis clos. Ce fut le grand rabbin de Jérusalem, Benjamin Elihu, qui prit la parole. Son ton était posé, solennel. Il dit :

« Mes frères, si je vous ai réunis aujourd’hui, c’est pour vous faire part d’une nouvelle dont l’importance est unique pour notre nation et n’a d’équivalent que la fondation de notre Etat, en 1948. Mais avant d’aller plus loin dans mon exposé, je me vois contraint de demander à chacun de vous un serment, le serment de garder scellé dans votre conscience et devant Dieu la totalité de ce qui sera débattu ici, jusqu’à ce que le consistoire, par un vote majoritaire, vous délivre de cette promesse. »

Chacun des 120 pères jura donc, en silence, sur le Testament, un secret absolu. Puis rabbin Benjamin Elihu reprit :

« Nous avons reçu, il y a trois semaines, des nouvelles de l’équipe du professeur Rondeau qui pratique le scannage archéologique systématique dans le Sinaï, avec l’autorisation des autorités politiques de la région Afrique. Or, il y a juste 15 jours, j’ai reçu une communication privée de sa part. Je vous la lis. Elle tient en une ligne : « L’équipe de mes chercheurs est formelle : la grotte sainte vient d’être localisée. »

Un frisson parcourut l’assemblée. Les religieux échangèrent des regards. Il y eut un flottement sacré. Puis l’enthousiasme éclata. L’assemblée se leva et applaudit longuement. On se congratula. Chacun avait compris : il s’agissait de la grotte du prophète Jérémie, perdue depuis plus de 2500 ans, celle où une tradition insistante disait qu’il avait caché les mobiliers essentiels du premier Temple de Jérusalem, juste avant sa destruction par Nabuchodonosor. Un texte en particulier, présent dans l’Ancien testament catholique, car écrit en grec, avait attiré l’attention des exégètes :

« Il y avait dans cet écrit qu’averti par un oracle, le prophète Jérémie se fit accompagner par la tente et l’arche, lorsqu’il se rendit à la montagne où Moïse, étant monté, contempla l’héritage de Dieu. Arrivé là, Jérémie trouva une habitation en forme de grotte et il y introduisit la tente, l’arche, l’autel des parfums, puis il en obstrua l’entrée. Quelques-uns de ses compagnons, étant venus ensuite pour marquer le chemin par des signes, ne purent le retrouver. » (2 Maccabées 2, 4-6)

Le Grand Rabbin de New York, John Steinberg, prit alors la parole et lança d’une voix forte : « Mon frère, dites-nous. L’arche sainte est-elle dans la grotte ? »

Le rabbin de Jérusalem reprit la parole : « Mes frères, le père Rondeau est formel. La précision du scanner ne laisse aucun doute. Un objet volumineux, surmonté de deux formes sculptées recouvertes d’or, sans aucun doute les chérubins cités par la Bible, se trouve au centre de la grotte. Le professeur Rondeau qui a fait cette découverte et en a prévenu aussitôt le grand rabbinat de Jérusalem a une opinion définitive : C’est l’arche. Aucun doute n’est possible. Mais ce n’est pas tout. On distingue nettement des centaines d’objets d’or, d’argent et de bronze dont le monumental chandelier du Temple (Ménorah). Cette grotte contient l’essentiel de notre histoire et des rouleaux de parchemin par centaines. »

 

L’arche d’alliance. Dessin d’artiste.

 

L’importance de la découverte était saisissante. Les dimensions religieuses, historiques et surtout politiques de la découverte n’échappaient à personne. Le Grand Rabbin de Paris prit alors la parole. Il tenait en main une Bible de Jérusalem, catholique (car le livre des Maccabées ne se trouve pas dans la Bible en hébreux).

— Mes frères, j’ai retrouvé le texte de la prophétie de Jérémie. Permettez-moi de vous la lire : « Quelques-uns de ses compagnons, étant venus ensuite pour marquer le chemin par des signes, ne purent retrouver le chemin de la grotte. Ce qu’apprenant, le prophète Jérémie leur fit des reproches : “Ce lieu sera inconnu, dit-il, jusqu’à ce que Dieu ait opéré le rassemblement de son peuple et lui ait fait miséricorde. Alors le Seigneur manifestera de nouveau ces objets, la gloire du Seigneur apparaîtra ainsi que la Nuée, comme elle se montra au temps de Moïse et quand Salomon pria pour que le saint lieu fût glorieusement consacré.” » (2 Maccabées 2, 7-8) Vous comprenez l’importance de cette découverte. Si l’arche sacrée est là, c’est que le moment est venu…

— Le Temple ? c’est cela ? dit le Grand Rabbin Yodesh de Damas. 

— C’est cela, mon frère, le Temple. Et vous savez comme le sujet est sensible. Depuis la dernière guerre mondiale, notre gouvernement s’est obligé à ne rien construire pour remplacer la mosquée du Dôme. Nous avons transformé cette esplanade du Temple en un lieu de mémorial universel pour l’humanité, afin que jamais plus il n’y ait la guerre. Que devons-nous faire ?

— Mes frères ! (le grand Rabbin Yodesh se leva). Ecoutez-moi. Ne voyez-vous pas les signes des temps ? Vous faut-il autre chose ? Regardez notre histoire. Depuis la shoah, génération après génération, Dieu nous a conduits à ce jour. Il nous a d’abord ramenés dans notre terre. Puis il nous a rendu Jérusalem tout entière. Il a permis que les ennemis qui nous entouraient de toute part perdent une grande guerre et supplient pour faire la paix. Il a détruit la mosquée qui occupait l’emplacement de notre Temple et aujourd’hui, il nous rend l’Arche Sainte, le tabernacle de sa présence. Il faudrait être aveugle pour voir autre chose que la réalisation, sur un plateau, de la prophétie d’Ezéchiel (41-44). Nous avons même le plan de ce troisième Temple, dans la Bible !

— Pas si vite, mon frère, répondit le Grand Rabbin de Jérusalem. Les chrétiens et les musulmans sont nombreux et puissants. Et pour eux, le troisième Temple est leur communauté de foi. Ne risquons-nous pas de susciter une opposition viscérale ?

— Vous savez bien que non, mes frères, reprit le grand Rabbin Yodesh. Depuis la shoah, les Eglises chrétiennes ont pris la position de l’Eglise catholique. Pour elles, la reconstruction du Temple est un signe qu’elles attendent puisque le Messie Jésus doit revenir se montrer à nous à Jérusalem, là où il fut supplicié. Quant aux musulmans, ils vivent de nos jours dans l’humilité suite aux grandes apostasies qui ont suivi la crise islamiste. Aucun d’eux ne s’opposera au Temple et ils aideront plutôt à sa reconstruction puisqu’ils disent, avec leur Prophète, que Jérusalem est aux Juifs.

— Il reste donc la question épineuse du gouvernement mondial. Il risque bien de protester si nous accaparons au profit de notre Dieu cette esplanades des trois religions monothéistes…

Les trésors du Temple de Jérusalem.

Le conseil du grand rabbinat décida, par un vote unanime, de garder le secret sur ces découvertes pendant un mois, le temps que les archéologues ouvrent la grotte et confirment l’antiquité de la découverte. On délégua auprès des équipes du père Rondeau des « cohen », c’est-à-dire des descendants des prêtres du Temple. On pratiqua une petite ouverture par laquelle on introduisit une caméra miniaturisée montée sur un drone de la taille d’un moucheron. Son autonomie d’une heure était largement suffisante pour ramener des images en trois dimensions de l’intérieur de la cache.

Le grand Rabbin Jacques Eselstein qui était spécialiste des deux temples commenta les images rapportées : « Il faut différencier les ustensiles du Premier Temple, détruit en 3338 (-422) de ceux du Second Temple détruit en 3828 (+68). Dans le Second Temple manquaient l’Arche, le bâton d’Aaron qui avait fleuri, le flacon de manne, l’huile d’onction, les Ourim et Toumim (éléments du Pectoral du Grand Prêtre hérité de Aaron), dont les textes nous enseignent qu’ils furent cachés par les Rois d’Israël, et le Candélabre fabriqué par Moché, qui existait dans le Temple de Salomon. Or nous voyons ici tous ces objets bien reconnaissables. Nous voyons sur le côté, pieusement disposés, les dix Candélabres d’apparat du Premier Temple, probablement ceux le Roi Salomon fit lui même fabriquer.

Et puis, sous la tente du désert, au centre, voici le tabernacle du Temple, l’arche d’alliance. Seul les hommes consacrés au service du Temple peuvent le toucher.

Nous avons devant nous la preuve que les ustensiles les plus précieux du Premier Temple ne furent pas cachés par le Roi Josias (2 Chroniques 35, 3) dans une cache prévue par le roi Salomon dès la construction du Premier Temple. Ils ne furent pas emportés en exil à Babylone par Nabuchodonosor avec le mobilier secondaire du temple (2 Chroniques 36), mais ils furent bien cachés par le Prophète Jérémie comme le dit le livre des martyrs d’Israël (2 Maccabées 2).

Et chose remarquable, nous avons probablement devant nous, contenus dans des centaines de jarres, la bibliothèque du Temple. Il y a là du travail pour des dizaines d’années pour tous les chercheurs du monde entier. »

Dès la fin de la semaine, en Erets Israël, les journaux annoncèrent la découverte. Et dans le monde, unanimement, loin de provoquer la polémique, cette découverte suscita un intérêt unanime. Jusqu’en Chine furent projetés des documents sur l’Arche d’Alliance et l’histoire quatre fois millénaire des Juifs.

Signe des temps inimaginable 30 ans plus tôt : les autorités religieuses chiites de l’Iran envoyèrent au gouvernement Israélien une lettre contenant les plus sincères félicitations et les vœux pour une prompte reconstruction du Temple de Jérusalem.

Arnaud Dumouch, 2005

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