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Salomon, le roi qui conduisit son peuple au péché

Les contes du tome 2 décrivent l’histoire d’une génération et de son éducation, selon le deuxième sens des textes eschatologiques de la Révélation. Il est parlé des « générations » de la manière dont le fait Jésus : les membres de cette génération ne forment pas un bloc uniforme. Le conte vise plutôt le courant dominant du temps, tenu le plus souvent par des représentants qui possèdent le pouvoir, au moins au plan médiatique.

 

 

« Ma génération, faut-il que je vous en parle ? C’est plutôt de moi que je parlerai, non pour me mettre en avant mais pour montrer, de là où je suis, l’influence terrible, en bien comme en mal, que peut avoir un roi sur son peuple », dit Salomon, ancien roi d’Israël devenu au paradis céleste, un pauvre serviteur des serviteurs de Dieu.

 
Le roi Salomon.
Le roi Salomon

Je veux vous raconter combien la vie est longue, l’attente dure. Un jeune homme rempli de sagesse peut, s’il n’y prend garde et parce que sa sagesse n’est que naïveté, devenir un vieil homme pervers et décadent. Mais je vous raconterai aussi les miséricordes de Dieu, sans rien vous en cacher.

Je suis maintenant guéri, par la grâce de mon Dieu qui s’est souvenu des prières de ma jeunesse, quand je me tenais devant son Tabernacle. Je vous parle donc face à Sa Gloire, et je ne mentirai pas. Je vois maintenant le but de tout cela car je tiens dans mes mains la fin heureuse de mon histoire.

Ma jeunesse

Je suis né de l’adultère du roi David avec ma mère Bethsabée, veuve d’Uri, que mon père avait fait assassiner (2 Samuel 11, 2-4 et 11, 14-17). Mes parents m’appelèrent Salomon. Quand mon père fut devenu vieux, il me fit venir. Il me recommanda un amour droit et humble, centré sur Dieu et sur son peuple. Il me dit : « Je m’en vais par le chemin de tout le monde. Sois fort et montre-toi un homme ! Tu suivras les observances de Yahvé ton Dieu, en marchant selon ses voies, en gardant ses lois, ses commandements, ses ordonnances et ses instructions, selon ce qui est écrit dans la loi de Moïse, afin de réussir en toutes tes œuvres et tous tes projets, pour que Yahvé accomplisse cette promesse qu’il m’a faite : Si tes fils surveillent leur conduite en marchant loyalement devant moi, de tout leur cœur et de toute leur âme, tu ne manqueras jamais de quelqu’un sur le trône d’Israël. » (1 Rois 2, 2)

Puis je m’assis sur le trône de mon père et mon pouvoir devint très ferme grâce à Dieu (1 Rois 2, 46).

Le péché

Ma décadence se confirma progressivement. Mais la racine de mon mal était déjà présente au début de mon règne. Je devins le gendre de Pharaon en prenant pour femme sa fille (1 Rois 3, 1). « J’aimais certes Yahvé : je me conduisais selon les préceptes de mon père David ; seulement je me mis à offrir des sacrifices et de l’encens sur les hauts lieux. » La faiblesse du cœur humain est si grande, que si on n’y prend pas garde, elle finit par se manifester dans toute sa force. J’allais par exemple à Gabaôn pour y sacrifier, car c’est là que se trouvait le plus haut lieu. « J’offris mille holocaustes sur cet autel. » (1 Rois 3, 4).

Pourtant, Dieu voyait que mon cœur était sincère. C’est donc là qu’il m’apparut en songe et me dit de lui demander ce qu’il devait faire pour moi. « Je lui répondis : Donne à ton serviteur un cœur plein de jugement pour gouverner ton peuple, pour discerner entre le bien et le mal, car qui pourrait gouverner ton peuple, qui est si grand ? » (1 Rois 3, 6-9).

« Il plut au regard du Seigneur que j’aie fait cette demande ; et Dieu me dit : Parce que tu as demandé cela, que tu n’as pas demandé pour toi de longs jours, ni la richesse, ni la vie de tes ennemis, mais que tu as demandé pour toi le discernement du jugement, voici que je fais ce que tu as dit : je te donne un cœur sage et intelligent comme personne ne l’a eu avant toi et comme personne ne l’aura après toi. Et même ce que tu n’as pas demandé, je te le donne aussi : une richesse et une gloire comme à personne parmi les rois. Et si tu suis mes voies, gardant mes lois et mes commandements comme a fait ton père David, je t’accorderai une longue vie. »

Et, je peux en témoigner (2 Samuel 12, 24-25) : « Yahvé m’aima et me le fit savoir par le prophète Nathan… », (1 Rois 3, 12b). Je ne fus pas seulement sage aux yeux des autres, mais reconnu comme tel par Dieu lui-même.

Mais j’aurais dû prendre garde à ce qu’ajouta Dieu. Il m’avait bien dit d’aller auprès de l’arche de l’alliance et d’offrir des holocaustes et des sacrifices de communion.

La gloire est un piège pour la jeunesse

Fondé sur mon imprudence avec l’idolâtrie, ce qui me perdit fut ma réussite extérieure. Je m’étais déjà construit un magnifique palais. J’entrepris ensuite de bâtir le Temple pour Yahvé à Jérusalem, que déjà mon père David voulait construire. J’ai su me soumettre tout le peuple pour qu’il travaille à accomplir ce que je désirais. Et la parole de Dieu s’accomplit en tout, puisque je « surpassai bientôt en richesse et en sagesse tous les rois de la terre. Tout le monde voulait être reçu par moi pour profiter de la sagesse que Dieu m’avait mise au cœur et chacun apportait son présent » (1 Rois 10, 23-25). La reine de Saba, quand elle apprit ma renommée, vint m’éprouver par des énigmes, mais « je l’éclairais sur toutes ses questions et aucune ne fut pour moi un secret que je ne pus élucider. » (1 Rois 10, 1-12). « Quant à moi, j’offris à la reine da Saba tout ce dont elle manifesta envie, en plus des cadeaux que je lui fis avec une magnificence digne de moi. » (1 Rois 10, 13).

À cette époque, mon cœur restait encore attaché à Yahvé. A l’occasion du transfert de l’arche de l’alliance au Temple, je priai Yahvé et il me répondit par une nouvelle apparition, et il me promit encore une fois sa bénédiction, à condition que mon cœur reste attaché à lui. (1 Rois 4, 1-9, 26).

Les plaisirs abusifs affaiblissent l’esprit

Je ne refusais aucun plaisir. « J’aimais beaucoup de femmes étrangères – outre la fille de Pharaon – : des Moabites, des Ammonites, des Édomites, des Sidoniennes, des Hittites, de ces peuples dont Yahvé avait dit aux Israélites : Vous n’irez pas chez eux et ils ne viendront pas chez vous ; sûrement ils détourneraient vos cœurs vers leurs dieux. » Mais je m’attachais à elles par amour ; j’eus sept cents épouses de rang princier et trois cents concubines. « Et, quand je fus vieux, mes femmes détournèrent mon cœur vers d’autres dieux et mon cœur ne fut plus tout entier à Yahvé mon Dieu comme avait été celui de mon père David. Je suivis Astarté, la divinité des Sidoniens, et Milcom, l’abomination des Ammonites. Je fis ce qui déplaît à Yahvé et je ne lui obéis pas parfaitement comme mon père David. C’est alors que je construisis un sanctuaire à Kemosh, l’abomination de Moab, sur la montagne à l’orient de Jérusalem, et à Molèk, l’abomination des Ammonites. J’en fis autant pour mes femmes étrangères, qui offraient de l’encens et des sacrifices à leurs dieux. » (1 Rois 11, 1-8).

La ruine de mon âme 

Vers 45 ans, mon succès m’avait complètement blasé. Je pense que je n’attendais plus rien de la vie car j’avais tout. Je finis même par me croire capable de jouer avec la mort. Je devins sarcastique. Imaginez… je décidais en moi-même de faire une expérience « et de livrer mon corps à la boisson… de m’attacher à la folie » (Qo 2, 3), « Je n’ai rien refusé à mes yeux de ce qu’ils désiraient, je n’ai privé mon cœur d’aucune joie » (Qo, 2, 10). Je voulais voir si je conserverais ma sagesse malgré ces expériences.

Et je crus bien que oui ! Pour preuve, voilà ce que je me mis à écrire à l’époque, après avoir expérimenté tous les venins[1]: « Eh bien, cela aussi est vanité. Du rire j’ai dit : « sottise », et de la joie : « à quoi sert-elle ? » »

Or, lorsque je regarde ma vie aujourd’hui, je me rends compte que c’est à cet âge que Dieu me laissa complètement et fit silence autour de moi, car je ne l’aimais plus. «  Les pensées tortueuses éloignent de Dieu » (Sagesse 1, 3). « Non, la Sagesse n’entre pas dans une âme malfaisante, elle n’habite pas dans un corps tributaire du péché. Car l’esprit saint, l’éducateur, fuit la fourberie, il se retire devant des pensées sans intelligence, il s’offusque quand survient l’injustice » (Sagesse 1, 4-5).

C’est ainsi que je devins le plus bête des hommes, alors que j’étais le plus sage dans ma jeunesse.

On trouve dans l’Ecclésiastique « un résumé » de mon histoire :

« Un fils savant succéda à David, qui, grâce à lui, vécut heureux.
Salomon régna dans un temps de paix et Dieu lui accorda la tranquillité alentour, afin qu’il élevât une maison pour son nom et préparât un sanctuaire éternel.
Comme tu étais sage dans ta jeunesse, rempli d’intelligence ainsi qu’un fleuve !
Ton esprit a couvert la terre, tu l’as remplie de sentences obscures.
Ta renommée est parvenue jusqu’aux îles lointaines et tu fus aimé dans ta paix.
Tes chants, tes proverbes, tes sentences et tes réponses ont fait l’admiration du monde.
Au nom du Seigneur Dieu, de celui qu’on appelle le Dieu d’Israël, tu as amassé l’or comme de l’étain et comme le plomb tu as multiplié l’argent.
Puis tu as livré ton corps aux femmes, et tu as été l’esclave de tes sens.
Tu as fait une tache à ta gloire, tu as profané ta race, au point de faire venir la colère contre tes enfants et l’affliction pour ta folie :
alors il se dressa un double pouvoir contre toi, il surgit d’Éphraïm un royaume révolté. »
(Si, 47, 12-21)

La punition dont je me suis moqué

Pour me sauver de mon péché et pour sauver mon peuple en même temps, Dieu décida d’agir et d’éduquer. À mon époque, nous étions, moi et mon peuple, attachés à l’aspect matériel des choses. Nous pensions que la victoire nous venait de Dieu en reconnaissance de nos mérites, et la défaite en fonction de nos fautes. Alors Dieu s’adaptait et nous éduquait par le moyen de l’échec et de la réussite.

« Yahvé s’irrita contre moi, parce que mon cœur s’était détourné de lui, alors qu’il m’était apparu deux fois » (1 Rois 11, 9). Il me dit par l’intermédiaire d’un de ses prophètes : « Parce que tu t’es comporté ainsi et que tu n’as pas observé mon alliance et les prescriptions que je t’avais faites, voici que je vais t’arracher le royaume et le donner à l’un de tes serviteurs. Seulement je ne ferai pas cela durant ta vie, en considération de ton père David » (1 Rois 11, 11).

Et moi, j’étais devenu si fou que je n’ai retenu de cette prophétie que la dernière phrase. J’ai pensé dans mon cœur : « Ah ! tout va bien. Après moi, le déluge ! » Et c’est pourquoi je ne me suis pas détourné de mon péché. Mon père, lui, après son adultère, s’était tellement repenti qu’il avait obtenu la miséricorde. Moi, je n’en étais plus là.

Puis je suis mort en nabab, entouré des plus jeunes de mes nouvelles femmes.

Le salut de ma génération

Lorsque je suis arrivé à la porte de l’autre monde, j’ai compris aussitôt que je n’étais plus roi, mais un simple mortel dans le passage de l’ombre. J’ai d’abord erré en ce monde et j’ai visité mon royaume d’une manière que je n’avais jamais eue. Je suis entré dans les maisons et j’ai assisté aux conversations de mon peuple. Beaucoup se réjouissaient de ma mort, tant les impôts et les corvées les avaient réduits à une grande misère. Mais beaucoup m’admiraient à cause de toute cette gloire et des constructions que j’avais laissées.

Nombreux étaient ceux qui justifiaient leur idolâtrie et leur adultère en rappelant mon exemple. Les hommes maintenaient leurs femmes dans une rude soumission, à l’exemple de ce que j’avais imposé aux miennes dans mon harem. Je vis une grande misère et un grand péché, et je devinais des malheurs à venir pour mon peuple.

J’ai erré très longtemps comme une âme en peine. Je me suis désespéré et j’ai fini par crier vers le Ciel. L’ange qui m’est apparu ensuite m’a montré ma vie, telle que je vous l’ai racontée, mais à travers le regard de mes proches. Et j’ai vu les dégâts matériels et spirituels de mes péchés : ceux qui m’admiraient sur terre, alors que je n’étais plus rien dans l’autre monde, justifiaient leurs turpitudes au nom des miennes, par l’autorité de mon sacerdoce royal.

J’ai vu à quel point nos actes ont une influence sur nos enfants. J’allais me désespérer de ces conséquences inattendues lorsque mon ange m’a dit : « Rassure-toi ! Ne crains pas ! Il y a un salut ! Regarde : toute cette éducation est nécessaire pour préparer le cœur de l’homme à la plénitude de la révélation. Ces faits se sont produits pour servir d’exemple à des générations futures qui, en regardant l’histoire de ton royaume, chercheront à éviter les convoitises mauvaises, comme toi et ton peuple en avez eues vous-mêmes. Ils éviteront de devenir idolâtres comme certains d’entre vous. » (1 Corinthiens, 10, 6-7). Car tout t’est arrivé pour servir d’exemple. La sagesse et la lente révélation, génération après génération, de l’amour de Dieu tourneront un jour au salut éternel de la multitude.

Rien n’est plus vrai : près de 3000 années plus tard, je peux témoigner de la patience de Dieu, de la manière dont il nous laisse avilir et même détruire par le péché, afin de tout convertir en salut éternel, pour ceux qui acceptent de se repentir.

Arnaud Dumouch, 6 avril 2006

 

1. Même si l’on affirme que l’attribution de ce livre de Qohélet au roi Salomon n’est qu’une fiction littéraire de l’auteur, qui met ses réflexions sous le patronage de plus illustre des rois, celui-ci fait quand même référence au roi Salomon. (Qo, 1, 12-18 et 2, 1-20). Ce qui est si frappant dans ce texte, ce sont les variations sur un thème unique, celui de la vanité des choses humaines : « vanité des vanités, tout est vanité » (Qo, 1, 2). Dans l’intégralité de ce passage, on se heurte aux affirmations de l’absurdité de toute chose. [↩]

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