Accueil > Contes > Tome 1 : Le destin individuel > « Même Adolf Hitler… »
Vers la fin de sa vie, tout fut tenté par son Ange gardien pour briser son orgueil. Mais il avait adoré toute sa vie une idole puissante, à qui il avait tout sacrifié.
Deux jours avant sa mort, il montra une fois de plus et dramatiquement que rien ne le détournerait de sa voie. On lui parla d’un jeune de 15 ans, des Hitlerjugens, qui avait réussi tout seul à détruire des chars soviétiques. Il sortit une dernière fois de son bunker, dans Berlin en ruine, et il le décora de la croix de fer. Son ange lui cria à l’esprit, se cachant dans ses pensées : « Dis-lui de fuir, de sauver sa vie ! » Mais Hitler n’écouta pas et l’envoya de nouveau au combat, c’est-à-dire à la mort. Il n’eût pas pitié de cette jeunesse et il éprouva le besoin de se justifier un peu plus tard, retourné dans son refuge et encore brûlé par cette mauvaise action : « L’Allemagne s’est montrée lâche. Elle s’est montrée indigne de moi. Elle ne doit pas survivre. » Cette phrase dit tout des idoles qu’il adorait.
Depuis près de deux ans, son Ange gardien lui avait mis dans l’esprit l’idée du suicide. Un seul geste et il pouvait sauver des millions de vie. Pour cet homme, se suicider aurait donc été un acte de bonté envers le prochain. Mais il résista, fidèle à la mission de destruction totale qu’il s’était donnée : « Une seule chose me survivra peut-être, mais je l’aurai accomplie jusqu’au bout : je délivrerais le monde de la race Juive. »
Sentant son temps compté, il agit avec plus de vigueur encore pour tuer, faisant de la « solution finale contre les Juifs » l’obsession de son pouvoir. « Comme l’aigle qui prend son essor, il se montra dur envers les Juifs, et transforma son pays en une nation au visage dur, sans égard pour sa vieillesse et sans pitié pour sa jeunesse » (Deutéronome 28, 49). Il assignait une priorité aux trains de Juifs dirigés vers les camps de la mort. Ils passaient avant même certains trains de troupes vers le front. Cette obsession lui venait de la certitude du complot Juif contre le monde. Il avait fondé cette pensée folle de l’observation de quelques notabilités Juives, élaborant une théorie du complot qu’il faisait remonter à l’humanisme tourné vers Dieu d’Abraham, appliquant sa logique jusqu’aux petits enfants qui ne distinguaient pas leur droite de leur gauche. Il n’en démordit jamais et toutes ses actions trouvent leur justification dans cette obsession.
Dans tous ces grands péchés, Hitler devint l’un des plus puissants Antichrist qu’ait connu le monde. Et pourtant, pour se damner, ce grand pécheur dut affronter les dernières tentatives venant du Christ Jésus pour le sauver.
Il prépara calmement son suicide, repoussant jusqu’à la dernière seconde l’échéance. Il se renseigna sur les poisons et se fit accompagner dans la mort, tel les antiques rois germaniques, d’une épouse si dévouée qu’elle en était devenue insignifiante. Il cassa dans sa bouche l’ampoule de cyanure et se tira simultanément une balle dans la tempe. Ce geste le propulsa violement hors de son corps. A côté de lui se trouvait le spectre de sa femme, étonnée et amusée par cette nouvelle expérience originale. Jusque dans la mort, il constata qu’Eva se faisait de tout une sorte de fête, sans jamais en tirer les conséquences logiques. Pour sa part, il comprit une fois de plus ce qu’il avait toujours soupçonné : Il existait donc bien une Providence, puisqu’il y avait survie, et c’est elle qui l’avait accompagné.
Il resta un long moment sur l’Allemagne, hantant à l’heure de sa mort une réalité qu’il n’avait pu qu’apercevoir auparavant. Il vit ses SS appliquer scrupuleusement ses directives concernant son corps, qu’ils aspergèrent d’essence hors du bunker. Il pensa soudain au jeune qu’il avait décoré quelques jours plus tôt pour son héroïsme et, mystérieusement, il se retrouva aussitôt auprès d’un cadavre qu’il identifia sans peine. Eva Braun ne supporta pas plus longtemps de le suivre. Ce spectacle l’affligeait et, avisant une sorte de tunnel de lumière blanche qu’elle remarqua au dessus d’elle, elle sembla disparaître dans une autre dimension.
Pour sauver Hitler, les Anges de Dieu prirent leur temps. Pour essayer de le détacher de son orgueil, ils lui firent voir de ses propres yeux, la vanité de ce qu’il avait construit, espérant de lui une réflexion, puis un repentir. Il poursuivit donc seul sa quête à travers l’Allemagne, voyageant librement dans ce corps invisible que la dissolution de la biologie ne détruit pas. Il vit les ruines, les monceaux de cadavres dans le sol. Il hanta l’Europe tout entière, la Pologne, et la Russie. Étant entre deux mondes, il y vit aussi partout ce qui est invisible aux vivants, à savoir des armées de spectres livides, des âmes errantes comme lui qui fuyaient à sa vue.
Et il assista à son échec : il voyageait encore sur la terre lorsque, en 1948, il vit le peuple Juif se relever et fonder son État. Il le jugea faible et amoindri et il se réjouit quand d’autres peuples reprirent le flambeau de sa haine. Il observa que cette haine planait au dessus des peuples sous la forme d’un démon. Mais il constata la mystérieuse et permanente victoire du peuple Juif, qui semblait protégé d’une Main invisible qui affaiblissait à chaque fois ses ennemis, augmentant d’autant leur colère.
25 ans après son suicide, il dut encore assister au retournement complet de la génération suivante qui fit des valeurs exactement inverses aux siennes sa sagesse, rendant impur le sang germanique par une immigration sans limites. L’Europe entière semblait sentir sa présence malfaisante et se détournait avec horreur de tout ce qu’il avait adoré.
C’était la défaite totale d’un homme, d’un projet, de quoi faire réfléchir et rendre lucide sur la vanité de toute sa vie. Mais lui, loin de se repentir, maudissait l’Europe en disant : « Vous reviendrez à moi. Moins de trois générations et vous regarderez de nouveau mon œuvre ! »
Les Anges de Dieu, toujours invisibles, observaient son âme dans le shéol de son errance. Ils ne virent aucun progrès, comme si la longue méditation solitaire de plus de quarante années d’un désert aride ne lui apprenait rien.
En septembre 2001, l’Adversaire, l’Ange révolté, fut enfin autorisé à lui apparaître. Il ne vint pas seul mais se fit accompagner de plusieurs de ses anciens compagnons. Hitler vit une grande lumière et Lucifer se tint devant lui : « Tu ne m’a pas déçu. Tu n’as pas pleurniché sur ton sort. Tu es resté fidèle à ta liberté de pensée. Si tu me restes fidèle jusqu’au bout, tu seras pour l’éternité le Führer d’un immense Royaume que je te donnerai, où tu installeras les valeurs que tu adores : dignité, noblesse, virilité. Personne ne pourra te détruire et ton royaume sera éternel. Mais, auparavant, tu devras affronter une dernière épreuve, un dernier ennemi. Méfie toi du Juif Jésus. Il est redoutable. »
A la vue du noble Lucifer, Hitler ressentit une émotion puissante, un sentiment de force qui lui rappela les anciennes sensations de Nuremberg,
L’Adversaire s’effaça alors, rayonnant sa confiance et son admiration pour son serviteur.
Adolf Hitler attendit donc que paraisse le redoutable ennemi qu’on lui avait annoncé. Il avait toujours détesté les valeurs du Messie des chrétiens, et il pensait jadis liquider cette religion après sa victoire militaire.
Mais le Messie le prit en traître. Il ne vint pas lui-même. Il délégua en avant de lui deux femmes, les deux seules qui, objectivement et malgré le peu d’intelligence qu’il voyait briller en elles, l’avaient aimé et s’étaient dévouées pour lui. Sa mère et son épouse Eva se tenaient devant lui, toutes intimidées. Elles ne disaient rien mais leur apparence parlait pour elles. Il émanait d’Eva une attitude de parfait regret. Pour la première fois, elle semblait intelligente et profonde, comme si un chagrin immense avait mis du plomb dans sa superficialité. Elle semblait crier de tout son être enveloppé d’une douce clarté : « On m’a pardonné mon inconséquence. On ne m’a pas condamné pour toujours pour mon silence, moi qui pouvais parler. »
Quant à sa mère, il avait regretté jadis qu’elle ne fut vivante pour assister à ses triomphes. Or, elle ne semblait avoir aucune admiration de son œuvre. Elle semblait attendre une autre victoire, celle d’un repentir.
Hitler fut touché en certaines parties de son être mais aussi agacé profondément de ces deux présences et de ce qu’elles exigeaient de lui. C’était une expérience pénible.
En effet, les deux femmes de sa vie s’écartèrent bientôt et indiquèrent derrière elles une immense colline de lumière sur laquelle, en un seul regard panoramique, il vit un peuple immense qui semblait s’être réuni pour lui. Ils étaient tous beaux comme des anges, rayonnant de cette même bonté repentante qu’il avait vu chez Eva. Il reconnut sans peine des dizaines de millions de Russes, des millions de Juifs, de Polonais, d’Allemands, des centaines de milliers de tziganes… Et comme dans une sorte d’accélération du temps, il lui semblait que chacune de ces âmes lui montrait sa vie, son histoire brisée, son enfance arrachée, son corps brûlé. Mais tout cela se faisait sans haine et la foule silencieuse semblait crier, unanime : « Si tu acceptes de demander pardon, nous te pardonnerons. Tu seras notre frère, notre ami. Tu seras l’un parmi nous tous, à jamais. Et on ne se souviendra plus des larmes du passé. »
C’était une vision si nouvelle, si incongrue, qu’Hitler en fut comme déstabilisé. S’il s’était attendu à cela ! Le fond de son âme fut sincèrement touché par tant de sollicitude. Mais son intelligence analysait, froidement, tout ce que cela impliquait.
Parmi ce peuple de rois qui semblait suspendu à un choix venant de lui, il remarqua une jeune fille, étonnement plus lumineuse que les autres, et qui ne devait pas être morte à plus de 25 ans. C’était une Juive, une religieuse contemplative qui était devenue disciple du Christ durant sa vie terrestre. Et il assista en pensée à son voyage vers Auschwitz, dans un wagon à bestiaux, où elle avait passé son temps à prier pour l’âme du Führer de l’Allemagne. Elle avait prolongé sa prière pour son bourreau jusqu’au dernier moment où elle respirait le gaz mortel. Avant d’entrer dans l’autre monde, elle l’avait visité de son âme dans son refuge de Berchtesgaden. Il vit que cette jeune femme était devenue une des plus grandes Guides du monde de Dieu. Et cette grandeur était fondée sur son amour de ses ennemis, sur sa capacité à s’abaisser durant sa vie.
Les pensées se faisaient précises dans l’esprit d’Hitler. Il comprit avec une redoutable précision que, s’il écoutait cette sirène, n’étant pas lui-même humble, il ne serait pas le premier, le Guide, le Führer du Royaume des Cieux.
Parmi les six blasphèmes contre l’Esprit Saint (Refus de croire malgré l’évidence ; Présomption ; Envie des grâces fraternelle ; Désespérance ; Obstination ; Impénitence finale), la plus grande épreuve d’Adolf Hitler fut l’envie. Comment se résoudre à se faire pour l’éternité, le serviteur et l’ami de milliards d’êtres dont les valeurs méprisables n’avaient rien à voir avec la grandeur de tout ce qu’il avait aimé ? Comment accepter que ces âmes humbles possèdent maintenant une telle gloire, plus grande que celle qui défilait en musique, dans les claquements des drapeaux marqués de la croix gammée et les musiques ? Comment se résoudre à être pour l’éternité le plus petit, puisque toutes se considéraient comme tel ?
C’est ainsi que, en 2001, le spectre d’Hitler éloigna son errance de la terre et passa dans l’autre monde. Sa présence cessa peu à peu d’être l’unique obsession des pensées de l’Europe. Mais cette année là, le monde entra dans une nouvelle étape de son histoire douloureuse.
Au même moment, son long passage dans la mort étant fini, deux portent s’ouvrirent pour Adolf Hitler : celle du repentir et de la seule Royauté éternelle, à savoir l’union au vrai Dieu d’amour mort pour les hommes sur une croix ; celle d’une Royauté solitaire et sans fin, dans un monde de gloire humaine où on n’adore que soi-même.
Nul sur cette terre ne connaît quel fut le choix final d’Adolf Hitler.
Marthe Robin, qui fut proche de Dieu dès cette terre disait de lui : « Priez pour lui… au cas où… »
Même Adolf Hitler, le Christ est mort pour lui.
Arnaud Dumouch, 11 août 2006