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Le professeur Vanthouse, savant et athée

ou comment un homme fut sauvé par son athéisme

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« Un créancier avait deux débiteurs ; l’un devait 500 deniers, l’autre 50. Comme ils n’avaient pas de quoi rembourser, il fit grâce à tous deux. Lequel des deux l’en aimera le plus ? » Simon répondit : « Celui-là, je pense, auquel il a fait grâce de plus. » Il lui dit : « Tu as bien jugé. » (Luc 7, 41)

 

Le professeur Honoré Vanthouse, célèbre psychiatre, intervint en 1988 sur la chaîne de télévision française TF1 comme expert. Sur le plateau était invitée Jeanne Frétel, l’une des miraculées de Lourdes. Elle était accompagnée du Père Rogue, op, qui avait été l’acteur bien involontaire du miracle de sa guérison obtenu en 1950 et depuis authentifié par l’Eglise.

Le Père Rogue raconta donc que Jeanne arriva à Lourdes inconsciente. Elle pesait 23 kg. Ses parents l’avait mise dans le train des malades en désespoir de cause : « Mourir pour mourir, qu’elle meure à Lourdes ». Les chirurgiens, après avoir constaté la reprise du cancer de l’intestin qui la minait depuis trois ans, depuis l’anniversaire de ses 18 ans, avaient procédé à l’ablation de sa plus grande partie. Les radiographies ne laissaient plus d’espoir : métastases, cancer généralisé. On la mit donc devant la grotte pour la messe des malades. Le père Rogue prit une file de brancards pour distribuer la communion. Or, à peine avait-il déposé un tout petit bout d’hostie sur les lèvres de Jeanne qu’elle se réveilla.

Et Jeanne continua le récit : « Je me suis réveillée. J’étais devant la grotte de Lourdes. J’ai senti que deux mains fortes me redressaient. Il n’y avait pourtant personne. J’éprouvais une impression de faim terrible. La demoiselle qui tenait la cantine me donna un bol de café au lait, puis un deuxième. On me conduisit au bureau médical : mon intestin avait repoussé. Les trois anus artificiels s’étaient refermés, comme l’éclair. En deux mois, j’avais doublé mon poids. »

L’émission continua par un dialogue critique sur les miracles. Le professeur Honoré Vanthouse commenta ainsi, d’un ton docte :

« Je respecte la sincérité de Jeanne. Je ne mets absolument pas en doute sa parole. Mais je voudrais parler d’un mot qui a un sens absolument médical et qu’il ne faut pas confondre avec son acception vulgaire. C’est le mot « hystérie ». Le professeur Charcot raconte des histoires tout à fait semblables. Il fit conduire un jour une femme paralysée depuis 20 ans devant ses étudiants. Et, avec un ton d’autorité, il lui dit devant cet amphithéâtre : « Je te l’ordonne. Lève-toi et marche. »[1] Devant leurs yeux, elle se leva et fit quelques pas. C’est cela l’hystérie. »

Le père Rogue prit alors la parole :

« Cher professeur, je respecte la science et ses progrès. Cependant, dans le cas de Jeanne, il y a une grande différence avec les cas de Charcot. Il y a eu miracle « quoad substantiam », quant à la substance. Rien n’est fait sans rien. Or, où était passé cet intestin ? Les radiographies sont là. Qu’est-ce qui a fait réapparaître cet organe qui n’existait plus, instantanément, comme l’éclair ? »

Jésus-Christ entre les savants du peintre allemand Albrecht Dürer.
Jésus-Christ entre les savants (Albrecht Dürer)

Le professeur Honoré Vanthouse lui répondit avec un petit sourire ironique :

« Je demande à voir ».

Après l’émission, le professeur rentra chez lui, assez heureux d’avoir confondu une fois de plus l’irrationalité. Il n’alla pas voir les radiographies. Inutile : au mieux ce cas serait forcé et exagéré, au pire, les radiographies seraient des faux.

Depuis longtemps, il s’était fait ses convictions sur cette question de Dieu. Tout cela n’était que superstitions puériles. Il était et resterait athée pour plusieurs raisons absolument rationnelles : la cosmologie, l’évolution des espèces et surtout l’absurdité de la vie, des souffrances, des injustices. Ce monde était visiblement le fruit du hasard.

En 2003, devenu professeur honoraire, il reçut les honneurs de la République et fut fait officier de la Légion d’honneur. Puis il s’enfonça tranquillement dans la vieillesse. Il n’avait pas peur de la mort, l’ayant intégrée comme un sommeil un peu plus long que les autres. Ensuite, se sachant atteint d’un cancer, il ne voulut pas prolonger une vie bien remplie. Il prépara lui-même son cocktail médicamenteux et s’endormit tranquillement, entouré de ses enfants.

Ce qui est amusant, c’est que, juste après sa mort, il se réveilla… vivant. Autour de lui et très tranquilles comme il l’avait souhaité, se tenaient encore ses enfants. Sa fille lui tenait la main. Il commença par se dire qu’il avait dû se tromper dans ses doses… pensée furtive qu’il chassa aussitôt puisqu’il voyait son corps, mais de l’extérieur.

Qu’éprouve un athée définitif quand il meurt et se retrouve vivant et invisible ? Qu’éprouve un pourfendeur de l’irrationalité quand il se retrouve fantôme ? Simplement de la surprise. Et il se dit que, franchement, il y a finalement des mystères dans ce monde matériel.

Mais le professeur Vanthouse n’était pas au bout de ses surprises, à tel point que le Ciel, plein d’humour, voulut apporter petit à petit ses révélations. Il le laissa donc dans un premier temps observer son nouvel état. Il assista d’abord à ses funérailles, sans recevoir aucune visite venant des êtres d’en haut. Mais il avait suffisamment à penser, à commencer par cette capacité de lire dans les pensées d’autrui, capacité « impossible et mythique » (citation de lui), dont il avait combattu, entre autre, l’existence, dans son cercle rationaliste. Comme de juste, la cérémonie fut civile, accompagnée du discours vraiment touchant du maire de Paris. Il y parla de sa carrière consacrée à la Science, à la vérité, à la lutte contre les superstitions. Le professeur Honoré Vanthouse se sentit un peu gêné aux entournures, face aux premières preuves éclatantes des limites de son combat.

Mais il n’était pas au bout de ses surprises. Car c’est ce moment que choisit l’Ange pour lui apparaître. Le plus étonnant est qu’il se montra… sous la forme absolument baroque d’un jeune homme lumineux doté de deux ailes magnifiques, couvertes de plumes… Son corps resplendissait de blancheur, comme la lame d’un glaive reflétant le soleil. Ses traits étaient fins, ni masculins, ni féminins. C’est l’humour du Ciel. Chacun sait en effet que les anges n’ont pas de corps mais qu’ils apparaissent sous la forme qu’ils choisissent. Rien de tel sans doute dans ce cas pour préparer le Professeur à d’autres révélations qui, loin d’être rationalistes, allaient le plonger dans un monde où Dieu est un enfant, où la reine du Ciel est une Vierge mère.

« Honoré », dit l’ange… Il le regarda. Il souriait.

Honoré Vanthouse était peut-être athée, mais il était loin d’être idiot. Il avait bien vu. Et ce n’était pas une hallucination. Ca avait percé son âme jusqu’au tréfonds.

Il est inutile de rapporter ici une fois de plus les évènements qui suivirent : le passage vers le Ciel, l’apparition du Christ, des saints et des anges, de Lucifer, le choix entre l’amour et l’égoïsme. Ce qui est sûr c’est que, au moment où fut prononcé son jugement dernier, le professeur Honoré Vanthouse était redevenu le petit enfant qu’il était 80 ans plus tôt, une sorte de cancre plein de bonne volonté et de désir d’aimer.

Il convient juste de rapporter ici une partie du dialogue qu’il eut avec son ange :

— Mais pourquoi, avait-il demandé, pourquoi ne pas m’être apparu sur terre ? J’aurais cru immédiatement…

— Mais, tu as eu une apparition. Tu ne te rappelles pas Jeanne Frétel ?

— Ce n’est pas pareil. Il y avait tant de gens qui voyaient des OVNIS… alors les miraculés de Lourdes…

— Dis-moi, Honoré, si tu avais vu de tes yeux apparaître un ange avec des ailes de plumes, n’aurais-tu pas enseigné, du haut de ta science psychiatrique, une hallucination ?

—… Oui. C’est sûr.

— Dieu a choisi de te laisser dans ton athéisme afin de te sauver.

— L’athéisme sauve donc ?

— Pas l’athéisme tout seul : mais l’athéisme quand il produit, au terme de la vie, de l’humilité et de l’amour. Dieu t’a laissé, durant toute ta vie, mettre les trésors de ton intelligence pour construire de grandes théories où l’ADN des êtres vivants s’écrivait tout seul, où les vers de terre, sur quelques millions d’années, se mettaient à voir la lumière avec leurs deux yeux, où l’amour et la liberté étaient faits de molécules. Et, en même temps, tu qualifiais l’histoire du Roi du Ciel né d’une Vierge de conte de fées. Tu sais que tu étais très amusant à regarder depuis l’autre monde ?

— C’est vrai, je me suis planté. Mais pourquoi ?

— Ton humilité… Dis-moi, Honoré, réponds à ma question[2]: « Un créancier avait deux débiteurs ; l’un devait 500 deniers, l’autre 50. Comme ils n’avaient pas de quoi rembourser, il fit grâce à tous deux. Lequel des deux l’en aimera le plus ? »

Honoré répondit : « Celui-là, je pense, auquel il a fait grâce de plus. »

L’ange lui dit : « Tu as bien jugé. Toi, toute ta vie, tu fus un grand savant, riche en dons venant de Dieu. Et tu t’en es servi pour combattre la foi des petits. Mais, de fait, tu t’appuyais sur des arguments qu’un enfant lui-même ne croit pas naturellement. Lorsque, au jour de ta mort, tu as été accueilli tel que tu es, qu’as-tu fait ?

— J’ai reconnu mes torts.

— Et qu’a fait dieu ?

— Il m’a accueilli.

— Ainsi, la vue de ton immense erreur et le pardon de Dieu se sont unis pour créer un grand amour qui t’ouvrira un jour à la Vision face à face de Dieu.

C’est ainsi que le professeur Honoré Vanthouse fut sauvé et qu’après un temps de purgatoire, il entra au Ciel avec le titre, revendiqué par lui pour l’éternité, de « sage que Dieu rendit fou », selon cette parole de saint Paul[3]: « Car il est écrit : Je détruirai la sagesse des sages, et l’intelligence des intelligents je la rejetterai. »

Arnaud Dumouch, 2005

 

1. Matthieu 9, 6 [↩]

2. Luc 7, 41 [↩]

3. 1 Corinthiens 1, 19 [↩]

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