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Mt  7  1-2

S. Augustin. (serm. sur la mont., 2, 28.) On ne peut savoir quelle intention nous porte à rechercher les biens temporels pour l’avenir, et nous pouvons les acquérir avec une intention simple ou avec duplicité de cœur. Notre-Seigneur ajoute donc très à propos : « Ne jugez pas. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien si l’on veut une autre liaison avec ce qui précède, jusqu’ici, Notre-Seigneur a déduit les conséquences du précepte de l’aumône, il va maintenant exposer les conséquences du précepte de la prière. Les enseignements qui suivent font en un certain sens partie de la prière, de manière que ces paroles : « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés, » feraient suite à celles-ci : « Remettez-nous nos dettes. » — S. Jérôme. S’il nous est défendu de juger, comment saint Paul a-t-il pu légitimement juger l’incestueux de Corinthe, et saint Pierre convaincre de mensonge Ananie et Saphire ? (Ac 4.) — S. Chrys. (sur S. Matth.) Il en est qui entendent ce passage dans ce sens que Notre-Seigneur ne nous défend pas ici de reprendre nos frères par un principe de charité, mais qu’il interdit seulement aux chrétiens de se mépriser les uns les autres par une vaine affectation de justice, de les prendre en haine et de les condamner sur de simples soupçons, en couvrant des apparences de la piété les inspirations d’une haine personnelle. — S. Chrys. (hom. 24.) Aussi ne dit-il pas : « N’arrêtez pas celui qui pèche, » mais : « Ne jugez pas, » c’est-à-dire ne soyez pas un juge sévère : reprenez, à la bonne heure, non pas comme un ennemi qui veut se venger, mais comme un médecin qui cherche à guérir.

S. Chrys. (sur S. Matth.) C’est afin de prévenir cette amertume dans la réprimande que les chrétiens se font entre eux, que Notre-Seigneur a dit : « Ne jugez point. » Mais quoi ! est-ce que par cela seul qu’ils se seront abstenus de cette réprimande amère ils obtiendront la rémission de leurs péchés en vertu de ces paroles : « Vous ne serez pas jugés ? » Est-ce qu’on est digne d’obtenir le pardon du mal qu’on a commis, par cela seul qu’on n’y a pas ajouté un autre mal ? Non sans doute, et notre dessein en parlant de la sorte est de faire comprendre que ces paroles du Sauveur ne nous défendent pas de juger ceux qui pêchent contre Dieu, mais ceux qui nous offensent personnellement. Car celui qui ne juge pas son prochain par suite d’une offense qu’il en a reçue, ne sera pas jugé lui-même ; Dieu lui pardonnera comme il a pardonné. — S. Chrys. (hom. 24.) Ou bien encore, cette défense de juger ne s’étend pas à tous les péchés quels qu’ils soient, mais elle s’adresse à ces hommes qui remplis de vices sans nombre, reprennent sévèrement les autres pour les moindres fautes. C’est ainsi que saint Paul lui-même ne défend pas de juger ceux qui sont en faute, mais il reprend les disciples qui veulent juger leurs maîtres, et nous apprend par là à ne pas juger ceux qui sont au-dessus de nous.

S. Hil. (Can. 5 sur S. Matth.) Ou bien encore Dieu nous défend de nous ériger en juges de ses desseins providentiels, car de même que tout jugement parmi les hommes porte sur des points douteux, ainsi tout jugement contre Dieu a pour objet des matières pleines d’obscurité. Il veut donc éloigner de nous cette disposition et nous laisser sous la garde d’une foi inébranlable, car si dans d’autres matières le jugement téméraire est chose coupable, quand il attaque les choses de Dieu, c’est un commencement de crime. — S. Augustin. (serm. sur la mont., liv. 2, ch. 23.) Ou bien enfin je pense que le Seigneur, par ces paroles, ne nous ordonne autre chose que d’interpréter en bonne part les actions dont le motif nous est inconnu. Il est des actions dont l’intention ne peut être bonne, comme les outrages à la pudeur, les blasphèmes et autres crimes semblables, Dieu nous permet de les juger. Il est au contraire des actions intermédiaires ou indifférentes que l’on peut faire avec une intention bonne ou mauvaise ; c’est une témérité de les juger, surtout pour les condamner. Il est deux circonstances où nous devons éviter le jugement téméraire : lorsque l’intention qui a dirigé telle action nous est inconnue, et quand nous ignorons ce que deviendra par la suite une personne qui nous paraît être actuellement bonne ou mauvaise. Ne blâmons donc pas des actions dont nous ne connaissons pas l’intention, et quant à celles qui sont manifestement mauvaises, ne les reprenons pas de manière à rendre impossible la guérison. On peut être étonné de ce que dit Notre-Seigneur : « Vous serez jugés selon que vous aurez jugé les autres. » Est-ce que si nous jugeons témérairement, Dieu nous jugera de la même manière ? Et si nous nous sommes servis d’une mesure injuste, Dieu nous appliquera-t-il une mesure semblable ? car ces expressions mesure et jugement ont ici, je pense, le même sens. Ces paroles signifient donc que la témérité dont vous aurez rendu les autres victimes, sera elle-même votre châtiment ; car souvent l’injustice ne nuit en rien à celui qui en est l’objet, mais elle nuit toujours à celui qui en est l’auteur. — S. Augustin. (Cité de Dieu, liv. 21, ch. 2.) Comment peut-il être vrai, disent quelques-uns, que nous serons mesurés selon la mesure avec laquelle nous aurons mesuré les autres, si un péché dont la durée a été limitée est puni d’un supplice éternel ? Ils ne font point attention qu’il ne s’agit pas ici d’une mesure semblable quant à la réciprocité de la peine, en ce sens que celui qui a fait le mal souffre un mal semblable, quoique cependant on pourrait appliquer ces paroles au sujet traité alors par le Sauveur, c’est-à-dire aux jugements et aux condamnations. Donc celui qui juge et condamne injustement reçoit dans la même mesure lorsqu’il est jugé et condamné selon toute justice, quoiqu’il ne reçoive pas ce qu’il a donné ; car il s’est servi du jugement pour commettre une injustice, Dieu se sert du jugement pour lui infliger le châtiment qu’il a justement mérité.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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