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Mt  6  12

S. Cypr. Après avoir demandé le secours de la nourriture le chrétien demande le pardon de ses péchés, afin que nourri de la main de Dieu, il puisse vivre tout en Dieu et pourvoir ainsi aux besoins non-seulement de la vie présente, mais encore de la vie éternelle, dont l’entrée lui est ouverte par la rémission des péchés que le Seigneur désigne sous le nom de dettes. « Remettez-nous nos dettes, » comme dans cet autre endroit : « Je vous ai remis toute votre dette, parce que vous m’en avez prié, » La doctrine qui nous rappelle que nous sommes pécheurs, en nous obligeant de prier tous les jours pour nos péchés est aussi salutaire qu’elle est nécessaire. Nous aurions pu nous complaire dans notre innocence prétendue, et rendre notre chute plus lourde par une fausse idée d’élévation ; le commandement qui nous est fait de prier chaque jour pour nos péchés, prévient ce danger en nous rappelant que nous tombons tous les jours dans de nouveaux péchés.

S. Augustin. (du don de la persév. chap. 5.) Ces paroles sont comme un trait mortel qui frappe les Pélagiens, ces hérétiques qui osent dire que l’homme ne commet aucun péché dans cette vie, et que c’est en lui que se réalise, dans le siècle présent, l’Église sans tache et sans ride. » (Ep 5, 27) — S. Chrys. (hom. 20.) Cette prière est la prière des fidèles ; c’est ce que nous enseignent les lois de l’Église, et l’exorde même de cette prière qui nous apprend à appeler Dieu notre Père. Or en nous faisant un précepte de demander la rémission de nos péchés, Notre-Seigneur prouve aussi contre les Novatiens que les péchés peuvent être remis après le baptême.

S. Cypr. (de l’Or. Dom.) Celui qui nous a fait un devoir de prier pour nos péchés nous a fait espérer par là même la miséricorde de son Père. Mais à ce précepte se trouve jointe une autre loi, une condition rigoureuse. Nous demandons qu’on nous remette nos dettes, mais selon la mesure du pardon que nous accordons nous-mêmes a nos débiteurs ; c’est la condition exprimée dans ces paroles : « Comme nous les remettons à ceux qui nous doivent. » — S. Grég. (Moral., 10, 11.) Cette grâce que nous demandons à Dieu dans un sentiment de vrai repentir, Dieu veut que nous l’accordions d’abord nous-mêmes au prochain dès le premier moment de notre conversion. — S. Augustin. Notre-Seigneur n’a point voulu parler ici exclusivement de l’argent, mais de toutes les choses qu’on peut faire servir à blesser nos droits, et par là même de l’argent ; car celui qui étant votre débiteur, et qui pouvant vous payer ne le fait pas, commet une injustice à votre égard. Or si vous ne lui remettez pas cette offense, vous ne pourriez pas dire : Remettez-nous nos dettes, comme nous les remettons à nos débiteurs. »

S. Chrys. (sur S. Matth.) Quelle peut donc être l’espérance du chrétien qui prie en conservant des sentiments de haine contre celui qui l’a peut-être offensé ? En priant Dieu, il fait un mensonge (car il dit : Je remets, et il ne le fait pas) ; et Dieu à qui il demande le pardon ne le lui accorde pas. Mais il en est plusieurs qui ne voulant point pardonner à leurs ennemis évitent de faire à Dieu cette prière. Ce sont des insensés, car premièrement celui qui ne prie pas selon la règle donnée par Jésus-Christ n’est pas son disciple ; en second lieu, le Père n’exauce pas volontiers une prière que le Fils n’a pas dictée ; car le Père reconnaît la pensée et l’expression de son Fils et il rejette les inventions de l’esprit humain et ne reçoit que des suppliques inspirées par la sagesse de Jésus-Christ.

S. Augustin. (Enchirid. chap. 73.) Cependant cette vertu si élevée d’aimer ses ennemis et de leur remettre les dettes qu’ils ont contractées envers nous, n’est pas le partage de tous ceux en si grand nombre que nous croyons être exaucés, lorsqu’ils font à Dieu cette prière : « Remettez-nous nos dettes, comme nous les remettons à tous ceux qui nous doivent. » Il faut donc admettre que cet engagement pris devant Dieu est fidèlement exécuté lorsqu’un chrétien n’étant pas encore assez parfait pour aimer son ennemi, lui pardonne cependant de tout cœur lorsque celui-ci vient l’en prier, parce qu’il veut que Dieu lui accorde à lui-même le pardon qu’il sollicite. Or celui qui demande pardon à un homme qu’il a offensé (si le repentir de sa faute le porte à cette démarche), ne doit plus être regardé comme ennemi, et il ne doit plus être difficile de l’aimer comme lorsqu’il donnait un libre cours à son inimitié.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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