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Mt  6  10

Que votre règne arrive

La glose. Après l’adoption des enfants, il est juste que nous demandions l’avènement du royaume qui est promis aux enfants. C’est l’objet de la demande suivante : « Que votre règne arrive. » — S. Augustin. (serm. sur la mont.) Ces paroles ne veulent pas dire que Dieu ne règne pas actuellement sur la terre et qu’il n’y ait pas toujours régné. Cette expression : « Qu’il arrive » signifie donc : « Qu’il soit manifesté aux hommes. » Or, personne qui puisse ignorer le royaume de Dieu, lorsque son Fils unique viendra non plus d’une manière spirituelle, mais visiblement pour juger les vivants et les morts ; c’est alors, comme le Seigneur l’enseigne, qu’aura lieu le jugement dernier, lorsque l’Évangile aura été prêché à toutes les nations. Cette demande se rattache à la sanctification du nom de Dieu. — S. Jérôme. Ou bien nous demandons d’une manière générale que le démon cesse de régner sur toute la surface de la terre, ou que Dieu règne dans chacun de nous et détruise le règne du péché dans notre corps mortel (hom. 6). — S. Cypr. (de 1’Orais. Dom.) Ou bien nous demandons l’avènement de ce royaume que Dieu nous a promis, que Jésus-Christ nous a mérité par son sang, afin qu’après l’avoir servi sur la terre nous puissions régner avec lui dans le ciel. — S. Augustin. (Lettre 121 à Proba, ch. 11). Voulons-le, ne le voulons pas, le royaume de Dieu ne laissera pas d’arriver, mais nous nous excitons à le désirer, afin qu’il arrive pour nous et que nous puissions y régner un jour. — Confér. des Pères. Ou bien le juste s’exprime ainsi parce qu’il sait, au témoignage de sa conscience, que lorsque apparaîtra le royaume de Dieu il en sera rendu participant. — S. Jérôme. Considérons quelle hardiesse étonnante et quelle pureté de conscience il faut avoir pour oser demander le royaume de Dieu, et ne pas craindre ses jugements.

S. Cypr. (de l’Orais. Dom.) On peut encore entendre le royaume de Dieu de Jésus-Christ lui-même, dont l’avènement fait tous les jours l’objet de nos désirs les plus ardents. Car, de même qu’il est la résurrection (Jn 11, 25), parce que c’est en lui que nous ressusciterons, on peut aussi le prendre pour le royaume de Dieu, parce que c’est en lui que nous règnerons. C’est avec dessein que le Sauveur nous fait demander le royaume de Dieu, c’est-à-dire celui qui est dans les cieux, car il y a aussi un royaume terrestre ; mais celui qui a renoncé au monde est supérieur à ses honneurs et à son royaume. Celui donc qui s’est consacré à Dieu et à Jésus-Christ ne désire plus les royaumes de la terre, mais le royaume du ciel. — S. Augustin. (Du don de la Persévér.) Par cette demande : « Que votre règne arrive, » que peuvent désirer ceux qui ont déjà reçu la grâce de la sainteté, si ce n’est la persévérance dans cette grâce que Dieu leur a faite ? Car le royaume de Dieu, dont l’avènement est certain pour ceux qui persévèrent jusqu’à la fin, ne viendra pour eux qu’à cette condition (Mt 10, 22 ; 24, 13).

Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel.

S. Augustin. (serm. sur la mont.) Dans ce royaume de la vraie félicité, la vie heureuse aura toute sa perfection dans les saints, comme elle l’a maintenant dans les anges : aussi, après cette demande : « Que votre règne arrive, » vient celle-ci : « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel, » c’est-à-dire : « De même que les anges accomplissent cette volonté en jouissant de vous sans qu’aucun nuage d’erreur obscurcisse leur intelligence, sans qu’aucune misère fasse obstacle à leur bonheur, qu’elle s’accomplisse également dans les saints qui sont sur la terre et qui ont été, quant à leur corps, formés de la terre. On peut encore entendre ces paroles : « Que votre volonté soit faite » dans ce sens : Soyez obéi sur la terre comme dans le ciel, par les hommes comme par les anges, non pas que les anges agissent eux-mêmes sur la volonté de Dieu, mais parce qu’ils font ce qu’il veut et qu’ils agissent d’une manière conforme à sa volonté.

S. Chrys. (hom. 20). Voyez cet enchaînement admirable : Notre-Seigneur nous a enseigné à diriger nos désirs vers le ciel par ces paroles : « Que votre règne arrive ; » en ajoutant : « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel, » il veut, avant de parvenir au ciel, que nous fassions de la terre un ciel anticipé en accomplissant ces paroles : « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » — S. Jérôme. Qu’ils rougissent ici de leur opinion, ceux qui prétendent que le péché fait tous les jours des ruines dans le ciel. — S. Augustin. (serm. sur la mont.) Ou bien : « Sur la terre comme au ciel, » c’est-à-dire dans les pécheurs comme dans les justes, ce qui revient à dire : « De même que les justes font votre volonté, que les pécheurs l’accomplissent également en se convertissant à vous, » ou bien « De manière qu’on rende à chacun ce qui lui est dû, ce qui aura lieu au dernier jugement. » Ou bien encore nous pouvons entendre par le ciel et la terre l’esprit et la chair, et alors dans ces paroles de l’Apôtre : « Je suis soumis à la loi de Dieu selon l’esprit » (Rm 7), nous verrons la volonté de Dieu accomplie en esprit. Dans ce sens, le merveilleux changement qui est promis aux justes nous est signifié par ces paroles : « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel ; » c’est-à-dire que le corps soit soumis à l’esprit comme l’esprit est soumis à Dieu. Ou bien enfin « sur la terre comme dans le ciel, » c’est-à-dire dans l’Église comme en Jésus-Christ, dans l’épouse qu’il s’est unie comme dans l’époux qui a fidèlement exécuté la volonté de son Père. En effet, le ciel et la terre sont une figure très juste de l’homme et de la femme, car la terre ne produit des fruits qu’autant qu’elle est fécondée par le ciel.

S. Cypr. (de l’Orais. Dom.) Ainsi nous ne demandons pas que Dieu fasse ce qu’il veut, mais que, quant à nous, nous puissions faire ce que Dieu veut. Or, il n’y a que la volonté divine qui puisse nous en rendre capables, c’est-à-dire sa protection et le secours qu’il nous donne, car personne n’est fort de ses propres forces et la miséricorde divine fait seule toute notre sûreté. — S. Chrys. (hom. 20). La vertu n’est pas seulement le fruit de nos efforts, mais de la grâce d’en haut. Or, Notre-Seigneur prescrit de nouveau à chacun de nous de prier ici pour l’univers entier, car il n’a pas dit : « Que votre volonté soit faite en moi, » ou « soit faite en nous, » mais : « Qu’elle soit faite par toute la terre ; » que l’erreur en soit arrachée, que la vérité y soit plantée, que le mal en soit banni, que la vertu y soit ramenée et qu’ainsi il n’y ait plus de différence entre le ciel et la terre.

S. Augustin. (Du don de la Persévér., ch. 3). Nous avons ici contre les Pélagiens une preuve évidente que le commencement de la foi est un don de Dieu, puisque la sainte Église prie pour les infidèles, afin que Dieu leur donne le commencement de la foi. Puisque la volonté de Dieu est déjà faite dans les saints, en priant qu’elle se fasse de nouveau, que demandent-ils si ce n’est de persévérer dans la voie où ils sont entrés ?

S. Chrys. (sur S. Matth.) On doit joindre ces paroles : « Sur la terre comme au ciel » aux demandes précédentes : « Que votre nom soit sanctifié sur la terre comme dans le ciel ; que votre règne arrive sur la terre comme dans le ciel ; que votre volonté soit faite dans la terre comme dans le ciel. » Et voyez quelle sagesse dans les paroles du Sauveur ; il ne nous fait pas dire : « Père, sanctifiez en nous votre nom, que votre règne arrive pour nous, faites en nous votre volonté, » ou bien : « Sanctifions votre nom ; recevons votre royaume ; faisons votre volonté, » dans la crainte que l’accomplissement de ces commandements parût être l’oeuvre exclusive ou de Dieu ou de l’homme. Il s’exprime donc en général et sans déterminer personne, car de même que l’homme ne peut faire le bien sans le secours de Dieu, de même Dieu ne peut opérer le bien dans l’homme, si l’homme ne lui prête le concours de sa volonté.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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