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Mt  6  9

La glose. Parmi les enseignements salutaires et les conseils divins que Notre-Seigneur donne à ceux qui croient en lui, il leur propose une formule de prière, et cette formule renferme peu de paroles ; il veut que cette brièveté même qu’il nous commande nous inspire la confiance d’être promptement exaucés. Cette prière commence ainsi : « Notre Père qui êtes dans les cieux. » — S. Cypr. (de l’Or. Dom.) Celui qui nous a donné la vie nous a enseigné aussi à prier, afin qu’en adressant au Père la prière que le Fils nous a lui même apprise, nous soyons plus facilement exaucés. C’est prier Dieu en ami et avec une espèce de familiarité que de se servir de ses propres paroles. Que le Père donc reconnaisse les paroles de son Fils dans nos prières, et puisque ce divin Fils est près du Père l’avocat qui intercède pour nos péchés, lorsque nous venons demander le pardon de nos péchés, empruntons le langage même de notre avocat. Ce ne sont pas cependant les seules paroles dont nous puissions nous servir pour prier ; il en est d’autres qui ont le même sens et qui peuvent également enflammer notre cœur.

S. Augustin. (serm. sur la mont.) Dans toute prière il faut avant tout se concilier la bienveillance de celui qu’on prie, et lui exposer ensuite l’objet de notre demande. C’est par la louange qu’on se concilie cette bienveillance, et on la place ordinairement au commencement de la prière. La loi contenait bien des préceptes sur la manière dont Dieu devait être loué, mais on n’en trouve aucun qui enjoigne au peuple d’Israël d’appeler Dieu notre Père (cf. Is 1, 2 ; 63, 16 ; 64, 8 ; Ps 81, 6 ; Ml 1, 6 ; Sg 14, 3 ; Si 23, 1.4). Car Dieu ne leur était présenté que comme un maître qui commande à ses serviteurs, et non comme un père plein de tendresse pour ses enfants. Le peuple chrétien au contraire, d’après le témoignage de l’Apôtre a reçu l’esprit d’adoption dans lequel nous crions : « Mon Père, mon Père, » non point sans doute par l’effet de nos mérites, mais par la grâce qui nous fait dire dans la prière : « Mon Père. » Ce nom excite à la fois la charité dans nos cœurs (car qu’y a-t-il de plus cher à des enfants que leur père), un sentiment d’affectueuse supplication, qui nous fait dire à Dieu : « Notre Père, » et l’espérance presque certaine d’obtenir ce que nous demandons. Car que peut-il refuser à ses enfants qui le prient, après le bienfait inestimable de cette filiation divine ? Enfin avec quelle sollicitude celui qui dit : « Notre Père » doit veiller à ne pas se rendre indigne d’une si auguste filiation ? Ceux qui ont les richesses en partage, ou qui se glorifient d’une illustre origine doivent apprendre, du moment qu’ils sont devenus chrétiens, à ne point se conduire avec hauteur à l’égard de ceux qui sont pauvres ou de condition obscure, puisque tous ensemble ils disent à Dieu : « Notre Père, » parole qui ne peut avoir dans leur bouche ni l’accent de la piété, ni celui de la vérité, s’ils ne les reconnaissent pour leurs frères. — S. Chrys. (hom. 28.) Quel mal peut résulter pour nous de notre parenté d’ici-bas alors que par une alliance bien plus sublime nous ne formons tous qu’une même famille ? Par ce nom seul de Père, nous proclamons le pardon de nos péchés, notre adoption, notre droit à l’héritage, la fraternité qui nous unit au Fils unique, et l’effusion de l’Esprit saint dans nos âmes, car personne ne peut appeler Dieu son Père, s’il n’est en possession de tous ces biens. Notre âme donc se trouve au commencement de la prière élevée tout à la fois et par la dignité de celui qu’elle invoque, et par la grandeur des bienfaits dont elle est comblée. — S. Cypr. (de l’Or. Dom.) Nous ne disons pas : « Mon Père, » mais « Notre Père ; » parce que le Maître de la paix et de l’unité ne veut pas de ces prières individuelles et privées, qui omit pour objet exclusif l’intérêt de celui qui prie. Notre prière a nous doit être publique et commune ; lorsque nous prions, ce n’est pas pour un seul, c’est pour tout le peuple chrétien, car nous ne formons tous qu’un seul peuple, et Dieu a voulu qu’un seul priât pour tous comme il nous a lui-même portés tous en un seul. — S. Chrys. (sur S. Matth.) C’est la nécessité qui nous force de prier pour nous, mais c’est la charité fraternelle qui nous inspire de prier pour les autres. Or la prière qu’inspire l’amour de la fraternité est plus agréable à Dieu que celle qui est dictée par la nécessité. — La glose. Nous disons : « Notre Père, » expression qui est commune à tous les chrétiens, et non pas : « Mon Père, » ce qui n’appartient qu’à Jésus-Christ seul, qui est fils par nature.

S. Chrys. (sur S. Matth.) Notre-Seigneur ajoute : « Qui êtes dans les cieux, » pour nous apprendre ainsi que nous avons un Père céleste et nous faire rougir lorsque nous nous abaissons au niveau des choses de la terre. — Confér. des Pères. C’est aussi pour nous inspirer un vif désir de parvenir à cette région où nous reconnaissons qu’habite notre Père. — S. Chrys. (hom. 26.) En disant : « Qui êtes dans les cieux, » il n’y renferme pas l’immensité divine, mais il détache simplement de la terre celui qui prie pour le transporter dans les régions plus élevées. — S. Augustin. (serm. sur la mont. 2, 9). Ou bien ces paroles : « Dans les cieux, » veulent dire : Dans les saints et dans les justes, car Dieu ne peut être renfermé dans l’espace. On entend ordinairement par les cieux les parties de cet univers dont la nature est plus parfaite, et si l’on admet qu’elles sont le séjour de Dieu, il faudra dire que les oiseaux sont de meilleure condition que nous, puisqu’ils vivent dans des lieux plus rapprochés de Dieu. Or, il n’est pas écrit : « Le Seigneur est proche des hommes qui habitent les lieux élevés ou les montagnes, » mais : « Il est proche de ceux qui ont le cœur contrit » (Ps 33, 19). Mais de même que le pécheur est appelé terre et que Dieu lui a dit : « Tu es terre et tu retourneras en terre, » ainsi par une raison contraire le nom de ciel convient parfaitement aux justes. C’est donc avec raison que nous disons : « Qui êtes dans les cieux, » c’est-à-dire qui êtes dans les justes, car la distance spirituelle qui sépare les justes des pécheurs est aussi grande que la distance qui, dans le monde visible, sépare le ciel de la terre. C’est pour cela que lorsque nous prions nous nous tournons vers l’orient d’où nous voyons le ciel se lever. Ce n’est pas que Dieu y soit d’une manière particulière, à l’exclusion des autres parties du monde, mais c’est pour rappeler à notre âme qu’elle doit se tourner vers la nature plus parfaite de Dieu, en même temps que notre corps qui est terrestre se tourne vers un corps céleste qui est aussi plus parfait. Il est convenable aussi que tous, les petits comme les grands, se servent de leurs sens pour concevoir des sentiments dignes de Dieu, et pour ceux qui ne peuvent se faire une idée d’un être incorporel, il vaut mieux encore croire que Dieu est dans le ciel que sur la terre.

Que votre nom soit sanctifié.

S. Augustin. (serm. sur la mont., 2, 12). Le Sauveur nous a fait connaître celui à qui doit s’adresser notre prière et le lieu qu’il habite, voyons maintenant quel doit être l’objet de nos prières. La première de toutes les demandes est celle-ci : « Que votre nom soit sanctifié. » Cette demande ne suppose pas que le nom de Dieu ne soit pas saint par lui-même, mais elle exprime le désir que la sainteté de ce nom soit reconnue par tous les hommes c’est-à-dire que les hommes aient une connaissance si parfaite de Dieu qu’ils n’estiment rien de plus saint que lui. — S. Chrys. (Hom. 20.) Ou bien il veut que dans la prière nous demandions que Dieu soit glorifié par notre vie, comme si nous disions à Dieu : « Accordez-nous de vivre de manière que notre vie soit pour toutes les créatures un sujet de vous louer et de vous glorifier, » car l’expression : « Qu’il soit sanctifié » est la même que celle-ci : Qu’il soit glorifié. Or, pour être digne de Dieu, la prière ne doit rien demander avant la gloire du Père, et doit subordonner tout à ses louanges. — S. Cypr. (de l’Orais. Dom.) Ou bien encore : Nous ne formons pas le souhait que Dieu soit sanctifié par nos prières, mais que son nom soit sanctifié en nous-mêmes. C’est lui qui nous a dit : « Soyez saint comme je suis saint ; » nous le supplions donc, lui qui nous a sanctifiés dans le baptême, de nous faire persévérer dans la sainteté que nous avons reçue. — S. Augustin. (Du don de la Persévér., ch. 2). Mais pourquoi demander cette persévérance à Dieu, si, comme le prétendent les Pélagiens, Dieu ne peut la donner ? N’est-ce pas une dérision que de lui demander ce qu’on sait qu’il ne peut donner, et ce qui est au pouvoir de l’homme sans le concours de sa grâce ?

S. Cypr. (De l’Orais. Dom.) C’est tous les jours que nous demandons que son nom soit sanctifié, car nous avons besoin de cette sanctification continuelle pour expier les offenses que nous commettons chaque jour de notre vie.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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