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Mt  4  5-7

S. Chrys. (sur S. Matth.) D’après la réponse que venait de faire Jésus-Christ, le démon n’avait pu savoir au juste si le Christ était vraiment Dieu ou homme ; il le met donc en face d’une autre tentation en se disant à lui-même : Celui-ci dont la faim n’a pu triompher, s’il n’est pas le Fils de Dieu, est au moins un saint. Les saints en effet peuvent se rendre supérieurs à la faim ; mais après avoir triomphé des nécessités du corps, ils succombent à la tentation de la vaine gloire. C’est pourquoi le démon voulut soumettre le Sauveur à cette tentation : « Alors, dit l’Évangéliste, le démon le transporta dans la ville sainte. » — S. Jérôme. Ce transport de Jésus par le démon n’est pas le résultat de la faiblesse du Seigneur, mais de l’orgueil de son ennemi, qui prenait une action toute volontaire du Sauveur pour un effet de la nécessité. — Raban. Jérusalem était appelée la cité sainte, à cause du temple, du Saint des saints, et parce qu’on y adorait un seul Dieu selon la loi de Moïse. — S. Rémi. On voit par là que les fidèles peuvent être tentés jusque dans les lieux consacrés à Dieu.

S. Grég. (hom. 16.) Lorsque nous entendons dire que le Fils de Dieu a été transporté par le démon dans la cité sainte, nos oreilles frémissent d’effroi. Cependant le démon est le chef de tous les méchants ; et qu’y a-t-il d’étonnant que le Sauveur ait permis au démon de le transporter sur une montagne, lui qui a bien permis aux membres du démon de le crucifier ? — La glose. Le démon conduit toujours sur les lieux élevés, il nous fait monter sur les sommets de l’orgueil, afin de nous précipiter de ces hauteurs. Voilà pourquoi il est dit : « Et il le plaça sur le haut du temple. » — S. Rémi. Le pinacle était le lieu où s’asseyaient les docteurs. Or le temple n’avait pas de toit élevé en pente comme nos maisons, mais il était plat et surmonté d’une terrasse, comme le sont en général les habitations de la Palestine. Le temple avait trois étages, et à chaque étage un pinacle ; il y en avait même un sur le pavé. Que ce soit sur le pinacle du pavé ou sur celui d’un des étages que le démon ait placé Jésus, peu importe : ce qu’il y a de certain c’est qu’il l’a placé sur une élévation d’où l’on pouvait se précipiter. — La glose. Remarquons que toutes ces circonstances ont dû se passer d’une manière visible, car il y a ici échange de paroles ; il est donc vraisemblable que le démon s’était rendu sensible sous une forme humaine. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Vous demanderez peut-être comment le démon a pu placer corporellement le Sauveur sur le haut du temple, aux yeux de tous. On peut répondre que le démon le transportait d’une manière visible, et que lui-même, à l’insu du démon, se rendait invisible à tous les regards.

La glose. — Il le plaça sur le pinacle pour le tenter de vaine gloire, parce qu’il avait fait tomber dans ce piège de la vaine gloire beaucoup de ceux qui étaient assis dans la chaire des docteurs. Il crut pouvoir séduire de la même manière Jésus dès qu’il serait placé dans la chaire de l’enseignement ; il lui dit donc : « Si vous êtes le Fils de Dieu, jetez-vous en bas. » S. Jérôme. En effet, dans toutes les tentations, le démon n’a qu’un but : c’est de découvrir s’il est le Fils de Dieu. Il dit : « Jetez-vous en bas, » parce que la voix du démon, qui désire toujours la chute des hommes, peut bien les persuader, mais ne peut jamais les précipiter elle-même. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Mais comment par cette proposition pouvait-il connaître s’il était le Fils de Dieu ou non : car voler par les airs n’est point proprement une œuvre divine, attendu que cette œuvre n’est utile à personne. Que quelqu’un, sur les instances qu’on lui fait, prenne son essor dans les airs, c’est uniquement par ostentation qu’il agit, et c’est une œuvre qui vient plutôt du démon que de Dieu. Si donc il suffit à l’homme sage être ce qu’il est, sans qu’il lui soit nécessaire de paraître ce qu’il n’est pas, combien moins sera-t-il nécessaire au Fils de Dieu de se découvrir, lui dont personne ne pourra jamais connaître la grandeur réelle ?

S. Ambr. (sur S. Luc.) Comme Satan se transfigure en ange de lumière, et qu’il se sert des saintes Écritures elles-mêmes pour tendre des pièges aux fidèles (cf. 2 Co 11, 14), il a recours ici aux témoignages des Livres saints et il dit : « Il est écrit qu’il a ordonné à ses anges d’avoir soin de vous. » — S. Jérôme. Nous lisons ce passage dans le psaume quatre-vingt dixième, mais il n’y est pas question du Christ, c’est une prophétie qui a rapport à l’homme juste : l’interprétation du démon est donc vicieuse. — S. Chrys. (sur S. Matth.) En réalité, le Fils de Dieu n’est pas porté par les mains des anges, mais c’est bien plutôt lui qui porte les anges, ou s’il permet que les anges le portent dans leurs mains, ce n’est point par faiblesse, pour ne point heurter son pied contre la pierre ; c’est pour recevoir l’honneur qui lui est dû comme le maître des anges. O Satan, tu as lu que le Fils de Dieu est porté dans les mains des anges, et tu n’as pas lu ce qui suit, qu’il foule aux pieds l’aspic et le basilic. Mais il cite par orgueil cette première partie du texte et il se tait sur la seconde par un sentiment de fourberie. — S. Chrys. (hom. 13 sur S. Matth.) Remarquez encore comme Notre Seigneur cite toujours convenablement l’Écriture sainte, tandis que le démon en fait le plus mauvais usage, car ces paroles : « Il a ordonné à ses anges, » etc. ne conseillent à personne de se jeter et de se précipiter en bas. — La glose. Voici comme il faut expliquer ce passage. L’Écriture dit de tout homme juste que Dieu a commandé à ses anges, c’est-à-dire aux esprits qui lui servent de ministres, de le prendre dans leurs mains, en d’autres termes de l’entourer de leur protection, et de le garder pour qu’il ne heurte pas le pied, c’est-à-dire la bonne disposition de son âme, contre la pierre, figure ici de l’ancienne loi écrite sur des tables de pierre. On peut voir aussi dans cette pierre toute occasion de péché ou de ruine.

Raban. Remarquons que notre Sauveur, qui avait permis au démon de le porter sur le pinacle du temple, refusa d’obéir au commandement qu’il lui faisait d’en descendre. Il nous apprenait ainsi par son exemple à obéir à celui qui nous commande de monter la voie étroite de la vérité, mais à ne point écouter celui qui voudrait nous faire descendre des hauteurs de la vérité et des vertus pour nous précipiter dans l’abîme de l’erreur et des vices. — S. Jérôme. Il brise sur le vrai bouclier des Écritures ces flèches trompeuses que le démon a voulu, mais en vain, tirer des Écritures elles-mêmes. « Jésus lui dit : Il est écrit de nouveau : Vous ne tenterez pas le Seigneur votre Dieu. » — S. Hil. En réprimant ainsi tous les efforts du démon, il atteste qu’il est le Dieu souverain maître de toutes choses. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Il ne dit pas : « Vous ne me tenterez pas, moi qui suis votre Dieu, mais « vous ne tenterez pas le Seigneur votre Dieu, » ce que pouvait dire tout homme tenté du démon, car qui tente l’homme de Dieu tente Dieu lui-même. — Raban. Ou bien encore, tout en le regardant comme un homme, il lui conseillait d’essayer par quelque prodige sa puissance auprès de Dieu. — S. Augustin. (contre Faust., liv. XXII, ch. 36.) La saine doctrine veut qu’un homme qui a d’autres moyens d’action ne tente pas le Seigneur son Dieu. — S. Jérôme. Il est à remarquer que le Sauveur ne tire les témoignages dont il a besoin que du Deutéronome, pour faire ressortir la signification mystérieuse de cette loi promulguée une seconde fois par Moïse.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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