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Mt  4  7-11

S. Chrys. (sur S. Matth.) Le démon, que la seconde réponse du Sauveur avait laissé dans l’incertitude, en vient à la troisième tentation. Le Christ avait brisé les filets de la sensualité, il avait passé par-dessus les pièges de la vaine gloire ; il lui tend ceux de l’avarice. « Le diable, dit l’auteur sacré, le prit de nouveau, et le transporta sur une montagne très élevée. Le démon, qui avait parcouru toute la terre, connaissait quelle était de toutes les montagnes la plus élevée, et d’où, par conséquent, on pouvait découvrir une plus grande étendue de terre : c’est pour cela que l’Évangéliste ajoute : « Et il lui montra tous les royaumes de la terre et toute leur gloire. » Il les lui montra non pas en ce sens qu’il distinguât parfaitement les limites de ces royaumes, leurs villes, leurs habitants, l’or et l’argent qu’ils possédaient, mais simplement les parties de la terre où étaient situés ces royaumes, ces villes, comme si du sommet d’une haute montagne, je vous disais en vous indiquant du doigt un point de l’horizon : C’est là que se trouve Rome, ou Alexandrie, vous ne verriez pas les villes elles-mêmes, mais simplement la direction dans laquelle elles sont situées. C’est ainsi que le démon pouvait en montrant du doigt les différentes parties de la terre, exposer au Christ l’état et la gloire de chacun des royaumes qui s’y trouvaient situés ; car on montre réellement ce que l’on cherche à faire comprendre. — Origène. (hom. 30 sur S. Luc.) Ou bien dans un autre sens, il n’est pas probable que le démon lui ait montré les royaumes du monde, celui des Perses, par exemple, puis celui des Indiens, puis celui des Mèdes ; mais il lui montra son royaume à lui, c’est-à-dire comment il dominait sur le monde, comment les uns étaient gouvernés par l’avarice, les autres par la fornication, etc. — S. Rémi. La gloire de ces royaumes, c’est leur or, leur argent, leurs pierres précieuses, leurs biens temporels. — Raban. Le démon montra toutes ces choses au Christ, non pas qu’il ait pu étendre sa vue au-delà des limites ordinaires, ou de découvrir des choses inconnues ; mais en déroulant sous ses yeux, comme un digne objet de ses désirs, cette vanité des pompes du monde qu’il aimait lui-même, il voulait aussi lui en inspirer l’amour. — La glose. Jésus ne voit pas ainsi que nous toutes ces choses avec l’œil de la concupiscence, mais comme les médecins voient les maladies sans en être atteints eux-mêmes.

suite. « Et il lui dit : Je vous donnerai toutes ces choses. » Dans son arrogance et dans son orgueil, il se vante de faire ce qui dépasse son pouvoir, car il ne peut disposer de tous les royaumes, puisque nous savons qu’un grand nombre de Saints ont reçu la royauté des mains de Dieu lui-même. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Tout ce qui dans le monde est le fruit de l’iniquité, comme les richesses acquises par le vol ou par le parjure, c’est le démon qui le donne : il ne peut donc pas donner les richesses a tous ceux qu’il veut, mais seulement à ceux qui veulent les recevoir de sa main. — S. Rémi. Quelle étrange folie dans le démon : il promet les royaumes de la terre à celui qui donne à ses fidèles le royaume du ciel, et la gloire du monde à celui qui est le souverain dispensateur de la gloire éternelle !

S. Ambr. (sur S. Luc.) L’ambition porte avec elle un danger personnel : pour commander aux autres l’ambitieux se rend d’abord esclave, il se courbe sous l’autorité d’un autre pour obtenir l’honneur qu’il désire, et pour satisfaire l’ambition qu’il a de monter au premier rang, il descend aux dernières bassesses : aussi voyez comme le démon ajoute : « Si en vous prosternant vous m’adorez. » — La glose. Voilà bien l’antique orgueil du démon : de même qu’au commencement il voulut se rendre semblable à Dieu, ainsi voulait-il maintenant usurper les honneurs divins. « Si en vous prosternant vous m’adorez. » Donc celui qui veut adorer le démon tombe auparavant de tout son poids sur la terre.

suite. « Alors Jésus lui dit : Retire toi, Satan. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) C’est ainsi qu’il met fin à la tentation, et défend au démon d’aller plus avant. — S. Jérôme. On ne peut admettre, avec plusieurs interprètes que Satan et Pierre aient été frappés de la même sentence de condamnation. Jésus dit à Pierre : « Va derrière moi Satan, » c’est-à-dire suis moi, toi qui te montres opposé à ma volonté ; tandis qu’il dit à Satan : « Retire-toi, Satan, » sans qu’il ajoute : « derrière moi, » pour laisser sous-entendre : « Va dans le feu éternel, qui t’a été préparé à toi et à tes anges. — S. Rémi. Ou bien, en admettant la variante de certains exemplaires : « Retire-toi derrière, » c’est-à-dire souviens-toi, rappelle-toi dans quel état de gloire tu as été créé et dans quel abîme de misère tu es tombé. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Remarquez que lorsque Notre-Seigneur eut à supporter cette tentation injurieuse pour lui : « Si vous êtes le Fils de Dieu, jetez-vous en bas, » il ne s’en émeut pas, il ne fait pas de reproche au démon. Mais maintenant que ce malheureux esprit s’arroge l’honneur qui n’est dû qu’à Dieu, le Sauveur est indigné, et il le repousse par ces paroles : « Retire-toi, Satan. » Ainsi nous apprend-il à supporter avec courage les injures qui nous sont personnelles, mais à ne pas entendre sans indignation les outrages qui s’adressent à Dieu même ; car si c’est un acte louable de souffrir patiemment les injures qui nous concernent, c’est une impiété de voir d’un œil indifférent celles qui osent s’attaquer à Dieu.

S. Jérôme. Le Démon a dit au Sauveur : « Si en vous prosternant, vous m’adorez, » et il apprend au contraire que c’est à lui à l’adorer comme son Seigneur et son Dieu. — S. Augustin. (contre les discours des Ariens, ch. XXIX.) « Il est écrit : Vous adorerez le Seigneur votre Dieu, et vous ne servirez que lui seul. » Notre unique Seigneur et Dieu c’est la sainte Trinité, à laquelle nous devons à juste titre l’hommage et comme la servitude de notre religion. — S. Augustin. (Cité de Dieu, liv. X, ch. 2.) Par cette servitude il faut entendre le culte qui est du à Dieu, car c’est par ce mot de servitude que les traducteurs ont rendu le mot latria latrie, toutes les fois qu’il se rencontre dans les saintes Écritures, tandis que ces rapports de subordination qui sont dus aux hommes et que saint Paul recommande lorsqu’il dit aux esclaves d’être soumis à leurs maîtres, s’expriment en grec par le mot dulie (δυλια).

S. Chrys. (sur S. Matth.) Comme on doit raisonnablement le penser, le démon se retira non par obéissance au commandement du Christ, mais parce que la divinité du Sauveur et l’Esprit saint qui étaient en lui le repoussèrent au loin. « Alors le démon le laissa. » Dieu le permit ainsi pour notre consolation, car le démon ne tente les fidèles serviteurs de Dieu, qu’autant que le Christ le lui permet, et non pas autant qu’il le veut. S’il lui accorde de nous tenter légèrement, il se bâte de le repousser pour ménager notre faible nature.

S. Augustin. (Cité de Dieu, liv. IX, ch. 20.) Après la tentation, les saints anges que les esprits immondes redoutent viennent offrir leurs services au Seigneur, et par là les démons connaissaient plus clairement quelle était sa grandeur. « Et les anges s’approchèrent de Jésus, dit l’Évangéliste, et ils le servaient. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) Il ne dit pas : « Les anges descendirent, » car ils étaient toujours sur la terre pour le servir, ils s’étaient retirés un instant, sur l’ordre du Seigneur, pour laisser agir le démon contre Jésus-Christ ; car il n’aurait pas osé s’approcher de lui, s’il l’avait vu entouré de ses anges. Dans quelles actions les anges lui prêtaient leur ministère ? Nous ne pouvons le savoir. Était-ce pour la guérison des malades, ou pour la conversion des pécheurs, ou pour mettre les démons en fuite, toutes choses qu’il fait par ses anges, bien qu’il paraisse les faire immédiatement lui-même ? Ce qui est hors de doute, c’est qu’en le servant ils ne venaient pas au secours de sa faiblesse, mais qu’ils honoraient sa puissance, car il n’est pas dit qu’ils l’aidaient, mais qu’ils le servaient. — S. Grég. (hom. 15.) Nous avons ici une preuve des deux natures réunies en une seule personne : l’homme qui est tenté par le démon, et tout à la fois le Dieu qui est servi par les anges. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Exposons rapidement le sens caché des tentations. Le jeûne c’est l’abstention du mal, la faim en est le désir, le pain en est l’usage. Celui qui approprie le péché à son usage, change la pierre en pain. Qu’il réponde donc à cet esprit séducteur que l’homme ne vit pas seulement de pain mais encore de l’observance des commandements de Dieu. Quand un chrétien vient à s’enorgueillir de sa prétendue sainteté, il est transporté sur le haut du temple, et lorsqu’il se persuade avoir atteint le sommet de la perfection, il est placé sur le pinacle du temple : cette tentation succède à la première, car la victoire que l’on remporte sur une tentation fait qu’on s’en glorifie et devient une cause de vaine ostentation. Remarquez aussi que Jésus-Christ embrasse de lui-même le jeûne, tandis que c’est le démon qui le place au-dessus du temple. A son exemple, observez volontairement les règles de l’abstinence chrétienne, mais ne vous laissez pas aller à la pensée que vous êtes parvenu au faite de la sainteté. Fuyez l’élévation du cœur et vous échapperez à votre ruine. Quant au transport sur la montagne, il figure les efforts que nous faisons pour nous élever jusqu’aux richesses, jusqu’à la gloire de ce monde, efforts qui ont pour cause l’orgueil du cœur. Lorsque vous voulez devenir riche et monter ainsi sur la montagne, vous pensez aussitôt aux moyens d’acquérir les richesses et les honneurs, et c’est afin que le prince de ce monde vous montre la gloire de son royaume. En troisième lieu, il vous fait connaître le chemin que vous devez prendre pour y arriver : c’est de le servir sans tenir aucun compte de vos devoirs envers Dieu. — S. Hil. (can. 3 sur S. Matth.) Dès que nous sommes vainqueurs du démon et que nous lui avons écrasé la tête sous nos pieds, nous voyons par cet exemple que les services des anges et les secours des vertus célestes ne nous feront pas défaut.

S. Augustin. Saint Luc ne raconte pas ces tentations dans le même ordre ; on ne sait donc pas quelle fut la première. Le démon commença-t-il par montrer au Sauveur tous les royaumes du monde, et l’a-t-il transporté ensuite sur le pinacle du temple, ou bien est-ce le contraire qui est arrivé ? peu importe, dès lors qu’il est certain que ces tentations ont en lieu toutes les trois. — La glose. Le récit de saint Luc paraît cependant plus historique, et on peut dire alors que saint Matthieu a suivi l’ordre dans lequel ces tentations ont en lieu pour Adam.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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