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Mt  20  29-34

S. Chrys. (sur S. Matth.) De même qu’une abondante moisson témoigne en faveur du travail du laboureur, ainsi une nombreuse assemblée est une preuve du zèle de celui qui enseigne : « Et lorsqu’ils sortaient, une foule nombreuse le suivit. » Aucun d’eux ne fut arrêté par les difficultés de la route, car l’amour spirituel n’est point sujet à la fatigue, aucun d’eux ne fut retenu par la pensée de ses intérêts temporels, car ils entraient en possession du royaume des cieux. Celui, en effet, qui a une fois goûté en vérité le bien céleste, ne trouve plus rien sur la terre qui soit digne de son affection. Or, ces deux aveugles se rencontrent très-à propos sur le passage de Jésus-Christ, car, après avoir recouvré la vue, ils le suivront à Jérusalem pour rendre témoignage à sa puissance : « Et voici que deux aveugles, » etc. Ces deux aveugles entendaient les pas de ceux qui marchaient, mais ne pouvaient les voir. Ils n’avaient de libre dans tout leur corps que la voix ; et comme ils ne pouvaient se mettre à la suite du Sauveur, ils l’accompagnent de leurs cris et de leurs supplications : « Et ayant entendu que Jésus passait, » etc.

S. Augustin. (De l’acc. des Evang., 2, 56.) Saint Marc raconte ce même fait, mais ne parle que d’un seul aveugle, difficulté dont voici la solution. Des deux aveugles que saint Matthieu comprend dans son récit, l’un était très-connu dans la ville, et ce qui le prouve, c’est que saint Marc a cru devoir nous faire connaître son nom et celui de son père. Ce Bartimée, fils de Timée, était probablement déchu d’une grande fortune et devait à cette circonstance d’être très-connu. Il était non-seulement aveugle, mais encore assis près du chemin comme un mendiant. C’est donc de celui-là seulement que saint Marc a voulu parler, parce que sa guérison eut autant d’éclat que ses malheurs avaient eu de retentissement. Quant à Saint Luc, bien qu’il raconte un fait absolument semblable, il faut admettre qu’il s’agit dans son récit d’un autre aveugle, qui fut l’objet d’un semblable miracle, car il place sa guérison lorsque Jésus approchait de Jéricho, tandis que, suivant les autres Évangélistes, les deux aveugles furent guéris lorsque Jésus sortait de Jéricho.

« Et le peuple les reprenait pour les faire taire. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ils voyaient les haillons repoussants dont cet homme était couvert, et, ne considéraient pas l’éclatante beauté de son âme. Voilà bien la sagesse insensée des hommes. Ils s’imaginaient que c’était un outrage pour les grands de recevoir les hommages des pauvres, car, quel est le pauvre qui eut osé saluer en public un riche ? — S. Hil. Ou bien ce n’est point par honneur pour le Sauveur qu’ils font taire ces deux aveugles, mais parce qu’il leur faisait peine d’entendre affirmer par ces aveugles ce qu’ils niaient eux-mêmes, c’est-à-dire que Jésus était fils de David. — Origène. (Traité 13 sur S. Matth.) Ou bien peut-être c’étaient ceux qui croyaient en Jésus-Christ qui reprenaient les aveugles de ne lui donner que le nom trop peu digne fie fils de David, au lieu de dire : « Fils de Dieu, ayez pitié de nous. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) Mais la défense qui leur était faite, loin fie leur fermer la bouche ; les excitait davantage. C’est ainsi que la foi s’accroît et se fortifie par la contradiction ; aussi est-elle calme et tranquille parmi les dangers, tandis qu’elle n’est pas sans crainte au milieu de la paix. « Et ils se mirent à crier encore plus haut : Ayez pitié de nous, fils de David. » Ils avaient crié d’abord parce qu’ils étaient aveugles, ils se mettent à crier plus haut encore parce qu’on les empêche d’approcher de la lumière. — S. Chrys. (hom. 66.) Le Sauveur permettait qu’on leur fît cette défense pour faire éclater la vivacité de leurs désirs. Apprenez de là que, quelque soit notre misère et notre abjection, nous obtiendrons par nous-mêmes tout ce que nous demanderons, en nous approchant de Dieu avec ferveur.

« Alors Jésus s’arrêta, et, les ayant appelés, » etc. — S. Jérôme. Le Seigneur s’arrêta, parce que les aveugles ne savaient de quel côté ils devaient se diriger. Il y avait auprès de Jéricho beaucoup d’excavations, d’endroits escarpés pendant en précipices ; le Seigneur s’arrêta donc pour qu’ils pussent venir jusqu’à lui. — Origène. Ou bien le Seigneur ne continue pas son chemin, mais s’arrête pour que le bienfait qu’il va leur accorder ne se répande pas au delà ; mais que la miséricorde coule sur eux comme d’une source permanente et durable. — S. Jérôme. Il les fait appeler pour que la foule ne les empêche pas d’approcher, et il leur demande ce qu’ils veulent, afin que leur réponse rende évidentes leur infirmité et la puissance qui doit les guérir. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien il leur fait cette demande pour faire connaître leur foi, et, par l’exemple de ces aveugles qui confessent qu’il est le Fils de Dieu. confondre ceux qui voient et ne le regardent que comme un homme. Ils avaient appelé le Christ Seigneur, et en cela ils disaient la vérité ; mais eu ajoutant : Fils de David, ils affaiblissaient la force de leur profession de foi. En effet, on donne aux hommes, par extension et par abus, le nom de seigneur ; mais il n’y a de véritable seigneur que Dieu. Lors donc qu’ils appellent Jésus « Seigneur, fils de David, » ils l’honorent simplement comme homme ; s’ils l’appelaient Seigneur, sans aucune addition, ils confesseraient par là même sa divinité. C’est pourquoi il les interroge en ces termes : « Que voulez-vous que je vous fasse ? » Alors ils ne l’appellent plus : « Seigneur, Fils de David, » mais simplement « Seigneur : » « Et ils lui dirent : Seigneur, que nos yeux s’ouvrent. » En effet, le fils de David ne peut ouvrir les yeux des aveugles ; il n’y a que le Fils de Dieu qui ait cette puissance. Tant qu’ils se sont contentés de dire : « Seigneur, Fils de David, » leur guérison a été comme suspendue ; mais aussitôt qu’ils eurent dit : « Seigneur, » leurs yeux se sont ouverts. En effet, l’Évangéliste ajoute : « Et Jésus, ayant pitié d’eux, toucha leurs yeux. » Il les toucha, comme homme, avec la main, et il les guérit comme Dieu. — S. Jérôme. Le Créateur leur donne ce que la nature leur avait refusé, ou du moins la miséricorde leur rend ce que la maladie leur avait ôté.

S. Chrys. (hom. 56.) La reconnaissance de ces aveugles, après qu’ils eurent reçu cette grâce, égala leur persévérance avant de l’avoir obtenue. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ils offrirent à Jésus-Christ un présent qui lui fut bien agréable, car l’auteur sacré nous apprend qu’ils le suivirent ; c’est là ce que Dieu demande de vous par le prophète : « Marchez avec crainte en présence de votre Dieu. » (Mi 6.) — S. Jérôme. Ces aveugles, qui étaient assis près de la ville de Jéricho, retenus par leur infirmité et qui ne pouvaient que gémir et crier, suivent maintenant Jésus, moins par le mouvement des pieds que par leurs vertus. — Raban. Jéricho, dont le nom signifie lune, est une figure de l’inconstance humaine. — Origène. Dans le sens mystique, Jéricho signifie le monde, au milieu duquel Notre-Seigneur est descendu. Ceux qui habitent Jéricho ne peuvent sortir de la sagesse du monde avant d’avoir vu non-seulement Jésus, mais encore ses disciples sortir de Jéricho. Or, une foule nombreuse, à la vue de cette guérison miraculeuse, les suivit, pleine de mépris pour le monde et pour les choses du monde, afin de monter, sous la conduite de Jésus-Christ, jusqu’à la Jérusalem céleste. Dans ces deux aveugles, nous pouvons voir les deux peuples de Juda et d’Israël (cf. 3 R 12), qui étaient aveugles avant l’avènement du Christ, parce qu’ils ne voyaient pas la parole de vérité qui était renfermée dans la loi et les prophètes, et parce qu’étant assis le long du chemin de la loi et des prophètes, et n’ayant que l’intelligence charnelle de la lettre, ils élevaient la voix seulement vers celui qui est né de la race de David selon la chair. (Rm 1.) — S. Jérôme. Ou bien encore, par ces deux aveugles, la plupart entendent les pharisiens et les sadducéens. — S. Augustin. (Quest. évang., 1, 20.) Ou bien, dans un autre sens, ces deux aveugles sont la figure de ceux qui, dans les deux peuples, s’attachent par la foi à l’économie de la vie humaine de Jésus-Christ, par laquelle il est notre voie, et qui désirent d’être éclairés, c’est-à-dire de comprendre quelque chose de l’éternité du Verbe. Or, c’est ce qu’ils espèrent obtenir lorsque Jésus vient à passer, c’est-à-dire par le mérite de la foi, qui reconnaît que le Fils de Dieu s’est fait homme, est né et a souffert pour nous. En effet, d’après cette économie de l’incarnation, Jésus ne fait pour ainsi dire que passer, parce que cette action ne dure qu’un temps. Or, il leur fallait crier assez haut pour dominer le bruit de la foule, qui couvrait leur voix, c’est-à-dire il leur fallait s’appliquer avec persévérance à la prière, aux saints désirs, pour arriver à vaincre, par la force de l’intention l’habitude des désirs charnels, qui, comme une foule tumultueuse, empêche l’âme de voir la lumière de l’éternelle vérité, ou bien la foule elle-même des hommes charnels qui veulent nous rendre impossibles les exercices spirituels de la prière et de la vertu. — S. Augustin. (serm. 18 sur les par. du Seig.) En effet, les mauvais chrétiens et ceux qui vivent dans la tiédeur font de l’opposition aux bons chrétiens qui veulent accomplir les préceptes divins, mais que ceux-ci ne cessent pas de crier sans se lasser ; car tout chrétien qui commence à pratiquer la vertu et à mépriser le monde est sûr de trouver au début de sa conversion des censeurs de sa conduite dans les chrétiens dont la charité s’est refroidie ; mais s’il persévère, il se verra bientôt applaudi et appuyé par ceux-là même qui voulaient d’abord lui créer des obstacles. — S. Augustin. (Quest. évang., 5.) Jésus qui a dit : « On ouvrira à celui qui frappe » (Mt 7, Lc 11) les ayant entendus, s’arrête, les touche et ouvre leurs yeux à la lumière. En effet, comme c’est la foi au mystère de l’Incarnation qui s’est accompli dans le temps, qui nous prépare à l’intelligence des choses de l’éternité, lorsque Jésus passe, ils sont avertis que la lumière va leur être rendue, et il s’arrête, en effet, pour leur ouvrir les yeux, car les choses du temps passent et celles de l’éternité sont immuables. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Il en est qui voient dans les deux aveugles deux sortes de Gentils, issus, les uns de Cham, les autres de Japhet. « Ils étaient assis le long du chemin, » c’est-à-dire qu’ils étaient proches de la vérité, sans pouvoir la trouver ; ou bien ils conformaient leur vie aux préceptes du Verbe, mais sans se diriger d’après les principes surnaturels du Verbe, parce qu’ils n’avaient pas encore reçu la connaissance du Verbe. — Raban. Mais aussitôt qu’ils apprirent la grande réputation de Jésus-Christ, ils cherchèrent à s’attacher à lui, et c’est alors qu’ils trouvèrent de nombreux contradicteurs ; d’abord dans les Juifs, comme nous le lisons dans les Actes et puis dans les Gentils qui suscitèrent contre eux une persécution encore plus violente, sans que tous leurs efforts aient pu priver du salut ceux qui étaient prédestinés à la vie. — S. Chrys. (sur S. Matth.) C’est donc les yeux du cœur que le Sauveur toucha en donnant aux Gentils, et aussitôt qu’ils furent éclairés ils ont marché à sa suite par la pratique des bonnes oeuvres. — Origène. Et nous aussi, qui sommes assis le long du chemin des Écritures et qui comprenons sous quel rapport nous sommes aveugles, si nous prions par amour de la vérité, Jésus touchera les yeux de notre âme et les ténèbres de l’ignorance se retireront de notre esprit pour nous laisser voir et suivre celui qui ne nous a rendus à la lumière que pour nous permettre de marcher à sa suite.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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