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Mt  20  24-28

S. Chrys. (hom. 65.) Tant que Jésus-Christ n’a fait qu’exprimer sa volonté à l’égard des deux disciples, les autres Apôtres n’éprouvèrent aucun sentiment de peine ; ils ne s’indignent que lorsqu’il les reprend : « Et les dix autres ayant entendu, » etc. — S. Hil. Ce n’est pas sur la mère qu’ils font retomber la témérité d’une pareille demande, mais sur les enfants qui, paraissant ignorer ce qu’ils étaient, se sont laissé dominer par une ambition aussi démesurée. — S. Chrys. (hom. 65.) Ils comprirent que cette demande venait des deux frères, quand le Sauveur leur adressa ce reproche. Jusque-là, lorsqu’ils avaient vu les marques particulières d’honneur qu’il leur donnait, comme dans sa transfiguration, quelle que fût la peine qu’ils en ressentaient intérieurement, ils n’osaient pas la faire paraître au dehors, par respect pour leur divin Maître. — S. Chrys. (sur S. Matth.) La demande des deux disciples avait été toute charnelle, la tristesse des dix autres fut de même nature, car s’il est blâmable de vouloir s’élever au-dessus des autres, il est on ne peut plus glorieux d’accepter que d’autres soient élevés au-dessus de nous.

S. Jérôme. Toutefois le divin Maître ne reproche ni leur ambition aux deux disciples, ni leur indignation jalouse aux dix autres : « Mais Jésus les appela à lui, » etc. — S. Chrys. (hom. 66.) Comme il les voit dans le trouble, il les appelle à lui pour les consoler en leur adressant la parole de plus près, car les deux frères s’étaient séparés de la société des dix Apôtres pour se rapprocher du Seigneur et lui parler en particulier. Or, il apaise les sentiments de leur âme, non plus comme précédemment, en plaçant un petit enfant au milieu d’eux, mais par un exemple tout opposé : « Vous savez, leur dit-il, que les princes des nations dominent sur elles. » — Origène. C’est-à-dire : Vous savez que, non contents de gouverner leurs sujets, ils aspirent à une domination tyrannique ; mais pour vous, qui êtes mes disciples, il n’en sera pas de la sorte, car, si les choses matérielles sont soumises à la nécessité, les choses spirituelles dépendent de la volonté. Ceux donc qui sont revêtus d’une puissance toute spirituelle doivent faire reposer toute leur autorité sur l’affection de ceux qui leur sont soumis, plutôt que sur la crainte des châtiments extérieurs. — S. Chrys. (hom. 66.) Il leur montre en même temps que c’est le propre des nations idolâtres d’ambitionner la primauté, et par cette comparaison il apaise l’agitation de leur âme. — S. Chrys. (sur S. Matth.) C’est une chose louable de désirer le travail du ministère, car le travail dépend en partie de notre volonté, aussi bien que la récompense qui la suit ; mais c’est une vanité que d’ambitionner l’honneur des premières dignités, parce qu’elles dépendent de la volonté de Dieu. Aussi, quand bien même nous obtiendrions cet honneur, nous ne savons pas si nous méritons la couronne de justice. En effet, l’Apôtre ne sera pas trouvé digne d’éloges aux yeux de Dieu pour avoir été apôtre, mais pour avoir bien rempli les devoirs de l’apostolat ; de même ce n’est pas aux mérites qui ont précédé sa vocation que l’Apôtre doit l’honneur de l’apostolat ; mais il a été jugé digne de ce ministère, d’après les dispositions de son âme. Disons encore que les premières dignités vont au devant de ceux qui les fuient, et fuient ceux qui les recherchent. Ce qu’il faut désirer, ce n’est donc point un rang plus élevé, mais une vie plus vertueuse. C’est donc pour éteindre l’ambition des deux frères et l’indignation des autres Apôtres, que le Sauveur établit cette différence entre les princes du monde et les chefs de l’Église, et il montre ainsi que le pouvoir ecclésiastique ne doit être ni recherché par celui qui ne l’exerce pas, ni envié à celui qui en est revêtu. Les princes du monde semblent n’être établis que pour faire peser leur domination sur leurs inférieurs, les réduire en servitude, les dépouiller et les exploiter jusqu’à la mort au profit de leur propre gloire et de leur utilité personnelle. Les princes de l’Église, au contraire, ne sont placés à sa tête que pour servir leurs inférieurs, leur distribuer tout ce qu’ils ont reçu de Jésus-Christ, pour veiller aux intérêts des fidèles au détriment de leurs intérêts personnels, et ne point reculer devant la mort même pour les sauver. Il n’est donc ni juste, ni utile de désirer la puissance et les honneurs dans l’Église, car quel est l’homme tant soit peu sage qui voudrait se soumettre de lui-même à une si grande servitude et au danger effrayant de rendre compte pour toute l’Église, à moins qu’il n’ait perdu toute crainte des jugements de Dieu, et qu’il ne veuille faire un abus indigne de la puissance ecclésiastique en la transformant en un pouvoir tout séculier ?

S. Jérôme. Jésus termine en se proposant comme exemple pour faire rougir par ses actions ceux que ses paroles laisseraient insensibles : « Comme le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi. » — Origène. Les anges et Marthe l’ont servi, il est vrai ; il n’est cependant pas venu pour être servi, mais pour servir, et il poussa si loin cette servitude à l’égard des autres, qu’il accomplit les paroles suivantes : « Et pour donner sa vie en mourant pour la rédemption de plusieurs, » qui ont cru en lui. Mais comme il a été le seul qui fût libre entre les morts (Ps 87), et plus fort que toute la puissance de la mort, il a par là même affranchi de la mort tous ceux qui ont voulu le suivre. Les princes de l’Église doivent donc imiter Jésus-Christ qui se rendait accessible, ne dédaignait pas de parler aux femmes, d’imposer les mains sur les petits enfants, et de laver les pieds à ses disciples pour les engager à en faire autant à leurs frères. Mais, malgré cet exemple, nous offrons dans notre conduite le spectacle d’un orgueil qui va au delà de l’orgueil des princes du monde ; car, soit que nous ne voulions pas comprendre, soit que nous méprisions le précepte de Jésus-Christ, nous voulons, comme les rois de la terre, nous faire précéder par des gardes, nous cherchons à nous rendre redoutables et de difficile accès, surtout à l’égard des pauvres ; nous n’avons pour les autres et nous ne voulons pour nous-mêmes aucune marque d’affabilité.

S. Chrys. (hom. 66.) Donc, à quelque degré que vous puissiez vous humilier, jamais vous ne descendrez aussi bas que votre Sauveur et votre Dieu.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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