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Mt  17  23-26

La glose. Comme les disciples avaient été attristés en entendant parler des souffrances du Sauveur, afin que personne n’attribuât sa passion à la nécessité plutôt qu’à son humilité, l’Évangéliste rapporte un fait qui démontre à la fois la liberté et l’humilité de Jésus-Christ : « Et étant venu à Capharnaüm, ceux qui recevaient le tribut de deux drachmes s’approchèrent, » etc. S. Hil. On vient demander au Seigneur de payer l’impôt de deux drachmes, c’est-à-dire de deux deniers. La loi commandait à tous les Israélites, pour le rachat de leur corps et de leur âme, cet impôt destiné à l’entretien des ministres du temple. — S. Chrys. (hom. 58.) Lorsque le Seigneur immola les premiers-nés des Égyptiens, il prit la tribu de Lévi en souvenir de cet événement. Mais comme le nombre des premiers-nés des Juifs était plus considérable que le nombre des membres de la tribu de Lévi, il ordonna de payer un sicle pour le prix de ceux qui dépassaient ce nombre ; et de là vint la coutume de payer cet impôt pour les premiers-nés. Or, comme Jésus-Christ était premier-né et que Pierre paraissait être le premier des disciples, ils s’adressent à lui. Je ne crois pas du reste qu’ils demandaient ce tribut dans toutes les villes, et s’ils viennent trouver Jésus à Capharnaüm, c’est qu’ils pensaient que c’était sa patrie.

S. Jérôme. Ou bien encore on peut dire qu’après César-Auguste, la Judée, étant devenue tributaire, l’impôt personnel atteignait tous les individus ; c’est pour cela que Joseph et Marie, qui étaient de la même tribu, partirent pour Bethléem, afin de s’y faire inscrire. Mais comme Notre-Seigneur avait été élevé à Nazareth, qui est un bourg de la Galilée, voisin de Capharnaüm, on lui demande de payer le tribut dans cet endroit ; ceux qui percevaient cet impôt, n’osant pas le demander à Jésus-Christ lui-même, intimidés qu’ils étaient par la grandeur de ses miracles, ils s’adressent à son disciple. — S. Chrys. (hom. 58.) Ils l’interrogent sans arrogance, mais avec douceur et sans formuler d’accusation. C’est une simple question qu’ils lui posent : « Votre maître ne paie-t-il pas le tribut des deux drachmes ? » — S. Jérôme. Ou bien ils l’interrogent avec malice pour savoir s’il paie les impôts et s’il n’est pas en opposition avec les ordres de César.

S. Chrys. (hom 58.) Or, quelle est la réponse de Pierre ? « Et il leur répondit : Oui. » C’est à eux que s’adresse sa réponse et non pas à Jésus-Christ, car il rougissait d’avoir à lui parler de choses semblables. — La glose. Ou bien dans un autre sens, Pierre répond oui, c’est-à-dire : il est vrai qu’il ne le paie pas. Pierre voulait faire connaître indirectement au Sauveur que les hérodiens exigeaient cet impôt ; mais le Seigneur va au devant : « Et lorsqu’il fut entré dans la maison, il le prévint. » — S. Jérôme. Avant même que Pierre lui ait fait part de cette question, Notre-Seigneur l’interroge, afin que ses disciples ne soient pas scandalisés de ce qu’on lui demande de payer l’impôt, en voyant qu’il sait parfaitement ce qui s’est passé en son absence.

« Et il répondit : Des étrangers ; Jésus lui dit : Donc les enfants en sont exempts. » — Origène. Cette réponse peut s’entendre de deux manières différentes. Dans le premier sens, les fils des rois de la terre sont libres et exempts chez les rois de la terre et les étrangers qui habitent au delà des frontières sont libres aussi ; mais ceux qui les oppriment comme les Égyptiens opprimaient les enfants d’Israël, les rendent esclaves. Dans le second sens, bien que quelques-uns soient étrangers aux fils des rois de la terre, par cela même qu’ils sont les enfants de Dieu, ils sont libres ; ce sont ceux qui persévèrent dans les enseignements de Jésus, qui ont connu la vérité et que la vérité a délivrés de la servitude du péché. Au contraire, dans ce sens, les fils des rois de la terre ne sont pas libres, car quiconque commet le péché est esclave du péché. (Jn 8.) — S. Jérôme. Quant à Notre-Seigneur, il était fils de roi et selon la chair et selon l’esprit, étant tout à la fois sorti de la souche de David, et le Verbe du Père tout-puissant ; donc, comme fils de roi, il ne devait pas les impôts. — S. Augustin. (Quest. évang., 1, 23.) Le Sauveur dit que dans tout royaume les enfants sont libres, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas soumis à l’impôt ; donc à plus juste titre, les fils de ce roi de qui relèvent tous les royaumes doivent être libres de l’impôt dans tous les royaumes de la terre. — S. Chrys. (hom. 58.) Or, s’il n’était pas le fils, ce langage serait sans raison. On me dira peut-être : Il est le fils, mais non pas le propre fils ; il est donc étranger, et ainsi cet exemple n’a aucune force. Je réponds que le Sauveur parle ici des fils proprement dits, par opposition aux étrangers qui ne sont pas nés de la substance même des parents. Or, voyez comme Jésus-Christ confirme ici la vérité que le Père céleste avait révélée à Pierre et qui lui avait dicté ces paroles : « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant. »

S. Jérôme. Cependant, quoiqu’il fût libre, comme il avait pris toutes les humiliations de notre nature, il dut accomplir toute justice. Il ajoute donc : « Mais, afin que nous ne les scandalisions pas, » etc. — Origène. Comme conséquence naturelle de ces paroles, nous devons comprendre que toutes les fois que des hommes se présentent pour nous prendre les biens de la terre au nom de la justice, ce sont les rois de la terre qui leur transmettent l’ordre d’exiger de nous ce qui leur appartient, et le Seigneur nous défend par son exemple de donner aucun scandale à ceux qui sont chargés de cette mission, ou pour ne pas les exposer à de plus grandes fautes, ou pour les amener au salut. C’est ainsi que le Fils de Dieu, qui ne fit jamais aucune oeuvre servile, paya cependant l’impôt et la capitation, parce qu’il avait revêtu la forme d’esclave par amour pour les hommes. — S. Jérôme. Je ne sais ce que je dois en premier lieu admirer ici, ou la prescience ou la puissance du Sauveur : la prescience, qui lui fit connaître qu’un poisson avait une pièce de monnaie dans la bouche et que ce poisson devait être le premier pris ; sa puissance, si une seule parole a suffi pour créer cette pièce de monnaie dans la bouche d’un poisson et s’il a été ainsi l’auteur de ce qui devait arriver. Jésus-Christ, dans son excessive charité, a donc souffert la mort de la croix et payé les impôts, et nous, malheureux que nous sommes, qui portons le nom du Christ et qui n’avons jamais rien fait de digne d’une si grande majesté, nous sommes affranchis du tribut par honneur pour lui, et exempts d’impôts comme les fils des rois. Ces paroles, comprises dans leur sens le plus simple, sont encore un sujet d’édification pour ceux qui les entendent et qui apprennent ainsi que Notre-Seigneur fut si pauvre, qu’il n’avait pas de quoi payer l’impôt pour lui et pour son disciple. On nous objectera peut-être : Mais alors comment Judas pouvait-il porter de l’argent dans une bourse ? Nous répondons que Jésus regarda comme un crime d’appliquer à son usage l’argent destiné aux pauvres et qu’il nous a donné cet exemple à imiter. — S. Chrys. Ou bien il ne veut pas qu’on prenne de l’argent qui est en réserve pour montrer que son empire s’étend sur la mer et sur les poissons qui l’habitent. — Origène. Ou bien, comme Jésus ne portait pas de pièce de monnaie à l’effigie de César, parce que le prince de ce monde n’avait aucun droit sur lui, il prit une pièce de monnaie à l’image de César non dans ce qui pouvait lui appartenir, mais dans le sein de la mer ; et encore il n’alla pas la chercher lui-même et n’en fit pas sa propriété, afin qu’on ne pût trouver l’effigie de César auprès de l’image du Dieu invisible. Voyez quelle prudence dans la conduite de Jésus-Christ : il ne refuse pas le tribut, il ne veut pas non plus qu’on le paie de la manière ordinaire ; mais il fait d’abord remarquer qu’il n’y est pas soumis, et c’est alors seulement qu’il le paie. Ainsi, d’un côté il commande de payer l’impôt pour ne pas scandaliser ceux qui sont chargés de le percevoir, et il montre, de l’autre, qu’il n’y est pas soumis pour ne pas scandaliser ses disciples. Dans une autre circonstance, nous le voyons mépriser le scandale que pouvaient prendre les pharisiens de sa doctrine sur les aliments, et il nous enseigne par là à discerner les circonstances où il faut ne faire aucune attention à ceux qui se scandalisent et celles où il faut en tenir compte. — S. Grég. (hom. 7 sur Ezech.) Remarquons, en effet, que nous devons, autant que nous le pouvons sans péché, éviter de scandaliser le prochain ; mais si c’est la vérité même qui donne lieu au scandale, il vaut mieux le permettre que de sacrifier la vérité — S. Chrys. (hom. 58.) La puissance du Christ vous paraît ici admirable ; mais admirez également la foi de Pierre, qui obéit dans une chose aussi difficile. Aussi Notre-Seigneur, voulant récompenser sa foi, daigne se l’associer dans le paiement de l’impôt, ce qui fut pour Pierre un témoignage insigne d’honneur. « Ouvrez la bouche de ce poisson, lui dit-il ; vous y trouverez une pièce d’argent de quatre drachmes ; donnez-la pour vous et pour moi. » — La glose. C’était la coutume que chacun payât pour soi un didrachme, et le statère valait deux drachmes.

Origène. Dans le sens figuré, Notre-Seigneur, dans le champ de la consolation (car c’est ce que signifie le mot Capharnaüm), console tous ses disciples, les déclare des enfants libres et leur donne le pouvoir de pêcher ce premier poisson dans lequel Pierre trouve sa consolation, comme dans le fruit de sa pêche. — S. Hil. En commandant à Pierre d’aller pêcher le premier poisson, le Seigneur nous déclare que d’autres viendront à la suite. Le bienheureux Etienne, le premier des martyrs, est le premier tiré de l’eau, et il a dans la bouche le didrachme de la prédication nouvelle, de la valeur de deux deniers, car il prêchait en contemplant dans son martyre la gloire de Dieu et Notre-Seigneur Jésus-Christ. — S. Jérôme. Ou bien le premier poisson qui est tiré de l’eau, c’est le premier Adam qui est délivré par le second Adam ; et ce qui est trouvé dans sa bouche, c’est-à-dire dans sa confession, est donné à la fois pour Pierre et pour le Seigneur. — Origène. Lorsque vous verrez un avare corrigé par quelque nouveau Pierre qui lui aura retiré de la bouche le langage des intérêts de la terre ; vous pourrez dire qu’il a été tiré à l’aide du hameçon de la raison du sein de la mer, c’est-à-dire des flots des sollicitudes de l’avarice, et qu’il a été pris et sauvé par ce nouvel Apôtre qui lui a enseigné la vérité, et lui a donné à la place des deux drachmes l’image de Dieu, c’est-à-dire sa parole. — S. Jérôme. Il est à remarquer que c’est la même somme qui est payée, mais dans un sens différent ; car pour Pierre elle est payée comme pour un pécheur. Notre-Seigneur, au contraire, n’a commis aucun péché. Cependant, comme preuve qu’il avait une chair semblable à la nôtre, la même somme est payée pour le Seigneur et pour le serviteur.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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