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Mt  16  5-11

La glose. Notre-Seigneur avait abandonné les pharisiens en punition de leur incrédulité ; par une conséquence naturelle, il en­seigne à ses disciples qu’ils doivent éviter leur doctrine. « Or, ses disciples étant passés au delà du lac, avaient oublié de prendre des pains. — S. Rémi. Ils étaient si étroitement attachés à leur Maître, qu’ils ne pouvaient s’en séparer, même un instant. Remarquons encore combien les disciples de Jésus étaient loin de rechercher les délices de la vie, eux qui se préoccupaient si peu du nécessaire, qu’ils oubliaient même de prendre du pain, nourriture indispensable de notre faible nature.

« Il leur dit : Ayez soin de vous garder du levain des phari­siens, » etc. — S. Hil. Le Sauveur avertit ici les Apôtres de n’avoir aucun commerce avec la doctrine des Juifs ; car les œuvres de la loi n’avaient été ordonnées que pour recevoir leur accomplissement par la foi, et comme figure de ce qui devait se réaliser dans l’avenir. Ceux donc qui avaient le bonheur de vivre dans le temps où la vérité se manifestait sur la terre, devaient regarder comme désormais inutiles les figures de la vérité, de peur que la doctrine des pharisiens, qui ne connaissaient pas le Christ, ne vînt à corrompre les effets de la vérité de l’Évangile. — S. Jérôme. Celui qui se garde du levain des pharisiens cl des sadducéens, ne s’attache pas aux préceptes de la loi et de la lettre, et ne se met pas en peine des traditions humaines ; son unique souci c’est d’accomplir les commandements de Dieu. C’est là ce levain dont l’Apôtre a dit : « Un peu de levain corrompt toute la masse. » (1 Co 5 ; Ga 5.) Il faut à tout prix se garder d’un tel levain, qui est celui de Marcion, de Valentin, et de tous les hérétiques. Le levain a une force telle, que si on le mêle à la farine en petite quantité, il se dé­veloppe bientôt, et communique la saveur qui lui est propre à toute la pâte à laquelle il se trouve mêlé ; il en est de même de la doctrine des hérétiques : quelque faible que soit l’étincelle qu’elle aura jetée dans votre cœur, vous la verrez bientôt produire un grand incendie qui envahit l’homme tout entier. — S. Chrys. (hom. 54.) Mais pourquoi le Sauveur ne leur dit-il pas ouvertement : « Gardez-vous de la doctrine des pharisiens ? » parce qu’il veut leur rappeler le miracle de la multiplication des pains qui vient d’avoir lieu. Il savait qu’ils l’a­vaient oublié, et comme il ne jugeait pas à propos de leur reprocher directement cet oubli, il profite de l’occasion qu’ils lui présentent pour leur rendre ce reproche plus supportable. C’est pour cela que l’Évangéliste nous dévoile ce qui se passait dans leur âme : « Et ils pensaient entre eux, et disaient : Nous n’avons pas pris de pains. » — S. Jérôme. Comment se fait-il qu’ils étaient sans pain, eux qui, après en avoir rempli sept corbeilles, montent dans la barque, viennent sur les fron­tières de Magedan et entendent Jésus leur dire pendant la traversée, qu’ils doivent se garder du levain des pharisiens et des sadducéens ? Nous répondons à cette question que l’Écriture affirme qu’ils avaient oublié de prendre des pains avec eux.

S. Chrys. (hom. 54.) Comme les Apôtres se traînaient encore dans l’attachement aux observances judaïques, Notre-Seigneur leur en fait un vif reproche dans la pensée d’être utile à tous les autres. « Ce que Jésus connaissant, il leur dit : Pourquoi vous entretenez-vous ensemble que vous n’avez point de pain, » hommes de peu de foi ? — La glose. C’est-à-dire pourquoi pensez-vous que j’ai voulu parler de ces pains matériels, au sujet desquels vous ne devez avoir aucun doute après qu’un si petit nombre de pains a produit des restes si considérables ? — S. Chrys. (hom. 54.) Son dessein, ici, est de les affranchir de toute inquiétude pour la nourriture. Mais pourquoi ne leur a-t-il pas adressé ce reproche lorsqu’ils lui exprimèrent cette pensée de défiance : « Comment pourrons-nous trouver un si grand nombre de pains dans le désert ? » Il semble qu’il eût été mieux placé dans cette circonstance. Cependant Notre-Seigneur ne les reprend pas alors, pour ne point paraître prendre l’initiative des miracles qu’il opère, et aussi pour que le peuple ne fût pas témoin des reproches qu’il leur adressait. Ces re­proches, d’ailleurs, furent bien plus motivés lorsque après le double miracle de la multiplication des pains, il les voit encore inquiets de leur nourriture. Mais voyez quelle douceur dans ce reproche. Il ré­pond lui-même comme pour excuser ceux qu’il vient de reprendre, en ajoutant : « Ne comprenez-vous point encore, et ne vous souvient-il point que cinq pains ont suffi pour cinq mille hommes, et combien vous avez remporté de paniers ? et que sept pains ont suffi pour quatre mille hommes ? » etc. — La glose. C’est-à-dire : « Est-ce que vous ne comprenez pas ce mystère ? Est-ce que vous n’avez pas conservé le souvenir de ma puissance ? » — S. Chrys. Il leur remet ainsi en mémoire les miracles qui avaient eu lieu, et les rend plus attentifs à ceux qui doivent suivre.

S. Jérôme. En leur adressant ce reproche ; « Pourquoi ne comprenez-vous pas ? » il veut leur apprendre en même temps ce que signifient les cinq pains, et ensuite les sept autres qui furent multipliés ; et encore les cinq mille hommes, et après les quatre mille qu’il nourrit dans le désert. Car si le levain des pharisiens et des sadducéens ne si­gnifie pas le pain matériel, mais les traditions corrompues et les dogmes des hérétiques, pourquoi les pains qui servirent à nourrir le peuple de Dieu ne figureraient-ils pas la doctrine pure et véritable ? — S. Chrys. (hom. 54.) Si vous voulez connaître l’efficacité du re­proche de Jésus sur ses disciples, et comment il réveilla leur âme en­dormie, écoutez ce que dit l’Évangéliste : « Ils comprirent alors qu’il ne leur avait pas dit de se garder du levain qu’on met dans le pain, mais de la doctrine des pharisiens et des sadducéens, » bien que Jésus ne leur ait pas donné cette explication. Le reproche du Seigneur les sépare des observances judaïques, leur fait secouer leur indifférence, les rend plus attentifs, et fortifie leur foi encore si faible. Et s’il leur arrive maintenant d’être presque sans pain, ils seront sans crainte, et apprendront à mépriser jusqu’aux nécessités de la vie.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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