Accueil > Bibliothèque > La Chaîne d’or > Évangile selon saint Matthieu > chapitre 16, versets 1-4
S. Rémi. « Les pharisiens et les sadducéens s’approchèrent de lui, » etc. Etonnant aveuglement des pharisiens et des sadducéens ! Ils demandent un prodige dans le ciel, comme si les faits dont ils étaient témoins n’étaient pas de véritables prodiges. Saint Jean nous apprend (Jn 6) quelle espèce de miracle ils lui demandaient, en rapportant qu’après que Jésus eut nourri le peuple avec cinq pains, le peuple s’approcha de lui, et lui dit : « Quel miracle faites-vous, afin que nous le voyions et que nous croyions en vous ? » Nos pères ont mangé la manne dans le désert, ainsi qu’il est écrit : Il leur a donné à manger le pain du ciel. (PS. 77.) C’est dans ce même sens que les pharisiens lui disent ici : « Faites-nous voir un prodige dans le ciel, » c’est-à-dire faites tomber la manne un ou deux jours de suite, afin que tout le peuple soit rassasié, comme cela s’est fait si longtemps dans le désert. Mais le Sauveur qui, comme Dieu, pénétrait leurs pensées, et savait bien qu’alors même qu’il ferait paraître à leurs yeux un prodige dans le ciel » ils ne croiraient pas davantage, ne voulut pas leur donner le signe qu’ils demandaient. « Il leur répondit : Le soir vous dites : Il fera beau, » etc. — S. Jérôme. Cette phrase manque dans plusieurs des exemplaires grecs. Le sens, d’ailleurs, en est clair, c’est-à-dire que d’après les phénomènes réguliers des éléments, on peut prédire d’avance le beau temps et les jours de pluie. Mais les scribes et les pharisiens qui paraissaient être les docteurs de la loi, ne pouvaient reconnaître dans les oracles des prophètes le temps de la venue du Christ. — S. Augustin. (Quest. évang., 1, 20.) Ces paroles du Seigneur : « Le soir vous dites : Il fera beau, car le ciel est rouge, » peuvent signifier que la rémission des péchés est accordée dans le premier avènement par le sang que Jésus-Christ a versé dans sa passion ; et les autres : « Le matin vous dites : il y aura de l’orage aujourd’hui, car le ciel est d’un rouge sombre, » que dans le second avènement le Christ sera précédé par le feu. — La glose. Ou bien dans un autre sens, le ciel est sombre et rougeâtre, c’est-à-dire les Apôtres auront à souffrir après ma résurrection, et vous pouvez savoir qu’après eux, je dois exercer mon jugement ; car si je n’épargne pas les souffrances à mes serviteurs, à plus forte raison ne les épargnerai-je pas aux autres un jour à venir.
« Vous savez donc discerner les différentes apparences du ciel, et vous ne savez pas reconnaître les signes des temps ? » — Raban. Ces signes des temps sont dans la pensée, du Seigneur, son avènement ou sa passion qui nous sont représentés par un ciel qui est rouge le soir ; et la tribulation qui précédera son second avènement, figurée par un ciel qui, le matin, est sombre et rougeâtre.
S. Chrys. (hom. 54.) De même que dans le ciel les signes qui annoncent le beau temps sont différents de ceux qui présagent la pluie, ainsi en est-il de ce qui me concerne. Maintenant, dans mon premier avènement, il est nécessaire que j’opère ces prodiges qui éclatent sur la terre, ceux qui auront le ciel pour théâtre sont réservés pour mon second avènement. Je suis venu actuellement comme un médecin alors je viendrai comme un juge. C’est pour cela qu’aujourd’hui je suis venu en voilant ma divinité ; alors je viendrai avec un grand éclat, et toutes les puissances du ciel seront ébranlées. Mais le temps de ces prodiges n’est pas encore arrivé ; car je suis venu pour mourir, et souffrir auparavant toutes les ignominies. Cette génération corrompue et adultère demande un prodige, et il ne lui sera pas donné. — S. Augustin. (de l’accord des Evang.) Saint Matthieu a déjà rapporté ces mêmes paroles (Mt 12), ce qui doit nous convaincre que le Seigneur a souvent dit plusieurs fois la même chose ; et lorsque nous ne pouvons faire disparaître la contradiction qui existe entre deux récits, nous devons en conclure que ces paroles ont été dites dans deux circonstances différentes. — La glose. Il les appelle génération corrompue et adultère, c’est-à-dire, n’ayant qu’une intelligence charnelle, incapable de comprendre les choses spirituelles. — Raban. Le Seigneur ne donnera donc point à cette génération qui le tente de prodige dans le ciel, comme ils le demandent, eux qu’il a rendus témoins de tant de prodiges sur la terre ; mais il réserve ces prodiges pour la génération de ceux qui cherchent le Seigneur (Ps 23, 6 ; Ps 99, 9.10), c’est-à-dire pour les Apôtres qui le virent monter au ciel, et auxquels il envoya l’Esprit saint.
S. Jérôme. Nous avons dit plus haut ce que signifie ce prodige de Jonas (Mt 12.) — S. Chrys. (hom. 54.) Or, les pharisiens qui entendaient cette réponse pour la seconde fois auraient dû interroger le Sauveur, et lui demander quel était le sens de ces paroles ? Mais ils se sont gardés de faire cette demande au Seigneur dans le désir de s’instruire. C’est pourquoi Notre-Seigneur se sépare d’eux. « Et, les laissant là, il s’en alla. » — Raban. C’est-à-dire ayant quitté cette mauvaise génération des Juifs, il passa au delà du lac, et le peuple des Gentils le suivit. Et remarquez qu’il n’est point dit qu’il se retira après avoir renvoyé le peuple comme dans les autres circonstances, mais qu’il les abandonna, parce que l’erreur de l’incrédulité s’était emparée de leurs esprits orgueilleux.
Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.