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Mt  12  33-35

S. Chrys. (hom. 43.) Notre-Seigneur ne se contente pas de cette première réfutation, il veut les confondre par de nouvelles raisons. Ce n’est pas sans doute pour se justifier à leurs yeux, il l’avait fait suffisamment, mais pour changer les dispositions de leur cœur. Il leur dit donc : « Ou dites qu’un arbre est bon, » etc., paroles qui veulent dire : Personne d’entre vous n’a osé dire qu’il était mal de délivrer les hommes du démon. Toutefois, comme ils n’attaquaient pas les oeuvres elles-mêmes, mais qu’ils prétendaient que le démon en était l’auteur, il leur démontre que cette accusation est contraire à toutes les règles du raisonnement ainsi qu’à toutes les idées reçues, et que de pareilles inventions sont le comble de l’impudence. — S. Jérôme. Il les tient resserrés dans un raisonnement que les Grecs appellent αφυχτον et que nous pouvons appeler raisonnement qu’on ne peut éluder. Il les renferme comme dans un cercle d’où ils ne peuvent sortir et les presse par les deux faces de cet argument : Si le démon est mauvais, leur dit-il, il ne peut faire des actions qui soient bonnes ; et si les actions dont vous avez été témoins sont bonnes, le démon ne peut en être l’auteur, car il n’est pas possible que le bien puisse naître du mal ou le mal venir du bien. — S. Chrys. (hom. 43.) En effet, on juge l’arbre à son fruit, et non pas le fruit par l’arbre, comme le dit Notre-Seigneur lui-même : « Car c’est par le fruit que l’on connaît l’arbre. » — Bien que ce soit l’arbre qui produise le fruit, c’est cependant le fruit qui détermine l’espèce de l’arbre. Mais pour vous, vous faites le contraire. Vous ne trouvez rien à reprendre dans les oeuvres, et vous condamnez l’arbre en m’appelant possédé du démon.

S. Hil. (can. 12.) Il réfute donc les calomnies des Juifs qui, tout en comprenant que les oeuvres du Christ exigeaient une puissance divine, ne voulurent pas cependant reconnaître sa divinité ; mais en même temps il condamne tous ceux dont la foi pervertie devait dans la suite embrasser avec ardeur les différentes hérésies qui ont nié sa divinité et son unité de nature avec le Père, malheureux qui ne pouvaient, comme les Gentils, s’excuser sur leur ignorance, et qui cependant n’avaient pas la connaissance de la vérité. Cet arbre, c’est le Sauveur lui-même revêtu de la nature humaine, parce qu’en effet la fécondité intérieure de sa puissance se répand au dehors en fruits abondants et variés. Il faut donc faire un bon arbre avec de bons fruits, ou un arbre mauvais avec de mauvais fruits, non pas qu’un bon arbre puisse être mauvais ou qu’un mauvais arbre puisse être bon, mais par cette comparaison le Sauveur veut nous faire comprendre qu’il faut abandonner le Christ comme étant inutile, ou s’attacher à lui comme étant la source féconde de tout bon fruit. Vouloir prendre un moyen terme, attribuer quelques privilèges au Christ et nier ses qualités essentielles, le vénérer comme Dieu, et le dépouiller de son union substantielle avec Dieu, c’est un blasphème contre l’Esprit saint. Saisi d’admiration à la vue de la grandeur de ses oeuvres, vous n’osez pas lui refuser le nom de Dieu, et par je ne sais quelle mauvaise disposition de votre esprit vous lui contestez la noblesse de son origine en niant son unité de nature avec le Père. — S. Augustin. (serm. 12 sur les paroles du Seigneur.) Ou bien encore le Seigneur nous rappelle ici l’obligation d’être de bons arbres si nous voulons produire de bons fruits, car ces paroles : « Faites un bon arbre et que ses fruits soient bons » renferment un précepte salutaire auquel nous devons obéir, tandis que les paroles suivantes : « Faites un arbre mauvais et que ses fruits soient mauvais » ne nous imposent pas l’obligation d’agir de la sorte, mais nous avertissent d’éviter une pareille conduite. Notre-Seigneur avait ici en vue des hommes qui, tout mauvais qu’ils étaient, prétendaient pouvoir dire de bonnes choses ou faire de bonnes actions ; il leur déclare que cela est impossible, car il faut changer l’homme si l’on veut changer ses oeuvres ; si l’homme persiste dans ce qui le rend mauvais, il ne peut faire de bonnes oeuvres ; s’il persévère dans ce qui le rend bon, il ne peut en faire de mauvaises. Or, le Christ a trouvé tous les arbres mauvais, mais il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu à tous ceux qui croyaient en lui.

S. Chrys. (hom. 43.) Comme il défendait ici non pas ses intérêts, mais les oeuvres de l’Esprit saint, il leur adresse ces reproches justement mérités : « Race de vipères, comment pouvez-vous dire de bonnes choses, vous qui êtes mauvais ? » En leur parlant de la sorte, il accuse leur conduite et tout à la fois il la fait servir de preuve de ce qu’il vient de dire. Vous qui êtes de mauvais arbres, semble-t-il leur dire, vous ne pouvez pas porter de bons fruits : je ne suis donc pas étonné que vous parliez de la sorte, car vos pères étaient vicieux, votre éducation a été mauvaise, et vous avez une âme portée au mal. Remarquez qu’il ne dit pas : « Comment pouvez-vous dire de bonnes choses alors que vous êtes une race de vipères ? » car voici la construction naturelle de la phrase : « Comment pouvez-vous dire de bonnes choses, étant mauvais comme vous l’êtes ? » Il les appelle race de vipères parce qu’ils se glorifiaient de leurs ancêtres et, pour anéantir leur orgueil, il les sépare de la race d’Abraham et leur déclare que leurs aïeux leur ressemblaient. — Raban. Ou bien en les appelant race de vipères il veut dire qu’ils sont les enfants et les imitateurs du démon, eux qui interprètent ses actions en mauvaise part, ce qui est le propre du démon.

« La bouche parle de l’abondance du cœur. » Un homme parle de l’abondance du cœur quand il connaît l’intention qui le fait parler, vérité que le Sauveur développe plus clairement en ajoutant : « L’homme qui est bon tire de bonnes choses de son bon trésor, et celui qui est mauvais tire de mauvaises choses d’un trésor mauvais. » Le trésor du cœur c’est l’intention que l’âme se propose et d’après laquelle le juge intérieur détermine le mérite de l’action ; c’est elle qui fait que des actions éclatantes ne reçoivent quelquefois qu’une légère récompense, et que, par suite de la négligence d’un cœur que la tiédeur domine, des actes de vertus héroïques sont faiblement récompensés par le Seigneur. — S. Chrys. (hom. 43.) Il donne encore ici une preuve de sa divinité qui pénètre le fond des cœurs, et il nous apprend que non-seulement les paroles coupables, mais les mauvaise pensées, recevront leur châtiment. Du reste, c’est une conséquence naturelle que l’excès de la malice du cœur se répande au dehors par les paroles qui sortent de la bouche. Aussi, lorsque vous entendez un homme proférer de mauvais discours, tenez pour certain que la malice de son âme est bien plus grande que ne l’indiquent ses paroles, car elles ne sont que l’exubérance de la corruption de son cœur ; c’est en cela que ce reproche est plus sévère et plus sensible pour les Juifs, car si leurs paroles sont si mauvaises, jugez combien la source d’où elles découlent doit être corrompue. Voici en effet ce qui arrive ordinairement : c’est que la langue, retenue par la honte, ne répand pas immédiatement tout son venin, tandis que le cœur, qui n’a aucun homme pour témoin de ses actes, se livre sans crainte à tout le mal qui se présente à la volonté, car Dieu est son moindre souci, et lorsque le mal déborde à l’intérieur, il se répand à l’extérieur par les paroles, ce qui fait dire au Seigneur : « C’est de l’abondance du cœur que la bouche parle ; » et encore : « L’homme tire ses paroles du trésor de son cœur. »

S. Jérôme. En disant : « L’homme qui est bon tire de bonnes choses d’un bon trésor, » le Sauveur fait voir aux Juifs coupables de blasphème à l’égard de Dieu dans quel trésor ils ont puisé ces blasphèmes ; ou bien cette pensée se rapporte à ce qui précède et leur montre que de même qu’un homme qui est bon ne peut dire de mauvaises choses, de même celui qui est mauvais ne peut en dire de bonnes ; ainsi le Christ ne peut faire de mauvaises oeuvres et le démon ne peut en faire de bonnes.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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