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Mt  11  28-30

S. Chrys. (hom. 39.) Le discours qui précède, et qui est plein de l’ineffable puissance du Sauveur, avait excité dans le cœur de ses disciples un vif désir de s’unir à lui ; il les appelle maintenant lui-même en leur disant : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et qui êtes chargés. » — S. Augustin. (serm. 10 sur les paroles du Seig.) Pourquoi tous, tant que nous sommes, nous fatiguons-nous ? C’est parce que nous sommes des hommes mortels, portant des vases de boue (2 Co 4, 7), cause pour nous de mille anxiétés. Mais si ces vases de chair nous tiennent à l’étroit, dilatons du moins en nous les espaces de la charité. Car pourquoi vous dit-il : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués, » si ce n’est pour que vous cessiez de l’être. — S. Hil. (can. 11.) Il appelle aussi à lui ceux qui souffraient des difficultés de la loi, et qui étaient accablés sous les lourds fardeaux du péché. — S. Jérôme. Que le péché soit un fardeau accablant, le prophète Zacharie l’atteste lorsqu’il nous représente l’iniquité assise sur une masse de plomb (Za 5) ; et le Psalmiste le confirme par son exemple (Ps 27), quand il dit : « Mes iniquités se sont appesanties sur moi. »

S. Grég. (Moral. 30, 12.) C’est un joug bien rude, c’est un bien dur esclavage que de se soumettre volontairement aux choses du temps, de rechercher avec empressement les biens de la terre, de s’efforcer de retenir ce qui nous échappe, de vouloir se fixer sur un terrain sans consistance, de désirer les choses passagères, et de ne pas vouloir passer avec elles. Car, tandis qu’elles fuient toutes contre notre volonté, nous sommes profondément affectés et accablés de leur perte, après avoir été tourmentés du désir de les posséder.

S. Chrys. (hom. 39.) Il ne dit pas : Que celui-ci ou celui-là vienne à moi, mais : Venez, vous tous qui vivez dans l’anxiété, dans la tristesse, dans le péché ; venez, non pour recevoir le châtiment de vos péchés, mais pour en être délivrés ; venez, non pas que j’ai besoin de la gloire que vous pouvez me procurer, mais parce que je veux votre salut ; c’est pour cela qu’il ajoute : « Et je vous rétablirai. » Il ne dit pas simplement : Je vous sauverai, mais ce qui est beaucoup plus je vous rétablirai, c’est-à-dire je vous ferai jouir d’un repos complet. — Raban. Non-seulement je vous déchargerai, mais je vous rassasierai de mes consolations intérieures. — S. Rémi. « Venez, » nous dit-il, non en dirigeant vos pas vers moi, mais toute votre vie, par le mouvement de la foi et non par celui du corps ; car l’accès que Dieu nous donne près de lui est tout spirituel. Il ajoute : « Prenez mon joug sur vous. » — Raban. Le joug du Christ, c’est son Évangile qui unit et associe les Juifs et les Gentils. Il nous ordonne de prendre ce joug sur nous, c’est-à-dire de le traiter avec honneur, de peur qu’en le mettant au-dessous de nous, c’est-à-dire en n’ayant que du mépris pour lui, nous ne venions à le fouler sous les pieds fangeux des vices ; c’est pour cela qu’il ajoute : « Apprenez de moi. » S. Augustin. (serm. 10 sur les paroles da Seig.) Apprenez de moi, non pas à créer l’univers, à faire des miracles dans ce monde, mais apprenez que je suis doux et humble de cœur. Voulez-vous devenir grand ? commencez par les plus petites choses. Vous proposez-vous de construire un édifice d’une hauteur prodigieuse ? occupez-vous tout d’abord d’asseoir les fondements à une grande profondeur ; plus l’édifice doit être élevé, plus les fondements que l’on creuse doivent être profonds. Or, jusqu’où doit s’élever le sommet de l’édifice que nous voulons construire ? Jusque sous les regards de Dieu.

Raban. Il nous faut donc apprendre de notre Sauveur à avoir des moeurs douces et des sentiments humbles, à ne blesser personne, à ne mépriser personne et à posséder dans le fond de notre cœur les vertus dont nous pratiquons les oeuvres au dehors. — S. Chrys. (hom. 39.) C’est pour cela que Notre-Seigneur a commencé l’exposition de ses lois divines par l’humilité, et qu’il lui promet une magnifique récompense en ajoutant : « Et vous trouverez le repos de vos âmes. » C’est là, en effet, la plus grande récompense ; car c’est ainsi que non-seulement vous deviendrez utiles aux autres, mais que vous vous procurerez à vous-mêmes le repos intérieur. Il vous donne dès maintenant cette récompense, en attendant le repos éternel qu’il vous réserve dans l’avenir. — S. Chrys. (hom. 39.) Pour bannir tout sentiment de crainte que pourrait inspirer l’idée seule de joug et de fardeau, il s’empresse d’ajouter : « Mon joug est doux, et mon fardeau léger. » — S. Hil. (can. 11.) Il nous propose l’image souriante d’un joug suave et d’un fardeau léger, pour donner à ceux qui croiront en lui comme un pressentiment du bonheur que lui seul a vu dans le sein de son Père. — S. Grég. (Moral. 4.) Quel fardeau si lourd impose-t-il donc à nos âmes en nous commandant de fuir tout désir qui porte le trouble dans notre cœur, et en nous avertissant d’éviter les sentiers si difficiles de ce monde ? — S. Hil. Qu’y a-t-il, au contraire, de plus doux que ce joug, de plus léger que ce fardeau : s’abstenir de tout crime, vouloir le bien, repousser le mal, aimer tous les hommes, n’avoir de haine pour personne, chercher à mériter les biens éternels, ne pas se laisser séduire par les choses présentes, et ne jamais faire à un autre ce qu’on ne voudrait pas souffrir soi-même ?

Raban. Mais comment le joug du Christ peut-il être plein de douceur, alors que lui-même nous dit plus haut (Mt 7) : « La voie qui conduit à la vie est étroite ? » C’est que ce sentier étroit dans le commencement, s’élargit avec le temps par les ineffables délices de la charité. — S. Augustin. (serm. sur les paroles du Seig.) Disons encore que ceux qui ont pris sur eux avec courage le joug du Seigneur, ont à courir des dangers si considérables, qu’on peut dire avec vérité qu’ils ne passent jamais du travail au repos, mais toujours du repos au travail, ainsi que l’Apôtre le dit de lui-même. (2 Co 6.) Cependant l’Esprit saint était avec lui pour renouveler de jour en jour l’homme intérieur, au milieu des ruines toujours croissantes de l’homme extérieur, et grâce au repos spirituel qu’il fait goûter à l’âme, à l’abondance des délices toutes divines qu’il répand dans les cœurs, à l’espérance du bonheur éternel qu’il nous donne, il adoucissait pour lui toutes les rigueurs, et allégeait tous les fardeaux accablants de la vie présente. Les hommes consentent à être déchirés ou brûlés pour racheter, au prix de douleurs aiguës, non-seulement les douleurs éternelles, mais les souffrances prolongées de cette vie. Quelles tempêtes, quelles tourmentes n’ont pas affrontées les marchands pour acquérir des richesses grosses elles-mêmes d’orages ? D’ailleurs ceux qui ne les aiment pas ont à supporter les mêmes peines, et ceux qui les aiment, tout en les supportant, ne s’en trouvent pas accablés. Il en est ainsi de toutes les autres épreuves ; car l’amour rend facile et réduit presque à rien ce qu’il y a de plus terrible et de plus affreux. Combien plus sera-t-il donc vrai de dire que la charité rend facile le chemin qui conduit au vrai bonheur, lorsque la cupidité rend facile autant qu’elle le peut celui qui n’aboutit qu’à la misère ? — S. Jérôme. Comment peut-on dire que l’Évangile est un joug plus léger que la loi, alors qu’il punit la colère et la simple convoitise, tandis que la loi n’atteint que l’homicide et l’adultère ? C’est que la loi renferme un grand nombre de préceptes dont l’Apôtre déclare ouvertement l’accomplissement impossible. La loi exige les oeuvres ; l’Evangile demande surtout la volonté, et, n’eût-elle pas son effet, elle ne perd pas sa récompense. L’Evangile nous commande ce qui nous est possible, c’est-à-dire de ne pas nourrir de mauvais désirs, ce qui dépend de notre volonté ; la loi, qui n’atteint pas la volonté, punit seulement le fait pour vous détourner de l’adultère. Supposez qu’une vierge soit outragée dans une persécution, l’Évangile la recevra comme vierge, parce que sa volonté n’a pas consenti au péché, tandis que la loi la rejettera comme ayant perdu son honneur.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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