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Mt  10  26-28

S. Rémi. A cette première consolation, le Sauveur en ajoute une autre qui n’est pas moins grande : « Ne les craignez donc pas, » c’est-à-dire les persécuteurs. Et pourquoi ne doivent-ils pas les craindre ? « Parce qu’il n’y a rien de caché qui ne doive être découvert. » — S. Jérôme. Comment donc alors les vices d’un si grand nombre demeurent-ils cachés pendant cette vie ? Notre-Seigneur veut parler ici du temps à venir. Lorsque le Seigneur jugera ce qui est caché dans le cœur des hommes (1 CO 4, 5), il portera la lumière dans les retraites les plus ténébreuses, et découvrira les plus secrètes pensées des cœurs. Tel est donc le sens de ces paroles : « Ne craignez ni la cruauté des persécuteurs, ni la rage des blasphémateurs, car viendra le jour du jugement qui mettra en évidence votre vertu et leur malice. — S. Hil. (can. 10 sur S. Matth.) Il leur recommande donc de ne craindre ni les menaces, ni les outrages, ni la puissance des persécuteurs, parce que le jour du jugement dévoilera le néant et la faiblesse de leurs entreprises. — S. Chrys. (hom. 35.) Ou bien encore, au premier abord, les paroles du Sauveur présentent un sens général ; toutefois, on ne doit les entendre que de ce qui précède, dans ce sens : « S’il vous est pénible d’être en butte aux outrages, pensez que vous ne tarderez pas à être délivrés de cette épreuve. Ils vous prodigueront les noms injurieux de devins, de magiciens et de séducteurs ; mais attendez un peu, et tous vous proclameront à l’envi les sauveurs de l’univers, alors que par vos oeuvres vous en paraîtrez les bienfaiteurs, et les hommes cesseront de s’arrêter à leurs discours pour ne plus s’occuper que de la vérité des faits.

S. Rémi. Il en est qui prétendent que Notre-Seigneur promet ici à ses disciples de révéler par eux tous les mystères cachés qui demeuraient voilés sous la lettre de la loi ; ce qui faisait dire à l’Apôtre : « Lorsqu’ils seront convertis à Jésus-Christ, le voile sera levé. » Tel serait donc le sens de ces paroles : « Pourquoi craindriez-vous vos persécuteurs, vous dont la dignité est si grande, puisque Dieu vous a choisis pour dévoiler les mystères de la loi et des prophètes. S. Chrys. (hom. 35.) Après les avoir délivrés de toute crainte, et les avoir rendus supérieurs aux opprobres, le moment est venu de leur parler de la liberté de la prédication ; c’est ce qu’il fait, en leur disant « Ce que je vous dis dans les ténèbres, » etc. S. Hil. Nous ne lisons nulle part que le Seigneur eût pour habitude de discourir pendant la nuit, et d’enseigner sa doctrine dans les ténèbres ; si donc il s’exprime ainsi, c’est que tous ses discours sont ténèbres pour les hommes charnels, et que sa parole est comme la nuit pour les infidèles. Il faut donc prêcher ses divins enseignements avec toute la liberté de la foi et de la prédication. — S. Rémi. Voici donc le sens de ces paroles : « Ce que je vous dis dans les ténèbres, » c’est-à-dire au milieu des Juifs incrédules, « dites-le à la lumière, » c’est-à-dire devant les fidèles ; et « ce que vous entendez à l’oreille, » c’est-à-dire ce que je vous dis en secret, « prêchez-le sur les toits, » c’est-à-dire en public et devant tout le monde. L’expression parler à l’oreille, dans le langage ordinaire, veut dire parler en secret.

Raban. Ces paroles : « Prêchez sur les toits, » sont une allusion à ce qui se fait dans la Palestine, où les toits servent d’habitation, parce qu’ils ne sont point terminés en pointe comme les nôtres, mais présentent une surface plane. Prêcher sur les toits, c’est donc prêcher publiquement, devant un grand nombre d’auditeurs. — La glose. Ou bien encore : « Ce que je vous dis dans les ténèbres, » c’est-à-dire pendant que vous êtes encore sujets à une crainte toute humaine ; « dites-le en plein jour, » c’est-à-dire avec la confiance que donne la vérité lorsque l’Esprit vous aura inondé de sa lumière ; « et ce que l’on vous dit à l’oreille, » c’est-à-dire ce que vous percevez par l’ouïe seule, « prêchez-le par les oeuvres, tandis que vous habitez sur les toits, » c’est-à-dire dans vos corps qui sont la demeure de vos âmes. — S. Jérôme. Ou bien encore : « Ce que je vous dis dans les ténèbres, prêchez-le en plein jour, » c’est-à-dire, ce que je vous dis dans le mystère, prêchez-le à découvert ; « et ce que vous entendez à l’oreille, prêchez-le sur les toits, » c’est-à-dire ce que je vous ai enseigné dans un endroit resserré de la Judée, annoncez-le sans crainte à toutes les villes du monde entier.

S. Chrys. (hom. 35.) Le Sauveur nous montre ici que c’est lui qui opère toutes ces oeuvres par ses Apôtres, et de beaucoup plus grandes qu’il n’en a faites lui-même, comme il le dit ailleurs : « Celui qui croit en moi fera les oeuvres que je fais, et il en fera même de plus grandes, » ce qui revient à dire : J’ai commencé par agir moi-même, mais c’est par vous que je veux accomplir ce qu’il y a de plus grand, paroles qui ne renferment pas seulement un commandement, mais une prédiction de l’avenir, et apprennent aux Apôtres qu’ils triompheront de tous les obstacles.

S. Hil. Il faut donc répandre continuellement la connaissance de Dieu, et révéler par la lumière de la prédication le profond secret de la doctrine évangélique, sans craindre nullement ceux qui n’ont de puissance que sur nos corps, et n’en ont aucune sur nos âmes ; c’est pour cela que le Sauveur ajoute : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l’âme. — S. Chrys. (hom. 35.) Voyez comme il les rend supérieurs à tout, en leur persuadant de mépriser non-seulement toute sollicitude, les calomnies, les périls, mais encore ce qu’il y a de plus terrible, la mort elle-même, et de tout sacrifier à la crainte de Dieu. « Craignez plutôt, ajoute-t-il, celui qui peut envoyer votre corps et votre âme dans l’enfer. »

S. Jérôme. Le nom de géhenne ne se trouve pas dans les livres de l’ancienne loi, et c’est le Sauveur qui l’a employé le premier ; examinons à quelle occasion. Nous lisons en plusieurs endroits de l’Écriture (2 Par 24 ; 3 R 16) qu’il y avait une idole de Baal près de Jérusalem, au pied du mont Moria, là où coule la fontaine de Siloë. Cette vallée, qui forme une petite plaine, était arrosée de plusieurs ruisseaux, ombragée et pleine de charmes ; elle renfermait un bois consacré à cette idole. Le peuple d’Israël en était venu à cet excès de folie d’abandonner les parvis du temple pour venir immoler des victimes dans cette vallée, oublier au milieu de ses délices la sévérité de la vraie religion, et brûler ses enfants offerts comme victimes au démon. Ce lieu s’appelait Géhennon ou la vallée des fils d’Ennon (4 R 23, 10 ; 2 Par 16, 3 ; Jos 15, 8 ; Jr 7, 31 ; 19, 2.6). Ce nom se trouve souvent répété dans les livres des Rois, dans les Paralipomènes et dans Jérémie. Dieu y menace son peuple de remplir de cadavres ce lieu, qu’on n’appellera plus Tophet et Baal, mais Polyandrium, c’est-à-dire le tombeau des morts. Notre-Seigneur se sert donc de ce nom pour exprimer les supplices et les châtiments éternels qui attendent les pécheurs. — S. Augustin. (Cité de Dieu, 13, 2.) Ces supplices ne commenceront pour le corps et pour l’âme à la fois, que lorsque l’âme sera réunie au corps d’une union qui ne pourra plus être brisée. Et cependant cet état est justement appelé la mort de l’âme, parce qu’alors elle ne vivra plus de la vie de Dieu, et la mort du corps, parce que sous le coup de cette éternelle damnation, bien que l’homme conserve le sentiment, ce sentiment n’étant plus pour son cœur la source d’aucune douceur, d’aucun repos, mais un principe de douleur et de peine, cet état mérite d’être appelé bien plutôt un état de mort qu’un état de vie. — S. Chrys. (hom. 35.) Remarquez encore qu’il ne leur promet pas de les affranchir de la mort, mais qu’il leur conseille de la mépriser, ce qui est bien plus grand que d’en être délivré, et que dans ce même discours il imprime dans leur âme la croyance de l’immortalité.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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