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Mc  8  10-21

Théophile. Après ce second miracle de la multiplication des pains, Notre-Seigneur Jésus-Christ se retire dans un autre endroit, dans la crainte qu’à la suite de ce miracle, le peuple ne se saisit de sa personne pour le faire roi : " Et montant aussitôt dans une barque avec ses disciples, il vint dans le pays de Dalmanutha (Mc 8, 10 ; Mt 15, 39). " — S. Augustin. (De l’acc. des Evang., 20, 51.) On lit dans saint Matthieu, qu’il vint sur les confins de Magedan, mais nul doute que ce ne soit le même lieu sous un nom différent, car la plupart des manuscrits de l’Evangile selon saint Marc portent le nom de Magedan.

" Et les pharisiens l’étant venu trouver, commencèrent à disputer avec lui, lui demandant pour le tenter, un signe du ciel, " — Bède. Les pharisiens lui demandent un signe du ciel, c’est-à-dire, que puisqu’il a nourri avec quelques pains plusieurs milliers de personnes, il renouvelle dans les derniers temps le miracle de Moïse, en nourrissant le peuple avec la manne qu’il ferait tomber du ciel et qui couvrirait toute l’étendue de la contrée. C’est cette demande qu’ils lui font aussi dans l’Evangile selon saint Jean, lorsqu’ils lui disent : " Quel miracle faites-vous, pour que le voyant, nous croyions en vous ? Nos pères ont mangé la manne dans le désert, selon qu’il est écrit (Ex 6, 15 ; Ps 77, 24 ; 104, 40). Il leur a donné à manger le pain du ciel. " — Théophile. Ou bien le miracle qu’ils lui demandent du ciel, c’est qu’il arrête le cours du soleil et de la lune, qu’il fasse tomber de la grêle et change l’état de l’atmosphère, car ils ne croyaient pas qu’il pût opérer un prodige de ce genre, et ils pensaient qu’il ne pouvait faire de miracles que sur la terre et encore à l’aide de Béelzébub.

Bède. Nous avons vu précédemment le Sauveur rendre grâces à Dieu avant de nourrir cette multitude qui croyait en lui ; ici cette demande insensée des pharisiens lui arrache un profond soupir. C’est qu’en effet, il a pris sur lui les sentiments de notre nature, et qu’il s’attriste des erreurs des hommes, comme il se réjouit de leur salut : " Et poussant un profond soupir, il dit : Pourquoi cette génération demande-t-elle un prodige ? en vérité, je vous le dis, s’il sera donné un prodige à cette génération, " c’est-à-dire, il ne lui en sera point donné, comme dans ces paroles du Roi-prophète : " Je l’ai juré une fois par ma sainteté, si je mens à David, " (Ps 88), c’est-à-dire, je ne lui mentirai pas. — S. Augustin. (De l’acc. des Evang.) Saint Marc ne prête pas à Notre-Seigneur la même réponse que saint Matthieu, d’après lequel il leur déclare qu’ils n’auront point d’autre prodige que celui de Jonas, tandis qu’ici il leur répond qu’il ne leur en sera donné aucun, c’est-à-dire, il ne leur en sera point donné comme ils en demandaient, et cette explication fait disparaître toute difficulté ; saint Marc a tout simplement omis de parler du miracle de Jonas, dont saint Matthieu a fait mention.

Théophile. Notre-Seigneur ne se rend pas à leur demande, parce que le temps des prodiges qui auront lieu dans le ciel sera tout autre, ce sera le temps du second avènement où les vertus des cieux seront ébranlées, et où la lune ne donnera plus sa lumière (Mt 24, 29), tandis que le premier avènement ne doit point être accompagné de prodiges semblables, car tout y est plein de mansuétude. — Bède. D’ailleurs, cette génération qui venait tenter le Seigneur, ne méritait pas d’obtenir ce prodige du ciel, et le Sauveur le réservait à la génération qui cherche le Seigneur (Ps 23, 6), c’est-à-dire, à ses apôtres, qu’il rendit témoins de son ascension au plus haut des cieux.

" Et les laissant, il remonta dans la barque, et passa de l’autre côté de la mer. " — Théophile. Il abandonne les pharisiens comme incapables d’être ramenés au bien ; il faut insister en effet tant qu’il y a espoir de retour, mais quand le mal est irrémédiable, il n’y a plus qu’à se retirer.

" Or, les disciples oublièrent de prendre des pains, et ils n’avaient qu’un seul pain avec eux. " — Bède. Mais comment peut-il se faire qu’ils n’avaient pas de pain, eux qui montèrent dans la barque aussitôt après en avoir rempli sept corbeilles. Il faut nous en tenir à la sainte Ecriture, qui atteste qu’ils oublièrent de prendre des pains avec eux (Mt 16) ; preuve du peu de soin que les Apôtres prenaient en général de leur corps, puisque le zèle avec lequel ils suivent le Seigneur, ne laisse dans leur âme aucune place aux préoccupations du besoin le plus légitime, celui de la nourriture.

Théophile. C’est du reste par suite d’un dessein providentiel qu’ils oublièrent de prendre des pains avec eux. Jésus voulait que le reproche qu’il leur ferait, les rendit meilleurs, et les fît parvenir à une connaissance plus exacte de sa divine puissance : " Et Jésus leur donna cet avertissement : Gardez-vous avec soin du levain des pharisiens et du levain d’Hérode. " — S. Chrys. Saint Matthieu dit : " Du levain des pharisiens et des sadducéens " (Mt 16) ; saint Marc : " Du levain des pharisiens et d’Hérode ; " saint Luc : " Du levain des pharisiens seulement " (Lc 12) Ces trois Evangélistes ont donc fait une mention expresse des pharisiens, comme étant les premiers dont il fallait se garder ; saint Matthieu et saint Marc se sont partagé ceux qui avaient un rôle secondaire, et saint Marc ajoute : " Du levain d’Hérode, " saint Matthieu ayant laissé à saint Marc de compléter son récit en parlant des hérodiens. Par cet avertissement, le Sauveur découvre peu à peu à ses disciples le sens et le but de cette recommandation. — Théophile. Le levain des pharisiens et des hérodiens, c’est leur doctrine remplie d’un venin corrupteur et mortel, et toute pleine d’une malice invétérée ; car il y avait des docteurs hérodiens qui prétendaient qu’Hérode était le Christ. — Bède. Ou bien le levain des pharisiens consiste à préférer les traditions humaines aux préceptes de la loi divine, à exalter la loi en paroles, et à la combattre par ses actions, à tenter le Seigneur et à refuser toute croyance à sa doctrine comme à ses oeuvres. Le levain d’Hérode, c’est l’adultère, l’homicide, le serment téméraire, l’hypocrisie en matière de religion, la haine de Jésus-Christ et de son saint précurseur.

Théophile. Mais les disciples crurent que le Seigneur leur parlait du levain ordinaire : " Et ils s’entretenaient entre eux en disant : Nous n’avons pas de pains. " En tenant ce langage, ils montraient qu’ils ne comprenaient pas la puissance de Jésus-Christ qui peut tirer des pains du néant, aussi le Sauveur leur en fait-il un reproche : " Ce qu’ayant connu, Jésus leur dit : Pourquoi vous entretenez-vous de ce que vous n’avez point de pains ? " — Bède. L’occasion qui a donné lieu à cette recommandation : Gardez-vous du levain des pharisiens et des hérodiens, nous donne en même temps l’explication allégorique des cinq pains et des sept pains multipliés par le Sauveur, ce qu’il rappelle en leur disant : " Ne vous souvenez-vous pas quand je rompis les cinq pains entre les cinq mille hommes, " etc. En effet, si le levain dont il vient déparier signifie les mauvaises traditions, pourquoi ces pains qui servirent à la nourriture du peuple de Dieu, ne seraient-ils pas la figure de la véritable doctrine ?

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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