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Mc  5  21-34

Théophyl. Après le miracle de la délivrance de ce possédé, Notre-Seigneur en opère un autre en ressuscitant la fille du chef de la synagogue et l’Evangéliste commence de la sorte le récit de ce miracle : " Et lorsque Jésus fut remonté dans la barque pour aller au delà de la mer. " — S. Augustin. (De l’accord des Evang., 2, 28.) Il faut donc entendre que la résurrection de la fille du chef de la synagogue eut lieu après que Jésus eut de nouveau repassé la mer ; mais combien de temps après, on ne le voit pas clairement. S’il n’y avait aucun intervalle, on ne saurait où placer le festin que saint Matthieu donna dans sa maison, et auquel succède immédiatement la résurrection de la fille du chef de la synagogue. En effet, cet Evangéliste a tellement lié les différentes parties de son récit, que la transition elle-même indique clairement que ce fait a eu lieu dans l’ordre qu’il lui assigne dans sa narration (Mt 9, 18).

" Et un chef de la synagogue, nommé Jaïre, vint le trouver. " — S. Chrys. L’Evangéliste donne le nom de cet homme, à cause des Juifs, pour qui ce nom devenait une preuve de plus du miracle qu’il allait opérer. — suite. " Et dès qu’il le vit, il se jeta à ses pieds, et il le suppliait avec de grandes instances, en lui disant : Ma fille est à l’extrémité. " D’après le récit de saint Matthieu, le chef de la synagogue apprend que sa fille est morte ; d’après le récit de saint Marc, qu’elle était gravement malade, et ce n’est que lorsque Jésus se préparait à le suivre, qu’on vient annoncer à cet homme que sa fille est vraiment morte. Le récit de saint Matthieu tend au même résultat qui était de prouver que Notre-Seigneur avait ressuscité cette fille lorsqu’elle était réellement morte, et c’est pour abréger qu’il dit tout d’abord qu’elle était morte, parce qu’il était certain qu’elle l’était lorsque Notre-Seigneur la rendit à la vie. — S. Augustin. (De l’accord des Evang., 2, 28.) Il s’attache moins aux paroles de cet homme qu’à la pensée qui remplissait son âme, car il avait tellement perdu tout espoir que ce qu’il désirait, c’était de la voir rendre à la vie, et il ne croyait pas que le Sauveur pût trouver encore vivante celle qu’il avait laissée presque mourante. — Théophile. Cet homme avait en partie la foi, puisqu’il tombe aux pieds de Jésus, mais cette foi n’était pas aussi grande qu’elle devait être, puisqu’il le suppliait de venir chez lui. Il devait simplement lui faire cette prière : " Dites une parole, et ma fille sera guérie. "

" Jésus s’en alla avec lui, et voici qu’une femme malade d’une perte de sang, " etc. — S. Chrys. Cette femme avait une espèce de célébrité et était connue de tous ; c’est pourquoi elle n’osait approcher publiquement du Sauveur, ni se présenter devant lui, parce que la loi la déclarait immonde. Elle s’approche donc par derrière et en secret, parce qu’elle n’osait le faire ouvertement, et encore ne touche-t-elle pas le vêtement, mais la frange du vêtement du Sauveur ; ce n’est pas du reste la frange du vêtement, mais ses dispositions intérieures qui ont été la cause de sa guérison.

" Car elle disait : Si je touche seulement son vêtement, je serai sauvée. " — Théophile. Voyez comme elle est pleine de foi : elle espère être guérie, si elle parvient à toucher seulement la frange du vêlement du Sauveur, et cette foi lui obtient sa guérison : " Et aussitôt la source du sang qu’elle perdait fut desséchée. " — S. Chrys. Jésus-Christ communique ses vertus et tous les dons de sa bienveillante volonté à tous ceux qui le touchent avec foi : " Et Jésus, connaissant en lui-même la vertu qui était sortie de lui, se retourna au milieu de la foule et dit : " Qui est-ce qui a touché mes vêtements ? " Les vertus du Sauveur sortent de sa personne divine, non d’une manière locale ou matérielle, et en cessant de demeurer en lui ; comme elles sont incorporelles, elles sortent de lui pour se communiquer aux autres ; mais sans cesser d’être dans celui d’où elles sont sorties, comme les connaissances que le docteur communique à ses disciples sans les perdre lui-même. Les paroles qui suivent : " Jésus connaissant en lui-même la vertu qui était sortie de lui, " nous apprennent que ce n’est pas à son insu que cette femme fut guérie, mais qu’il le savait fort bien. S’il fait cependant cette question : " Qui m’a touché ? " bien qu’il sut parfaitement que c’était cette femme, c’est pour faire connaître son action, proclamer sa foi, et graver dans l’esprit de tous le souvenir de cette action miraculeuse : " Et ses disciples lui disaient : Vous voyez cette foule qui vous presse de toutes parts et vous dites : Qui m’a touché ? " Le Sauveur avait demandé : " Qui m’a touché ? " c’est-à-dire par les sentiments du cœur et par la foi ; car cette foule qui me presse de toutes parts ne me touche pas véritablement, parce qu’elle ne s’approche de moi ni par l’esprit, ni par la foi.

" Et il regardait tout autour de lui pour voir celui qui l’avait touché. " Notre-Seigneur voulait faire connaître cette femme, d’abord pour donner des éloges à sa foi, puis pour inspirer au chef de la synagogue la confiance que sa fille serait guérie de la même manière, et dissiper en même temps la frayeur dont cette femme était saisie. Elle craignait, en effet, parce qu’elle venait pour ainsi dire de dérober sa guérison : " Et cette femme, saisie de crainte et de frayeur, " etc. — Bède. La question faite par le Sauveur tendait donc à faire avouer à cette femme sa longue infidélité, sa foi soudaine et sa guérison instantanée, et il voulait ainsi la confirmer dans la foi, et la donner en exemple aux autres : " Et il lui dit : Ma fille, votre foi vous a guérie. Allez en paix et soyez délivrée de votre maladie. " Il ne lui dit pas : " Votre foi sera la cause de votre guérison, mais elle vous guérit à l’instant, c’est-à-dire : " Du moment que vous avez cru, vous avez été guérie. " — S. Chrys. Il l’appelle sa fille, parce que c’est la foi qui a été le principe de sa guérison, et que c’est la foi en Jésus-Christ qui nous fait enfants de Dieu. — Théophile. Il lui dit : " Allez en paix, " c’est-à-dire : Soyez en repos, comme s’il lui disait : Allez, jouissez maintenant de la paix et du repos, vous qui jusqu’ici avez été dans les angoisses et les tourments. — S. Chrys. Ou bien encore, par ces paroles : " Allez en paix, " le Sauveur veut l’établir dans celui qui est la fin et la réunion de tous les biens, c’est-à-dire en Dieu qui habite dans la paix, et il vous apprend en même temps que cette femme a été non-seulement guérie dans son corps, mais affranchie des causes de sa maladie, c’est-à-dire de ses péchés.

S. Jérôme. Dans le sens mystique, Jaïre, chef de la synagogue, vient à Jésus après la guérison de cette femme, et il représente le peuple d’Israël qui sera sauvé, lorsque la plénitude des nations sera entrée dans l’Eglise (Rm 11). Le nom de Jaïre signifie qui illumine ou qui est illuminé, et il figure le peuple juif qui, sorti des ombres de la lettre, est inondé des lumières de l’Esprit saint, se prosterne aux pieds de Jésus-Christ (c’est-à-dire s’humilie devant l’incarnation du Verbe), et le prie de rendre la vie à sa fille, car celui qui a la vie en lui-même cherche à communiquer la vie aux autres. C’est ainsi qu’Abraham, Moïse et Samuel prient pour leur peuple frappé de mort spirituelle, et Jésus se rend à leurs prières.

Bède. Pendant que Notre-Seigneur se dirige vers la maison de Jaïre pour guérir sa fille, la foule le presse de toutes parts ; et c’est ainsi qu’au moment où il donne au peuple juif les enseignements du salut, il est comme accablé sous le poids des habitudes coupables de ce peuple charnel. Cette femme qui est atteinte d’une perte de sang et que le Seigneur guérit, représente l’Eglise qui a été formée des nations réunies ; car cette perte de sang peut très-bien s’entendre des souillures du culte des idoles et de tous les crimes qui ont pour objet les plaisirs de la chair et du sang. Or, tandis que le Verbe de Dieu se disposait à sauver le peuple juif, le peuple des nations, plein d’une ferme espérance, dérobe pour ainsi dire le salut préparé et promis à d’autres. — Théophile. On peut encore, dans cette hémorrhoïsse, voir la nature humaine ; car le péché, en nous donnant la mort, coulait pour ainsi dire en répandant le sang de notre âme. Un grand nombre de médecins (c’est-à-dire les sages de ce monde) avaient inutilement cherché à guérir cette femme. La loi et les prophètes avaient été également impuissants ; mais dès qu’elle a touché le bord du vêtement (c’est-à-dire la chair) de Jésus-Christ, elle est aussitôt guérie ; car toucher le bord des vêtements du Sauveur, c’est croire au Fils de Dieu incarné. — Bède. Jésus n’est touché que par une femme fidèle, alors que la foule le presse de toutes parts, c’est-à-dire qu’il est accablé sous le poids des fausses doctrines des hérétiques ou des mœurs perverses des mauvais chrétiens, tandis qu’il ne reçoit que de la seule Eglise catholique un culte fidèle. L’Eglise, formée des nations, s’approche de Jésus par derrière, car elle n’a pas vu le Seigneur dans sa chair, et ce n’est qu’après l’accomplissement des mystères de l’incarnation qu’elle est parvenue à la foi en Jésus-Christ ; et en méritant d’être guérie de ses péchés par la participation aux sacrements du Sauveur, elle a comme tari par le contact de ses vêtements la source du sang qui s’écoulait. Or, Notre-Seigneur regarde tout autour pour voir celle qui l’a touchée, parce qu’il juge dignes des regards de sa miséricorde tous ceux qui méritent la grâce du salut.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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