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Mc  5  35-43

Théophile. Les serviteurs du chef de la synagogue ne voyaient dans Jésus-Christ qu’un prophète, et ils regardaient comme nécessaire qu’il vînt prier sur la jeune fille mourante pour la guérir. Mais comme elle venait d’expirer, ils conclurent que tonte prière était inutile : " Il parlait encore, lorsque les gens du chef de la synagogue vinrent lui dire : Votre fille est morte, pourquoi fatiguer davantage le Maître ? " Mais Notre-Seigneur veut amener le père de cette jeune fille à reconnaître la puissance de Dieu : " Jésus, ayant entendu cette parole, dit au chef de la synagogue : Ne craignez rien, et croyez seulement. " — S. Augustin. (De l’accord des Evang., 2, 28.) Nous ne lisons pas que cet homme ait partagé les sentiments des gens de sa maison qui s’opposaient à ce que le Maître vînt chez lui, et ces paroles que Jésus lui adresse : " Ne craignez point, croyez seulement, " ne sont point un reproche de défiance, mais tendent simplement à rendre sa foi plus forte et plus robuste. Mais si saint Marc avait mis dans la bouche du chef de la synagogue les paroles des gens de sa maison, qu’il fallait cesser de fatiguer Jésus, ces paroles seraient eu contradiction avec le langage que lui prête saint Matthieu lorsqu’il lui fait annoncer à Jésus que sa fille était morte.

" Et il ne permit à personne de le suivre, si ce n’est à Pierre, à Jacques et à Jean, frère de Jacques. " — Théophile. Car le Sauveur, plein d’humilité, n’a voulu rien faire par ostentation.

" En arrivant à la maison du chef de la synagogue, il vit une troupe confuse de gens qui pleuraient et qui poussaient de grands cris. " — S. Chrys. Mais pour lui, il leur défend ces pleurs et ces cris, comme si la jeune fille n’était pas morte, mais simplement endormie : " Et étant entré, il leur dit : Pourquoi vous troubler et pleurer de la sorte ? " — S. Jérôme. On est venu dire à Jaïre : " Votre fille est morte ; " Jésus, au contraire, dit : " Elle n’est pas morte, mais elle dort. " Ces deux manières de parler sont également vraies, car Jésus semble dire : " Elle est morte à vos yeux, mais pour moi elle ne fait que dormir." — Bède. Elle était morte, en effet, pour les hommes qui ne pouvaient la ressusciter, mais elle dormait aux yeux de Dieu, dans le sein duquel son âme vivait d’une vie immortelle, et dont la Providence veillait sur sa chair qui reposait dans l’attente de la résurrection, et c’est de là qu’est venue chez les chrétiens la coutume d’appeler ceux qui dorment les morts dont la résurrection est pour eux certaine (1 Th 4).

" Et ils se moquaient de lui. " — Théophile. Ils se moquent de lui, comme s’il ne pouvait rien faire de plus ; mais il leur prouve ainsi par leur propre témoignage, que s’il la ressuscite, ce sera littéralement des bras de la mort, et que cette résurrection sera vraiment miraculeuse. — Bède. Mais comme au lieu de croire aux paroles de celui qui a le pouvoir de ressusciter, ils ont mieux aimé s’en moquer, Notre-Seigneur les fait justement sortir et les juge indignes d’être témoins de la puissance de celui qui ressuscite, et de la résurrection mystérieuse de cette jeune fille : " Mais lui, les ayant tous renvoyés, " etc. — S. Chrys. (hom. 32 sur S. Matth.) Ou bien, c’est pour éviter toute apparence d’ostentation qu’il ne permet pas à tous de rester avec lui ; mais il retient les trois principaux d’entre ses disciples pour rendre plus tard témoignage à sa puissance divine, et le père et la mère de la jeune fille, comme plus nécessaires que tous les autres. C’est en touchant de la main cette jeune fille et en lui adressant la parole qu’il lui rend la vie : " Et prenant la main de la jeune fille, il lui dit : Thabitha cumi, " que l’on interprète ainsi : Jeune fille, je vous le commande, levez-vous ; car la main de Jésus étant elle-même pleine de vie, rend la vie à ce cadavre, et sa parole la soulève de son lit de mort : " Et aussitôt, ajoute l’Evangéliste, la jeune fille se leva, et se mit à marcher. " — S. Jérôme. (Du meilleur mode d’interprét. à Pammach., let. 101.) Il s’en trouvera peut-être qui accuseront d’erreur l’Evangéliste pour avoir ajouté : " Je vous le dis, " alors que dans la langue hébraïque Thabitha cumi veut dire simplement : " Jeune fille, levez-vous ; " mais cette addition, dans l’esprit de l’Evangéliste, a uniquement pour objet d’exprimer la pensée de celui qui appelle cette jeune fille et le commandement qu’il lui fait.

" Et elle était âgée de douze ans. " — La glose. L’Evangéliste ajoute cette circonstance pour montrer que cette jeune fille était dans l’âge de marcher. Or, en marchant, elle prouvait à tous non-seulement qu’elle était ressuscitée, mais que sa guérison était entière et parfaite. — suite. " Et ils furent tous frappés de stupeur, " etc., et Jésus ordonna de lui donner à manger. " — S. Chrys. (hom. 32 sur S. Matth.) Nouvelle preuve que sa résurrection était véritable et non pas seulement apparente.

Bède. Dans le sens allégorique, la fille du chef de la synagogue dont ou vient annoncer la mort, au moment où cette femme était guérie d’une perte de sang, est la figure de la synagogue qui, lorsque l’Eglise formée des nations est purifiée des souillures de ses vices, et reçoit le nom de fille à cause du mérite de sa foi, succombe victime de sa perfidie et de son envie ; de sa perfidie, parce qu’elle a refusé de croire en Jésus-Christ ; de sa jalousie, parce qu’elle a vu avec peine que l’Eglise embrassait la foi. Ce langage des serviteurs du chef de la synagogue est encore aujourd’hui sur les lèvres de ceux qui regardent la synagogue comme entièrement abandonnée de Dieu, sans espérance aucune de rétablissement, et qui pensent qu’il est mutile de demander à Dieu sa résurrection. Mais si le chef de la synagogue, c’est-à-dire si l’assemblée des docteurs de la loi veut embrasser la foi, la synagogue qui lui est soumise sera sauvée. Remarquez qu’elle est étendue morte au milieu de cette multitude qui pleure et pousse des cris, parce que son incrédulité lui a fait perdre la joie qu’elle goûtait dans la présence du Seigneur. Le Sauveur ressuscite cette jeune fille en lui prenant la main, pour nous apprendre que la synagogue frappée de mort ne peut ressusciter, si les Juifs ne purifient d’abord leurs mains pleines de sang (Is 1). La guérison de l’hémorrhoïsse et la résurrection de cette jeune fille sont la figure du salut du genre humain, pour lequel Dieu a établi cet ordre : que quelques-uns du peuple d’Israël embrasseraient d’abord la foi, puis la plénitude des nations entrerait dans l’Eglise, et ensuite tout Israël serait sauvé (Rm 11). Cette jeune fille était âgée de douze ans, et cette femme avait souffert douze ans entiers, parce que les péchés des Juifs incrédules ne furent découverts que lorsque les premiers fidèles embrassèrent la foi selon ces paroles de l’Ecriture : " Abraham crut à la parole de Dieu, et sa foi lui fut imputée à justice. "

S. Grég. (Moral., 4, 25.) Au sens moral, voici ce que représentent cette jeune fille ressuscitée dans la maison, le jeune homme rendu à la vie hors des portes de la ville, et Lazare rappelé du sépulcre où il était depuis quatre jours. Celui qui est étendu sans vie dans l’intérieur de la maison, c’est celui dont le péché reste encore caché ; celui que l’on conduit hors des portes de la ville, c’est le pécheur dont l’iniquité pousse la démence jusqu’à s’afficher en public ; celui enfin qui est comme comprimé sous la pierre du sépulcre figure le pécheur, qui à force de commettre le mal se trouve comme accablé sous le poids de l’habitude.

Bède. Remarquez encore que les fautes plus légères et que nous commettons tous les jours peuvent être effacées par une pénitence moins sévère ; c’est ainsi que le Seigneur n’emploie que cette parole simple et facile : " Jeune fille, levez-vous, " pour ressusciter cette jeune fille qui était encore dans son lit. Mais lorsqu’il fallut arracher aux horreurs du tombeau ce mort de quatre jours, il frémit en son esprit, il se troubla lui-même, il répandit des larmes (Jn 11). Plus donc la mort de l’âme est grave et profonde, et plus aussi la pénitence doit être sévère et fervente. Remarquez encore qu’à des fautes publiques il faut un remède public, et c’est pour cela que Lazare sort du tombeau aux yeux de tout le peuple qui est présent, tandis que les fautes légères n’ont besoin pour être effacées que d’une pénitence secrète ; ainsi cette jeune fille, étendue sur son lit, ressuscite devant un petit nombre de témoins, et encore leur recommande-t-on de n’en rien dire. Notre-Seigneur chasse même dehors la foule qui remplissait la maison avant de ressusciter cette jeune fille, parce qu’en effet l’âme frappée de mort spirituelle ne peut revenir à la vie qu’après avoir chassé des parties les plus secrètes de son cœur la multitude des préoccupations du siècle. Elle se met à marcher aussitôt qu’elle est ressuscitée, parce que l’âme qui sort de la mort du péché ne doit pas seulement se séparer des souillures de ses crimes, mais marcher dans la pratique des bonnes œuvres. Elle doit aussi se hâter de se nourrir du pain céleste, c’est-à-dire de la parole divine et de la participation du sacrement de l’autel.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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