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Mc  3  6-12

Bède. Les pharisiens, regardant comme un crime l’acte par lequel le seigneur avait, d’une parole, rendu à la main desséchée de cet homme sa vigueur première, tinrent conseil pour faire mourir Jésus : " Et étant sortis, les pharisiens, " etc. Comme si chacun d’eux ne travaillait pas bien davantage le jour du sabbat, en portant les aliments, en présentant la coupe, en faisant toutes les actions nécessaires aux besoins de la vie matérielle, car celui qui n’a eu qu’un mot à dire pour qu’il fut fait selon sa parole pouvait-il être convaincu d’avoir violé, par le travail, le jour du sabbat ?

Théophile. Or, les Hérodiens étaient les partisans du roi Hérode, car il s’était élevé une certaine hérésie qui prétendait qu’Hérode était le Messie. La prophétie de Jacob (Gn 49, 10) annonçait en effet que le Christ viendrait lorsque s’éteindrait la race des princes de Juda. Or, comme au temps du roi Hérode, il ne restait plus aucun prince de race juive, et qu’Hérode, étranger à la Judée, régnait sur cette contrée, il y en eut qui s’imaginèrent qu’il était le Christ et qui donnèrent naissance à cette hérésie. Ils réunissaient donc leurs efforts à ceux des pharisiens, pour faire mourir Jésus-Christ. — Bède. Ou l’Evangéliste donna le nom d’hérodiens aux ministres d’Hérode le tétrarque, qui, partageant la haine de leur maître contre Jean-Baptiste, retendaient jusqu’au Sauveur lui-même, qu’annonçait le Précurseur, et le poursuivaient de leur haine en lui tendant des pièges.

" Mais Jésus se retira vers la mer avec ses disciples. " — Bède. Il fuit, comme homme, les embûches de ses persécuteurs, parce que l’heure de sa passion n’était pas encore venue, et qu’il ne devait pas souffrir hors de Jérusalem. Par cet exemple, Jésus autorise ses disciples à fuir d’une ville dans une autre lorsqu’ils seraient persécutés. — Théophile. Il s’éloigne aussi des ingrats, afin de faire du bien à un plus grand nombre. Beaucoup, en effet, le suivirent, et il les guérit, selon la remarque de l’Evangéliste : " Et une foule nombreuse le suivit de la Galilée, " etc. Les Tyriens et les Sidoniens, des étrangers, profitent des grâces que leur apporte le Christ, et ses proches, c’est-à-dire les Juifs, se font ses persécuteurs. Ainsi, la parenté ne sert de rien, à moins qu’il n’y ait conformité entière de vertu. — Bède. C’est le spectacle de ses œuvres merveilleuses et la doctrine qu’il leur enseigne qui excitent les Juifs à le persécuter. Les Tyriens au contraire, attirés par le bruit de ses miracles, viennent en foule pour l’entendre et solliciter le secours du salut. " Et il dit à ses disciples de lui préparer une barque, " etc. — Théophile. Voyez comme il cache sa gloire : De peur, en effet, d’être accablé par la foule, il demande une barque, et il y entre pour se mettre à couvert de la foule.

" Tous ceux qui avaient quelques plaies, " etc. — Théophile. Il appelle plaies les infirmités, car Dieu nous châtie comme un père châtie ses enfants. — Bède. Ils se prosternaient donc aux pieds du Sauveur, et ceux qui avaient des plaies, des infirmités corporelles, et ceux qui étaient tourmentés par des esprits immondes. Les premiers demandaient simplement à être guéris de leurs infirmités ; les possédés, ou plutôt les démons qui habitaient eu eux, non-seulement se prosternaient, terrassés qu’ils étaient par une crainte divine, mais encore ils étaient contraints de proclamer sa divinité : " Et il s’écriaient : Vous êtes le Fils de Dieu. " Qui ne s’étonnerait, après cela, de l’aveuglement des Ariens, qui, malgré la gloire de sa résurrection, refusent le titre de Fils de Dieu à celui dont les démons proclament la filiation divine, lorsqu’il est encore revêtu de sa chair mortelle.

" Et il leur défendait, avec de grandes menaces, de révéler qui il était, " car Dieu dit au pécheur (Ps 49) : " Pourquoi oses-tu raconter mes justices ? " La prédication de la vérité est donc interdite au pécheur, dans la crainte que ses disciples, en prêtant l’oreille à sa parole, ne le suivent dans ses égarements. Un mauvais maître, en effet, est un démon tentateur, qui, au vrai, mêle le faux, afin de cacher ses menées frauduleuses sous l’apparence de la vérité. Du reste, non-seulement les démons, mais ceux que Jésus-Christ guérissait, les Apôtres eux-mêmes, recevaient l’ordre de taire les miracles qu’il opérait, dans la crainte que la manifestation de sa majesté divine ne retardât l’œuvre salutaire de sa passion.

Dans le sons allégorique, Jésus, sortant de la synagogue pour se retirer vers la mer, figure le salut des nations qu’il daigna visiter, en leur communiquant le don de la foi, après qu’il eut abandonné les Juifs à cause de leur perfidie, car les nations agitées par les flots des erreurs sont comparées justement à l’agitation de la mer. Une foule nombreuse le suivit des diverses provinces, c’est-à-dire qu’il reçut avec bonté un grand nombre de nations qui, plus tard, vinrent à lui, attirées par la prédication des Apôtres. La barque qui porte le Seigneur sur les flots, c’est l’Eglise, formée des divers peuples de la terre. Il monta dans cette barque pour n’être point accablé par la foule, c’est-à-dire qu’il fuit le tumulte et l’agitation des âmes charnelles : il vient à ceux qui méprisent la vanité du siècle, et se complaît à faire en eux sa demeure, il y a une différence marquée entre presser, accabler le Seigneur et le toucher. Ceux-là le pressent et l’accablent qui, par des pensées ou des actes charnels, troublent la paix où la vérité demeure. Toucher le Christ, au contraire, c’est par la foi et l’amour le recevoir dans son cœur. Aussi nous voyons que l’Evangéliste fait remarquer que ceux qui le touchèrent furent guéris.

Théophile. Dans le sens moral, les hérodiens sont les hommes charnels qui veulent faire mourir Jésus-Christ, car Hérode signifie couvert de peaux ; mais ceux qui quittent leur pays, c’est-à-dire leurs habitudes vicieuses, suivent Jésus-Christ et leurs plaies, c’est-à-dire leurs péchés, qui sont les blessures de leurs âmes, sont guéries par le Sauveur Jésus en nous, c’est la raison qui veut que notre barque, c’est-à-dire notre corps, soit au service de ce divin Maître, dans la crainte d’être submergée sous les vagues dos choses de la terre.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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