Accueil > Bibliothèque > La Chaîne d’or > Évangile selon saint Marc > chapitre 1, versets 16-20
La glose (1). L’Evangéliste, après avoir rapporté la prédication de Jésus-Christ au peuple, nous fait connaître la vocation des Apôtres, dont il fit les ministres de la prédication évangélique : " Et comme il passait le long de la mer de Galilée, il vit Simon, " etc. — ThéophileYl. Pierre et André, au rapport de saint Jean (Jn 1), étaient disciples du Précurseur. Mais d’après le témoignage que Jean-Baptiste avait rendu à Jésus, ils s’attachèrent à lui. Affligés ensuite de l’emprisonnement de Jean-Baptiste, ils retournèrent à leur première profession : " Il les vit, dit l’Evangéliste, qui jetaient leurs filets dans la mer ; car ils étaient pêcheurs. " Nous voyons par là qu’ils gagnaient leur vie par un travail honnête, et non des produits d’une industrie coupable. De tels hommes méritaient d’être les premiers disciples de Jésus-Christ : " Et Jésus leur dit : Suivez-moi. " C’est ici la seconde vocation des Apôtres, car nous voyons dans saint Jean, qu’ils avaient déjà été appelés une première fois. Jésus leur fait connaître la fin de leur vocation : " Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. " — S. Rémi. En effet, c’est dans les filets de la sainte prédication, qu’ils ont retiré les poissons, c’est-à-dire les hommes des profondeurs de la mer, c’est-à-dire de l’infidélité, pour les amener à la lumière delà foi. Pèche vraiment digne d’admiration ; car à peine les poissons sont-ils hors de l’eau, qu’ils meurent, tandis que les hommes trouvent la vie dans les filets de la prédication, où ils sont pris. — Bède. Or, ce sont des pêcheurs, des hommes illettrés que Jésus envoie pour prêcher l’Evangile, afin que la foi des croyants fût regardée comme un effet de la puissance divine, et non comme le fruit de l’éloquence et de la sagesse humaines.
" Et aussitôt, ayant laissé leurs filets, ils le suivirent." — Théophile. Quand Dieu appelle, il ne faut pas différer, mais le suivre sans retard. Après ces premiers disciples, Jésus recueille dans ses filets Jacques et Jean, qui, tout pauvres qu’ils étaient, nourrissaient de leur travail la vieillesse de leur père : " De là s’étant un peu avancé, il vit Jacques et Jean, fils de Zébédée, " etc. Or, ils quittèrent leur père parce qu’il eût été un obstacle à ce qu’ils suivissent Jésus-Christ. Et vous aussi, lorsque vos parents vous sont un empêchement, laissez-les, et allez fermement à Dieu. On peut conclure de là, que Zébédée ne crut pas à Jésus ; mais la mère de ces deux apôtres crut en lui, et après la mort de Zébédée, elle suivit le Sauveur.
Bède. On pourrait demander ici comment Jésus appelle et tire de leurs barques ces pécheurs deux par deux, d’abord Pierre et André, et après s’être avancé quelque peu, deux autres, c’est-à-dire les fils de Zébédée ; tandis que d’après saint Luc (Lc 5), Jacques et Jean furent appelés pour aider Pierre et André ; que c’est à Pierre seul que Jésus adressa cette parole : " Ne craignez point, vous serez désormais un pécheur d’hommes ; " et que tous ensemble cependant ; ayant tiré leurs barques sur le rivage, ils le suivirent. Il faut donc comprendre que tout ce que rapporte saint Luc se passa lors de la première vocation des Apôtres, et qu’étant ensuite retournés à leurs filets et à leurs occupations ordinaires, Jésus les appela de nouveau, comme le raconte ici saint Marc. C’est alors que sans tirer leurs barques à terre, comme s’ils eussent eu l’intention d’y revenir, ils suivirent tout de bon le Seigneur qui les appelait, et leur commandait de marcher à sa suite.
S. Jérôme. Dans le sens mystique, ces quatre pêcheurs figurent un char à quatre chevaux qui nous enlève aux deux, comme autrefois Elie (2 R 4 ; Ct 1, 4). Ce sont les quatre angles, sur lesquels est bâtie la sainte Eglise. Dans ces quatre lettres hébraïques, nous reconnaissons les quatre lettres dont est composé le nom du Seigneur. L’exemple des Apôtres nous apprend qu’il faut répondre à la voix de Dieu qui nous appelle, oublier ce monde de vices qui nous entoure, quitter et la maison paternelle, et notre genre de vie primitive, (qui n’est que folie aux yeux de Dieu) ; et ces filets, ces toiles d’araignées dans lesquelles l’air nous louait suspendus dans le vide comme des moucherons exposés à une chute certaine ; détester enfin le genre de vie ou nous étions tristement embarqués. Adam, notre père selon la chair, est revêtu de la dépouille de bêtes mortes ; mais pour nous qui avons dépouillé le vieil homme avec ses actes, et qui marchons sur les traces de l’homme nouveau, nous sommes revêtus des riches fourrures de Salomon, vêtement splendide dont l’Epouse se glorifie et qui rehausse sa beauté. Simon signifie obéissant ; André, viril ; Jacques, qui supplante : Jean signifie grâce. Les quatre vertus figurées par ces quatre noms, nous transforment en l’image de Dieu, l’obéissance pour l’écouter, le courage viril pour combattre, la ruine de nos ennemis pour persévérer, la grâce pour assurer notre salut. Ces quatre vertus se rapportent aux quatre vertus cardinales. En effet, la prudence nous rend l’obéissance facile ; la justice nous fait agir avec énergie ; la tempérance foule aux pieds le serpent infernal ; la force nous fait mériter la grâce de Dieu. — Théophile. On pont dire encore que celui qui représente l’action est appelé le premier, ensuite, celui qui figure la contemplation. Pierre signifie la vie active, Jean représente la vie contemplative. Pierre, en effet, fut remarquable par son ardente ferveur, par une sollicitude plus grande que celle de tous les autres ; comme Jean fut le théologien par excellence.
Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.