Accueil  >  Bibliothèque  >  La Chaîne d’or  >  Évangile selon saint Marc  >  chapitre 13, versets 32-37

Mc  13  32-37

Théophile. Le Seigneur veut détourner ses disciples de le questionner sur le jour et l’heure on ces choses arriveront : " Quant à ce jour et à cette heure, leur dit-il, nul ne les sait, ni les auges qui sont dans le ciel, ni le Fils, mais le Père seul. " S’il leur avait dit, je le sais, mais je ne veux pas vous le découvrir, il les aurait singulièrement attristés ; il agit donc plus sagement, il éloigne leur esprit de toute question de ce genre, et il échappe à toutes leurs difficultés on leur disant : "Ni les anges ne le savent, ni moi-même. " — S. Hil. (de la Trin., 9) On objecte au Fils unique de Dieu d’ignorer ce jour et cette heure, et on en conclut qu’il n’est point né Dieu de Dieu avec cette nature parfaite que possède Dieu le Père ; mais j’en appelle ici au simple jugement du sens commun ; peut-on supposer une ignorance quelconque, dans celui qui est pour tous les êtres l’auteur de ce qu’ils sont et de ce qu’ils seront ? Comment une seule chose peut-elle être en dehors de la science de sa nature, par laquelle et dans laquelle sont contenues toutes les choses qui doivent exister. Quoi ! il aurait ignoré le jour de son avènement. L’homme, autant que sa nature le lui permet, prévoit d’avance ce qu’il a dessein de faire, et la connaissance de ce qu’il doit faire suit chez lui la volonté d’agir. Comment donc admettre que le Seigneur de gloire, par cette ignorance au jour de son avènement, ait eu une nature si imparfaite que d’être soumise à un avènement nécessaire, sans en avoir aucune connaissance. Mais encore, il y a ici double impiété, si l’on suppose une intention malveillante dans Dieu le Père, qui aurait refusé la connaissance de la béatitude à celui à qui il avait révélé la connaissance de sa mort. Si tous les trésors de la science sont en lui ; il ne peut ignorer ce jour, mais nous devons nous rappeler que ces trésors de science sont cachés en lui. L’ignorance dont il parle tient donc uniquement à ce que les trésors de la science restent cachés en lui. Toutes les fois donc que Dieu déclare ignorer quelque chose, il ne s’agit point d’une véritable ignorance, mais il veut nous apprendre, ou qu’il n’est pas temps de parler, ou qu’il n’est pas temps d’agir. L’Ecriture dit de Dieu, qu’il connut qu’Abraham l’aimait, parce qu’il le fit connaître à Abraham lui-même (Gn 22). Il faut donc dire, par la même raison, que le Père a connu ce jour, parce qu’il l’a révélé à son Fils. Si donc nous lisons que le Fils ne connaît point ce jour, c’est dire d’une manière figurée qu’il ne doit point en parler ; au contraire, le Père seul connaît ce jour, parce que c’est à lui de le faire connaître. Gardons-nous donc d’admettre dans le Père ou dans le Fils aucun changement, aucune modification extérieure. Enfin, pour éloigner de lui tout soupçon d’ignorance, il ajoute aussitôt : " Prenez garde, veillez et priez, parce que vous ne savez quand ce temps viendra. " — S. Jérôme. La vigilance est un devoir pour l’âme avant la mort du corps. — Théophile. Il nous recommande à la fois ces deux choses : la vigilance et la prière, car il en est beaucoup qui veillent, mais qui passent les nuits dans les excès de la débauche. C’est pour nous enseigner cette vérité qu’il amène la comparaison suivante : " Il en sera comme d’un homme qui, s’en allant faire un voyage. "

Bède. Cet homme qui part pour un long voyage et quitte sa maison, c’est Jésus-Christ qui, après sa résurrection, remontant vers son Père, vainqueur de la mort, quitte extérieurement l’Eglise, mais sans jamais la priver du secours de sa divine présence. En effet, l’habitation naturelle de la chair est la terre, et le Sauveur l’emmène comme en voyage, lorsqu’il la place dans les cieux. Cet homme assigne à chacun de ses serviteurs la tâche qui lui est propre, c’est-à-dire, que Notre-Seigneur, avec la grâce de l’Esprit saint, leur rend possible la pratique de toutes les bonnes œuvres. Il recommande au portier de veiller, c’est-à-dire, qu’il fait un devoir à l’ordre des pasteurs, de consacrer tous leurs soins à l’Eglise qui leur est confiée. Cette recommandation n’est pas seulement pour les pasteurs de l’Eglise ; nous devons nous-mêmes veiller, garder soigneusement sur les portes de nos cœurs, les fermer à toute inspiration mauvaise de l’antique ennemi, et prendre garde que le Seigneur ne nous trouve endormis. — S. Jérôme. Car celui qui dort ne voit que des fantômes et non des corps véritables, et lorsqu’il est réveillé, il ne lui reste de ce qu’il a vu dans son sommeil qu’un souvenir sans réalité. Tels sont ceux qui, pendant cette vie, se laissent entraîner à l’amour du monde, et qui, au moment de la mort, se voient abandonnés de ce que, dans leurs rêves, ils avaient regardé comme des réalités. — Théophile. Remarquez qu’il ne dit pas : Je ne sais quand ce temps viendra, mais " vous ne savez. " C’est dans notre intérêt que Notre-Seigneur nous a caché ce jour, car si maintenant que nous l’ignorons, nous ne pensons pas à notre fin, qu’aurions-nous fait si nous l’avions su ? Hélas ! nous prolongerions nos iniquités jusqu’au dernier jour de notre vie. Pesons bien ici chacune des expressions du Sauveur. La fin arrive sur le soir pour celui qui meurt dans la vieillesse ; au milieu de la nuit pour celui qui meurt au milieu de la jeunesse ; au chant du coq, lorsqu’on quitte la vie à l’âge où la raison dirige nos actions. En effet, lorsque l’enfant commence à régler sa vie d’après les inspirations de la raison, c’est comme le chant du coq qui élève la voix et le réveille du sommeil de la vie des sens. Le matin, c’est l’enfance. Il nous faut donc à tout âge prévoir notre fin et veiller à ce que l’enfant même ne sorte point de cette vie sans baptême.

S. Jérôme. Notre-Seigneur conclut tout son discours par ces paroles : " Ce que je vous dis, je le dis à tous, " afin que les derniers reçoivent des premiers cette recommandation qui est commune à tous. — S. Augustin. (lett. 80 à Hésych.) Il ne s’adressait pas seulement à ceux qui l’écoutaient, mais encore à ceux qui devaient les suivre et nous précéder, à nous-mêmes et à ceux qui viendront après nous jusqu’à son dernier avènement. Est-ce qu’en effet ce jour trouvera tous les hommes encore en vie ? Ou bien dira-t-on que c’est aux morts aussi que s’adressent ces paroles : " Veillez, afin que ce jour qui viendra à l’improviste ne vous trouve endormi ? " Pourquoi donc adresse-t-il à tous une recommandation qui ne parait concerner que ceux qui vivront alors, si ce n’est parce qu’elle s’adresse à tous en réalité, comme je l’ai dit. Ce jour vient pour chacun de nous, avec le jour de sa mort, parce qu’il sort de cette vie dans l’état où il sera jugé au dernier jour. Tout chrétien doit donc veiller, afin que ce jour ne le surprenne pas sans être préparé. Or, il surprendra sans préparation celui qui ne se sera point préparé au dernier jour de sa vie.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

Plan du site    |    Contact    |    Liens    |    Chapelle