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Mc  12  1-12

La glose. Après avoir réduit au silence ses contradicteurs par une réponse pleine de prudence, il fait voir toute l’étendue de leur méchanceté sous le voile d’une parabole : " Jésus commença ensuite à leur parler eu paraboles : Un homme, dit-il, planta une vigne, " etc. — S. Jérôme. Le nom d’homme est donné ici à Dieu le Père, par une manière de parler tout humaine ; la vigne est la maison d’Israël ; la haie, les anges qui la gardent ; le pressoir est la loi ; la tour, le temple ; les vignerons, les prêtres. — Bède. Ou bien la haie, c’est le mur qui entourait la ville ; le pressoir, l’autel ; ou ces pressoirs dont il est question dans les titres de trois psaumes. — Théophile. Ou bien encore, cette haie c’est la loi qui défendait aux Juifs de se mêler aux étrangers (Nb 18, 4).

" Et il s’en alla dans un pays éloigné. " — Bède. Il ne change point de lieu, mais il semble s’éloigner de la vigne pour laisser aux vignerons toute liberté d’agir. " Le temps de la vendange étant venu, il envoya un de ses serviteurs aux vignerons pour recevoir ce qu’ils lui devaient du fruit de la vigne. " — S. Jérôme. Les serviteurs qui furent envoyés sont les prophètes ; le fruit de la vigne, c’est l’obéissance : de ces prophètes, les uns furent frappés de verges, les autres couverts de blessures, d’autres mis à mort : " Mais l’ayant pris, ils le battirent et le renvoyèrent les mains vides. " — Bède. Le premier serviteur qui fut envoyé, c’est Moïse, qui leur donna la loi ; mais ils le renvoyèrent après l’avoir battu, sans lui rien donner, " car ils aigrirent son esprit dans le désert, " (Ps 105, 33). " Il leur envoya encore un autre serviteur, et ils le blessèrent à la tête, et lui firent toute sorte d’outrages. " Cet autre serviteur, c’est David et les autres auteurs des psaumes ; or ils l’ont accablé d’outrages et blessé à la tète, parce qu’ils n’ont fait aucune estime des psaumes, et qu’ils ont rejeté David (2 R 20, 1), en disant : " Quelle part avons-nous avec David ? " (3 R 12, 16.) " Il leur en envoya un troisième qu’ils tuèrent, " etc. Ce troisième serviteur représente avec ses compagnons le chœur des prophètes ; car quel est celui des prophètes qu’ils n’ont point persécuté ? (Mt 23) Par ces trois serviteurs successifs, Notre-Seigneur semble vouloir entendre dans un autre endroit, tous les docteurs de la loi, lorsqu’il dit : " Il faut que tout ce qui a été écrit de moi, dans la loi, dans les prophètes et dans les psaumes, soit accompli. " — Théophile. Ou bien encore, le premier serviteur, ce sont les prophètes qui existaient du temps d’Elie ; nous voyons, en effet, que Miellée fut alors maltraité par lu faux prophète Sédécias (3 R 22). Le second serviteur qu’ils ont Messe à la tête et accablé d’outrages, sont les prophètes contemporains d’Osée et d’Isaïe ; le troisième serviteur, les prophètes qui vécurent du temps de Daniel et d’Ezéchiel.

" Enfin, ayant un fils unique qu’il aimait très-tendrement, " etc. — S. Jérôme. Ce Fils chéri qui vient en dernier lieu, c’est le Fils unique de Dieu. C’est par une espèce d’ironie que le Père dit : " Ils auront quelque respect pour mon Fils. " — Bède. Ou bien encore, cette forme dubitative : " Peut-être ils auront quelque respect pour mon Fils, " n’a point pour cause l’ignorance, mais le dessein arrêté en Dieu de laisser à l’homme toute sa liberté d’action. — Théophile. On peut dire enfin que si Dieu s’exprime ainsi, ce n’est pas qu’il ignore ce qui doit arriver, mais il veut leur apprendre ce qu’il était juste et convenable de faire. " Ces vignerons dirent entre eux : Voici l’héritier, allons, tuons-le, " etc. — Bède. Notre-Seigneur prouve ici jusqu’à l’évidence, que ce n’est point par ignorance, mais par envie que les chefs de la nation juive ont crucifié le Fils de Dieu, car ils savaient fort bien que c’était à lui qu’il avait été dit : " Je vous donnerai les nations pour héritage. " (Ps 2) En le mettant à mort, ces vignerons coupables cherchaient à s’emparer de son héritage, c’est-à-dire, que les Juifs en le crucifiant, se proposaient d’éteindre la foi dont il est l’auteur, d’établir sur ses ruines la justice qui vient de la loi, (Rm 10, 2-3) et de pénétrer les nations de la nécessité de cette justice légale.

" Et s’étant saisi de lui, ils le tuèrent et le jetèrent hors de la vigne. " — Théophile. C’est-à-dire, en dehors de là ville, car ce fut hors des murs de Jérusalem que le Seigneur fut crucifié. — S. Jérôme. Ou bien ils le jetèrent hors de la vigne, c’est-à-dire, ils le rejetèrent du milieu du peuple, lorsqu’ils lui dirent : " Vous êtes un Samaritain et un possédé du démon " (Jn 8). On peut dire encore qu’en le rejetant autant qu’ils le purent hors des frontières de la Judée, ils l’ont remis entre les mains des nations qui l’ont reçu par la foi.

" Que fera donc le maître de cette vigne ? Il viendra lui-même, il exterminera ces vignerons, " etc. — S. Augustin. (De l’acc. des Evang., 2, 10.) D’après le récit de saint Matthieu, ce sont les Juifs eux-mêmes qui répondent au Sauveur : " Il exterminera ces vignerons. " Saint Marc, au contraire, place cette réponse dans la bouche du Sauveur, après la question qu’il leur a faite. Or, on peut admettre, sans aucune difficulté, que la réponse des Juifs suivit immédiatement la question de Notre-Seigneur, sans que l’Evangéliste ait cru nécessaire de dire : " Ils répondirent, " ce qu’il était facile de sous-entendre, ou bien cette réponse est attribuée à Jésus-Christ, parce qu’étant conforme à la vérité, ils n’ont pu la faire que par l’inspiration de celui qui est la vérité même. — Théophile. Le maître de la vigne est donc le Père du qui a été mis à mort, et Jésus-Christ est lui-même ce Fils qui a été crucifié. " Il exterminera les vignerons, " en les livrant aux Romains, "et il donnera sa vigne à d’autres vignerons, " c’est-à-dire aux Apôtres. Lisez les Actes des Apôtres, et vous y trouverez d’aboli trois mille Juifs (Ac 2, 41), et ensuite cinq mille (Ac 4, 4), qui ont embrassé la foi et en ont produit les fruits pour Dieu. — S. Jérôme. Ou bien la vigne est donnée à d’autres qui viendront de l’Orient, de l’Occident du Nord et du Midi, et qui s’asseoiront dans le royaume de Dieu, avec Abraham, Isaac et Jacob.

Bède. Notre-Seigneur prouve aussitôt par un témoignage prophétique, que tout cela se fera par suite d’un dessein tout divin : " N’avez-vous point lu cette parole de l’Ecriture : La pierre qui avait été rejetée par ceux qui bâtissaient est devenue la principale pierre de l’angle ? " etc. C’est comme s’il leur disait : Comment cette prophétie sera-t-elle accomplie ? Parce que le Christ que vous avez rejeté et mis à mort, sera livré par la prédication aux gentils, et que semblable à la pierre de l’angle, il formera en lui-même un seul homme des deux peuples, (Ep 2, 15.20) et ne fera de ces deux peuples qu’une seule cité des fidèles, un seul temple. Notre-Seigneur compare maintenant ceux qu’il vient d’appeler vignerons à des architectes, parce que ceux-là même qui cultivaient comme une vigne le peuple qu’ils dirigeaient pour lui faire produire des fruits de vie, avaient aussi pour devoir de faire de ce peuple un temple parfaitement orné et digne du Dieu qui l’habite. — Théophile. Cette pierre donc, que les docteurs ont rejetée, est devenue la pierre de l’angle ; cet angle, c’est l’Eglise qui réunit les Juifs et les gentils ; cet angle, c’est-à-dire, l’Eglise a Dieu pour auteur, et c’est un spectacle admirable à nos yeux, aux yeux des fidèles, car les infidèles ne croient point aux miracles. L’Eglise est vraiment admirable, parce qu’elle est établie sur des miracles que Dieu opère par le ministère des Apôtres, en confirmant leurs paroles par les prodiges dont il l’accompagnait (Mc 16). Tel est le sens de ses paroles : " C’est le Seigneur qui a fait cela, et nos yeux le voient avec admiration. " S. Jérôme. Ou bien encore, cette pierre qui a été rejetée et qui est devenue la pierre de l’angle est la figure de celui qui, dans la Cène, a uni le pain céleste à l’Agneau, a mis fin à l’ancienne alliance pour commencer la nouvelle, et a fait éclater à nos yeux des merveilles aussi brillantes que la topaze.

Bède. Les princes des prêtres rendirent témoignage à la vérité des paroles du Sauveur, par la résolution qu’ils prirent : " Et ils cherchaient le moyen de l’arrêter, " car il est cet héritier dont il prédisait que la mort injuste serait vengée par son Père. Dans le sens moral, tout fidèle, lorsque l’Eglise lui donne le sacrement de baptême, reçoit comme une vigne qu’il doit cultiver. Il frappe, accable d’outrages, et chasse dehors le serviteur qui lui est envoyé, lorsque la parole qui lui est annoncée devient l’objet de son mépris, et ce qui est pis encore, de ses blasphèmes. Il met à mort l’héritier autant qu’il est en lui, lorsqu’il foule aux pieds le Fils de Dieu (He 10, 28). Ce vigneron coupable est exterminé, et la vigne donnée à un autre, lorsque le don de la grâce, méprisé par les orgueilleux, vient enrichir l’âme qui est humble. Nous voyons même se renouveler tous les jours dans l’Eglise la conduite des princes des prêtres qui cherchaient à se saisir de Jésus, mais qui sont retenus par la crainte du peuple, lorsqu’un chrétien qui ne l’est que de nom, rougit ou craint d’attaquer l’unité de la foi et de la paix de l’Eglise, retenu qu’il est par la multitude d’âmes saintes qui font avec lui partie de cette même Eglise.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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