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Lc  8  43-48

S. Augustin. (de l’accord des Evang., 2, 28.) Après avoir raconté le miracle opéré chez les Géraséniens, l’Évangéliste passe à la résurrection de la fille du chef de la synagogue : « Jésus étant revenu, le peuple le reçut avec joie, parce qu’il était attendu de tous. » — Théophile. Ils l’attendaient pour entendre sa doctrine et pour être témoins de ses miracles. — S. Augustin. (de l’acc. des Evang.) Le fait que salut Luc rapporte en cet endroit : « Un homme, appelé Jaïre, » etc., n’arriva point aussitôt après celui qu’il vient de raconter. Il faut placer auparavant le repas des publicains dont parle saint Matthieu, et auquel il fait succéder si étroitement (Mt 9, 18) ce miracle de la résurrection de la fille de Jaïre, qu’aucun autre ne peut être placé entre les deux. — Tite de Bostra. L’Évangéliste donne le nom de ce chef de la synagogue, à cause des Juifs qui connurent alors cet événement, et pour rendre plus évidente la preuve du miracle. Ce n’est point un des derniers du peuple, mais un chef de synagogue qui vient trouver Jésus pour mieux confondre les Juifs et leur ôter toute excuse : « Il était chef de la synagogue. » Il vint trouver Jésus, parce qu’il y était comme forcé par la nécessité ; car quelquefois c’est la douleur qui nous porte au bien, selon cette parole du Psalmiste : « Resserrez avec le mors et le frein la bouche de ceux qui ne veulent point s’approcher de vous. » — Théophile. Il vient donc, sous l’impulsion de la douleur qu’il éprouve, se jeter aux pieds de Jésus. Il aurait dû, sans y être contraint par la nécessité, se prosterner à ses pieds, et reconnaître sa divinité. — S. Chrys. (hom. 32 sur S. Matth., et Tite de Bostra.) Voyez quelle est encore son ignorance, il demande à Jésus-Christ de venir chez lui : « Il le suppliait de venir dans sa maison, » c’est-à-dire qu’il ignorait que Jésus pût guérir sa fille sans être extérieurement présent ; car s’il l’avait su, il eût dit à Jésus comme le centurion : « Dites seulement une parole, et ma fille sera guérie. » (Mt 8.) — Astérius. (Ch. des Pèr. gr.) L’Évangéliste nous fait connaître la cause de sa démarche : « Il avait une fille unique, l’espérance de sa maison et de la perpétuité de sa race ; elle avait environ douze ans, c’est-à-dire à la fleur de l’âge ; elle se mourait, et au lieu du lit nuptial, elle allait être portée au tombeau. » — S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr.) Or, le Seigneur n’était pas venu sur la terre pour juger le monde, mais pour le sauver, il n’a donc point égard à la dignité de celui qui l’implore, mais il poursuit tranquillement son oeuvre, sachant bien qu’il allait opérer un miracle plus grand que celui qu’on lui demandait. En effet, on l’appelait pour guérir une jeune fille malade, mais il savait qu’il allait la ressusciter après sa mort, et inspirer ainsi aux hommes l’espérance certaine de la résurrection.

S. Ambr. Avant de ressusciter cette jeune fille, il guérit l’hémorroïsse pour exciter la foi du chef de la synagogue ; c’est ainsi que nous célébrons la résurrection temporelle dans la passion du Sauveur, pour affermir notre foi à la résurrection éternelle : « Comme Jésus s’en allait aveu lui, et qu’il était pressé par la foule. » — S. Cyrille. Preuve évidente qu’il avait pris une chair véritable, et qu’il foulait aux pieds tout sentiment d’orgueil ; car la foule ne le suivait pas à distance, mais l’entourait et le pressait.

Astérius. Or, une femme atteinte d’une grave maladie, dont l’infirmité avait épuisé les forces corporelles, et les médecins la fortune, n’a plus d’autre espérance dans une si grande extrémité, que devenir se jeter aux pieds du Seigneur : « Et une femme malade d’une perte de sang depuis douze ans, » etc. — Tite de Bostra. (sur S. Matth.) Quels éloges ne méritent pas, cette femme qui, dans l’épuisement de ses forces, causé par cette perte continuelle de sang, au milieu de tout ce peuple qui s’empresse autour du Seigneur, soutenue par sa foi et par le désir d’être guérie, traverse la foule, et, se dérobant aux regards du Sauveur, se tient derrière lui, et touche la frange de son vêtement (cf. Nb 15, 38)

« Et elle toucha la frange de son vêtement. » — S. Cyrille. Car il était défendu à ceux qui étaient souillés de quelque impureté, de toucher ceux qui étaient purs, ou de s’approcher de ceux que la loi réputait pour saints. — S. Chrys. (hom. 32 sur S. Matth.) D’après la loi, cette maladie était regardée comme une des plus grandes souillures. (Lv 15.) D’ailleurs cette femme n’avait pas encore une bien juste idée du Sauveur, puisqu’elle espérait pouvoir lui cacher cette démarche ; cependant elle s’approche de lui dans la ferme espérance d’être guérie.

Théophile. Celui qui approche l’oeil d’une vive lumière, en ressent aussitôt les effets ; les épines s’embrasent au premier contact du feu ; ainsi, quiconque s’approche avec foi de celui qui peut le guérir, obtient aussitôt sa guérison : « Et aussitôt sa perte de sang s’arrêta. » Ce ne furent pas les seuls vêtements du Sauveur qui produisirent ce merveilleux effet (car les soldats les tirèrent au sort entre eux, sans éprouver rien de semblable) (cf. Mt 27, 35 ; Mc 15, 34 ; Jn 19, 23 et 24), mais elle fut guérie par la vivacité de sa foi. — Théophile. Elle crut, et aussitôt elle fut guérie, et elle suivit ici un ordre vraiment admirable en ne touchant extérieurement le Sauveur qu’après l’avoir touché spirituellement par la foi.

Astérius. Or, Notre-Seigneur entendit les pensées de cette femme, toute muettes qu’elles étaient, et il guérit sans proférer une seule parole celle qui le priait en silence, en lui laissant pour ainsi dire dérober sa guérison, mais il publie ensuite ce miracle : « Et Jésus dit : Qui m’a touché ? » — S. Cyrille. Le Seigneur ne pouvait ignorer le miracle qu’il venait d’opérer, mais bien qu’il connaisse toutes choses, il interroge comme s’il ne savait rien. — S. Grég. (ou Victor d’Antioche.) Or, les disciples ne comprenant pas la vraie signification de cette question, et pensant que Jésus voulait parler d’un simple attouchement ordinaire, lui répondent dans ce dernier sens : « Tous s’en défendant, Pierre dit : La foule vous presse de toutes parts, et vous dites : Qui m’a touché ? » etc. Aussi Notre-Seigneur, dans sa réponse, précise la nature de cet attouchement : « Jésus dit : Quelqu’un m’a touché. » C’est dans ce même sens qu’il disait : « Que celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende, » quoique tous aient les oreilles du corps, parce que ce n’est pas entendre véritablement, que d’entendre sans attention ; de même qu’on ne touche véritablement, que lorsqu’on est inspiré par la foi. — S. Cyrille. Le Sauveur fait connaître ce qui vient d’arriver : « Car j’ai senti qu’une vertu était sortie de moi. » En parlant de la sorte, il se conforme aux idées de ceux qui l’écoutent, mais il leur découvre en même temps sa divinité, tant par le miracle qu’il vient d’opérer, que par ses paroles ; car ni la nature humaine, ni peut-être la nature angélique ne peuvent produire d’elles-mêmes une vertu, une puissance semblable, c’est un privilège qui n’appartient qu’à la nature divine ; nulle créature, en effet, ne possède en propre la puissance de guérir les maladies ou d’opérer tout autre miracle de ce genre, elle ne peut la recevoir que de Dieu. Or, ce n’est point par un vain désir de gloire qu’il voulut que cet acte de la puissance divine fût connu de tous, lui qui si souvent avait défendu de publier ses miracles, mais dans l’intérêt de ceux qui sont appelés à la grâce de la justification par la foi. — S. Chrys. (hom. 36 sur S. Matth.) Il commence par calmer la crainte de cette femme, dont la conscience alarmée aurait pu lui reprocher d’avoir comme dérobé la grâce de sa guérison ; troisièmement, il fait l’éloge de sa foi devant tous ceux qui sont présents, et la propose à leur imitation ; et en faisant voir que toutes choses lui sont connues, il ne fait pas un moindre miracle que celui de la guérison de cette femme. — S. Cyrille. Par là enfin, il amenait le chef de la synagogue à croire, sans hésiter, qu’il délivrerait sa fille des liens de la mort.

S. Chrys. Notre-Seigneur ne fit pas connaître immédiatement cette femme, il voulait, en montrant que rien ne lui est caché, la déterminer à publier ce qui venait d’arriver et qu’il ne pût exister aucun doute sur la vérité du miracle : « Cette femme, se voyant découverte, vint toute tremblante, » etc. — Origène. Le Sauveur confirme alors, par ses paroles, la guérison qu’elle a obtenue en touchant ses vêtements : « Et Jésus lui dit : Ma fille, votre foi vous a guérie, allez en paix, » c’est-à-dire soyez délivrée de l’épreuve qui vous affligeait. Il ne guérit donc le corps qu’après avoir guéri l’âme par la foi. — Tite de Bostra. Il l’appelle sa fille, parce que sa foi a été la cause de sa guérison, et que la foi nous obtient aussi la grâce de l’adoption.

Eusèbe. (hist. ecclés., 7, 14.) On rapporte que cette femme fit ériger dans la ville de Panéade (Césarée de Philippe), d’où elle était originaire, un monument remarquable, en souvenir du bienfait qu’elle avait reçu du Sauveur. On voyait à l’entrée de la porte de sa demeure, sur un piédestal élevé, une statue d’airain, représentant une femme à genoux, les mains jointes, dans l’attitude de la prière ; de l’autre côté se dressait une autre statue de même matière, représentant un homme vêtu d’un manteau, la main étendue vers cette femme ; à ses pieds, sur la base, on voyait une plante exotique, qui montais jusqu’au bord du manteau d’airain, et à laquelle on attribuait la propriété de guérir toutes les douleurs. Cette statue, disait-on, représentait Jésus-Christ, et l’empereur Maximin la fit détruire.

S. Ambr. Dans un sens mystique, Jésus-Christ avait quitté la synagogue en s’éloignant des Géraséniens, et nous qui sommes étrangers, nous recevons celui que les siens n’ont pas voulu recevoir. — Bède. Ou encore, le Seigneur reviendra trouver les Juifs à la fin des temps, et ils le recevront en s’empressant d’embrasser la foi. — S. Ambr. Mais que représente ce chef de la synagogue, sinon la loi, en considération de laquelle le Seigneur n’a pas entièrement abandonné la synagogue ? — Bède. Ou bien ce prince de la synagogue, c’est Moïse. Il porte avec raison le nom de Jaïre (c’est-à-dire qui éclaire ou qui est éclairé), parce que celui qui reçoit les paroles de vie pour nous les communiquer, éclaire les autres, et est éclairé lui-même par l’Esprit-Saint. Le chef de la synagogue se prosterne aux pieds de Jésus, parce que le législateur des Juifs, et toute la succession des patriarches reconnurent que le Christ fait homme leur était de beaucoup supérieur. Car si Dieu est la tête du Christ (1 Co 11), il est juste de voir dans ses pieds son incarnation par laquelle il a touché la terre de notre mortalité. Il prie Jésus d’entrer dans sa maison, parce qu’il désirait voir son avènement. Sa fille unique, c’est la synagogue, qui seule est établie en vertu d’une institution légale ; elle allait mourir, âgée seulement de douze ans (c’est-à-dire aux approches de sa puberté), parce qu’en effet, après avoir reçu des prophètes une éducation distinguée, elle devait, une fois parvenue à l’âge du discernement, produire pour Dieu des fruits spirituels ; mais la multiplicité de ses erreurs l’ayant fait tomber en langueur, elle ne put entrer dans les voies de la vie spirituelle, et si Jésus-Christ ne fût venu à son secours, elle eût succombé à une mort certaine. Tandis que le Seigneur se dirige vers la maison de la jeune fille qu’il va guérir, il est pressé par la foule, parce qu’en effet, il est comme accablé par les moeurs de ceux qui mènent une vie charnelle, alors qu’il annonce aux Juifs les enseignements du salut. — S. Ambr. Mais tandis que le Verbe de Dieu se rend chez cette fille du chef de la synagogue pour sauver les enfants d’Israël, la sainte Église, composée des Gentils, et qui allait périr victime de ses désordres et de ses crimes, dérobe par la foi la grâce de la guérison qui était réservée à d’autres. — Bède. Cette perte de sang peut s’entendre de deux manières, et de la prostitution de l’idolâtrie, et des honteuses jouissances de la chair et du sang. — S. Ambr. Mais que signifient cette fille du chef de la synagogue, qui meurt à l’âge de douze ans, et cette femme qui souffrait depuis douze ans d’une perte de sang, sinon que l’Église a été dans le travail et la souffrance, tant que la synagogue a existé ? — Bède. Car ce fut presque dans le même siècle que la synagogue prit naissance dans la personne des patriarches, et que les Gentils se souillèrent par les pratiques d’un culte idolâtrique.

S. Ambr. Cette femme avait épuisé toute sa fortune pour se faire traiter par les médecins ; ainsi le peuple des Gentils avait perdu tous les dons de la nature. — Bède. Ces médecins représentent ou les faux théologiens, ou les philosophes, et les docteurs des lois humaines, qui font de longues dissertations sur les vertus et sur les vices, et promettent aux hommes de leur donner des règles utiles pour les diriger dans la conduite de la vie. Ou bien encore, ces médecins sont les esprits immondes qui, sous le voile d’un intérêt hypocrite, se faisaient adorer par les hommes à la place de Dieu. Or, plus la gentilité avait dépensé de facultés naturelles pour écouter tous ces docteurs, et plus il était difficile de la purifier des souillures de ses crimes. — S. Ambr. Mais dès que la gentilité apprit que le peuple juif était lui-même malade, elle conçut l’espoir de sa guérison, elle reconnut que le temps était arrivé où un divin médecin devait descendre du ciel, elle se leva pour aller à sa rencontre, puisant un saint empressement dans sa foi, mais retenue par sa timidité naturelle ; car c’est le propre de la pudeur et de la foi de reconnaître son infirmité, sans désespérer du pardon. Elle touche le bord du vêtement du Sauveur honteuse et craintive, elle s’approche avec confiance, elle croit d’une foi religieuse et sincère, et reconnaît sagement qu’elle a obtenu sa guérison. Ainsi le peuple des Gentils qui a cru au vrai Dieu, a rougi des crimes auxquels il voulait renoncer, a embrassé la foi qu’il devait professer, fait preuve de piété dans ses prières, de sagesse, en reconnaissant sa guérison, de confiance, en avouant qu’il avait comme soustrait la grâce qui était destinée à d’autres. Cette femme s’approche de Jésus par derrière, pour toucher son vêtement, parce qu’il est écrit : « Vous marcherez après le Seigneur votre Dieu. » (Dt 13.) — Bède. Et Jésus-Christ lui-même a dit : « Si quelqu’un veut être mon serviteur, qu’il me suive. » (Jn 13.) Ou bien encore, parce que celui qui ne voit point le Seigneur dans sa chair mortelle, après l’accomplissement et la consommation des mystères de sa vie temporelle, marche cependant sur ses traces par la foi.

S. Grég. (Mor., 3, 11.) Tandis que la foule presse de tous côtés le Rédempteur, une seule femme le touche véritablement, parce que dans l’Église, tous ceux qui suivent les penchants de la chair pressent le Sauveur, dont ils sont cependant bien éloignés, et ceux-là seuls le touchent, qui lui sont véritablement unis par l’humilité. Ainsi la foule le presse sans le toucher, parce qu’elle est importune par sa présence, et absente par sa vie. — Bède. Ou bien encore, il n’y a qu’une seule femme pour toucher le Seigneur avec foi, parce qu’on ne peut chercher avec foi que par le coeur de l’Église catholique celui qui est affligé par le désordre des diverses hérésies. — S. Ambr. Ceux qui le pressent, ne croient point en lui, ceux-là seuls ont la foi, qui le touchent ; c’est par la foi que l’on touche Jésus-Christ, c’est par la foi qu’on le voit. Enfin, pour manifester la foi de cette femme qui le touche, il dit : « J’ai senti qu’une vertu était sortie de moi, » preuve évidente que la divinité n’est pas renfermée dans les bornes étroites de la nature humaine, et dans la prison du corps, mais que sa puissance éternelle déborde au delà des limites de notre faible nature. Ce n’est pas, en effet, par un acte de la puissance humaine, que le peuple des Gentils est délivré, c’est la grâce de Dieu qui réunit toutes les nations qui, par une foi encore imparfaite, inclinent vers elle la miséricorde éternelle. En effet, si nous considérons d’un côté l’étendue de notre foi ; de l’autre la grandeur du Fils de Dieu, nous verrons qu’en comparaison de cette grandeur divine, nous touchons seulement le bord de son vêtement, sans que nous puissions en atteindre le haut. Si donc nous voulons obtenir notre guérison, touchons par la foi le bord du vêtement de Jésus-Christ, personne ne peut le toucher sans qu’il le sache. Heureux celui qui touchera la moindre partie du Verbe, car qui peut le comprendre tout entier ?

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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