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Lc  8  49-56

S. Chrys. (hom. 32 sur S. Matth.) C’est par un dessein providentiel que Notre-Seigneur attendait que cette jeune fille fût morte, afin de rendre plus éclatant le miracle de sa résurrection ; c’est dans cette intention qu’il marche lentement, qu’il prolonge son entretien avec cette femme, jusqu’à ce que la fille du chef de la synagogue expirât, et que la nouvelle lui en fût apportée : « Comme il parlait encore, quelqu’un vint dire au chef de la synagogue : Votre fille est morte, » etc. — S. Augustin. (de l’acc. des Evang., 2, 28.) Que saint Matthieu raconte que le chef de la synagogue annonce au Seigneur, non que sa fille allait mourir, mais qu’elle était morte, tandis que saint Luc et saint Marc rapportent qu’elle n’était pas encore morte, tellement qu’ils ajoutent qu’on vint ensuite annoncer sa mort, il n’y a ici aucune contradiction. Saint Matthieu, pour abréger, a voulu dire tout d’abord, que le Seigneur fut prié de faire ce qu’il fit en réalité, c’est-à-dire, de ressusciter cette jeune fille qui était morte ; il a donc moins égard aux paroles du père, qu’à son désir et à sa volonté, ce qui est beaucoup plus important, sans doute. Si les deux autres Évangélistes, ou l’un d’eux seulement avait mis dans la bouche du père le langage de ceux qui vinrent de chez lui, c’est-à-dire, qu’il ne fallait pas davantage tourmenter Jésus, parce que la jeune fille était morte ; les paroles que lui prête saint Matthieu, seraient en opposition avec sa pensée, mais on ne lit nullement que le père se soit joint aux envoyés pour empêcher le divin Maître de venir. Aussi Notre-Seigneur, sans lui reprocher son manque de confiance, affermit au contraire sa foi et la rend inébranlable : « Jésus, ayant entendu cette parole, dit au père de la jeune fille : Croyez seulement et elle sera sauvée. » — S. Athan. (disc. sur la pass. et la croix du Seigneur.) Le Seigneur exige la foi de ceux qui l’invoquent, non qu’il ait besoin du secours d’autrui (puisqu’il est le maître et le distributeur de la foi), mais pour ne point paraître faire acception de personne dans la distribution de ses dons. Il montre ainsi qu’il n’accorde ses grâces qu’à ceux qui croient, parce qu’il ne veut pas que ses bienfaits tombent dans une âme dépourvue de foi, qui les laissera bientôt perdre par son infidélité, Il veut au contraire que la grâce de ses bienfaits persévère, et que la guérison qu’il accorde soit constante et durable.

Théophile. Avant de ressusciter cette jeune fille qui était morte, il fit sortir tout le monde, pour nous apprendre à fuir toute vaine gloire et à ne rien faire par ostentation Ainsi, lorsque Dieu donne à quelqu’un la grâce de faire des miracles, il ne doit point rester dans la foule, mais rechercher la solitude et se séparer du monde : « Etant arrivé à la maison, il ne permit à personne d’entrer avec lui, si ce n’est à Pierre, à Jacques et à Jean. » Il ne laisse entrer que les premiers de ses disciples, comme plus capables de tenir secret ce miracle, car il ne voulait pas qu’il fût divulgué avant les temps marqué, peut-être à cause de l’envie que lui portaient les Juifs. Ainsi, lorsque nous sommes pour un de nos frères un objet d’envie, gardons-nous de lui faire connaître nos bonnes oeuvres, pour ne pas donner à sa jalousie une nouvelle pâture. — S. Chrys. (hom. 32 sur S. Matth.) Il ne prit point avec lui les autres disciples, pour stimuler leurs désirs, et aussi parce que leurs dispositions n’étaient pas assez parfaites. Il choisit Pierre et les fils de Zébédée, pour exciter les autres à les imiter. Il prend aussi comme témoins les parents de la jeune fille, afin que personne ne pût s’inscrire en faux contre les preuves de cette résurrection. Remarquez encore qu’il fit retirer tous ceux qui pleuraient, et qu’il juge indignes de voir ce miracle : « Or, tous pleuraient et se lamentaient sur elle. » Si le Sauveur bannit alors les pleurs et les larmes, à plus forte raison, devons-nous maintenant imiter cet exemple ? Car on ne comprenait pas aussi clairement alors que la mort ne fût qu’un sommeil pour le chrétien. Que personne donc ne s’abandonne à une douleur exagérée, et ne fasse ainsi injure à la victoire que Jésus-Christ a remportée sur la mort, qui n’est plus maintenant qu’un simple sommeil, comme Notre-Seigneur l’établit, en ajoutant : « Ne pleurez pas, elle n’est, pas morte, mais elle dort. » Il montre ainsi que toutes choses lui sont faciles, et qu’il peut aussi facilement la rappeler à la vie que la réveiller de son sommeil : « Et ils se moquaient de lui, sachant bien qu’elle était morte. » Le Sauveur ne leur fait aucun reproche, il n’arrête pas leurs dérisions qui seront une preuve évidente de la mort de cette jeune fille. Comme la plupart du temps, les hommes, malgré les miracles dont ils sont témoins, persévèrent dans leur incrédulité, il veut les convaincre d’avance par leurs propres paroles, et pour les disposer à croire à la résurrection par le spectacle qu’ils avaient sous les yeux, il prend la main de la jeune fille : « Alors prenant sa main, il dit à haute voix : Jeune fille, levez-vous. » Et dès qu’il eut pris sa main, elle fut ressuscitée : « Et son âme revint dans son corps, et elle se leva à l’instant. » En effet, le Sauveur ne lui donne pas une âme différente de la sienne, mais il lui rend la même qu’elle avait perdue avec le dernier soupir. Non seulement il ressuscite cette jeune fille, mais il veut qu’on lui donne à manger : « Et Jésus commanda de lui donner à manger, » preuve évidente que cette résurrection n’était pas imaginaire. Et il ne veut pas lui donner à manger lui-même, il la fait servir par d’autres ; il agit de même dans la résurrection de Lazare, il dit à ses disciples : « Déliez-le, » et l’admet ensuite à sa table.

Sévère d’Antioche. Les parents de cette jeune fille sont plongés dans la stupeur et prêts à pousser des exclamations d’étonnement et de joie ; Jésus les contient : « Son père et sa mère étaient hors d’eux-mêmes d’étonnement, et il leur commanda de ne dire à personne ce qui était arrivé. » Il montre ainsi qu’il est l’auteur et la source de tous les biens, qu’il les répand sans aucune recherche personnelle, et qu’il donne tout sans rien recevoir. Celui, au contraire, qui poursuit avec empressement la vaine gloire dans ses bonnes oeuvres, donne, il est vrai d’un côté, mais pour recevoir de l’autre.

Bède. Dans le sens mystique, à peine cette femme malade d’une perte de sang, est-elle guérie, qu’on vient annoncer à Jésus la mort de la fille du chef de la synagogue. C’est qu’en effet, lorsque l’Église fut purifiée des souillures de ses vices, la synagogue expira aussitôt victime de son infidélité et de sa noire envie ; de son infidélité parce qu’elle refuse de croire en Jésus-Christ, de jalousie, parce qu’elle s’attrista de voir l’Église embrasser la foi.

S. Ambr. Les serviteurs du prince de la synagogue eux-mêmes ne pouvaient croire encore à la résurrection que Jésus-Christ avait prédite dans la loi (Ps 15), et qu’il accomplit plus tard sous le règne de l’Évangile, et ils disent au père de la jeune fille : « Ne le tourmentez pas davantage, » comme s’il lui était impossible de rappeler cette jeune fille à la vie. — Bède. C’est le même langage que tiennent encore aujourd’hui ceux qui regardent l’état de la synagogue comme tellement désespéré, qu’ils ne croient pas qu’elle puisse être jamais rétablie, mais ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu (Lc 18). Aussi le Sauveur dit au chef de la synagogue : « Ne craignez pas, croyez seulement, et elle sera sauvée. » Le père de la jeune fille représente la réunion des docteurs de la loi, s’ils consentent à embrasser la foi, la synagogue qui leur est soumise sera également sauvée. — S. Ambr. Lorsque Jésus fut venu dans la maison, il ne prit avec lui que quelques témoins de la résurrection qu’il allait opérer ; c’est qu’en effet, la résurrection n’a été crue d’abord que par un petit nombre. Mais pourquoi cette manière d’agir si différente ? Précédemment, il a ressuscité publiquement le fils d’une veuve ; ici il éloigne la foule des témoins ; dans cette première circonstance, Notre-Seigneur voulait manifester sa bonté, parce que la douleur de cette veuve qui pleurait son fils unique, ne souffrait aucun retard. Il voulait aussi dans sa sagesse, nous donner une figure, dans le fils de la veuve de Naïm, de l’Église, qui devait embrasser promptement la foi, et dans la fille du chef de la synagogue, les Juifs qui devaient croire, mais en très-petit nombre. Enfin, lorsque Notre-Seigneur leur dit : « Cette jeune fille n’est pas morte, mais elle dort. » Ils se riaient de lui, car quand on ne croit pas, on devient nécessairement moqueur. Laissons donc pleurer leurs morts à ceux qui les regardent comme morts sans retour ; avec la foi en la résurrection, il n’y a plus de mort, il n’y a plus qu’un sommeil passager. Quant à la synagogue qui a perdu la joie de l’époux qui faisait sa vie, elle reste étendue comme morte au milieu de ceux qui la pleurent, sans même comprendre le sujet de leurs larmes. — S. Ambr. Le Seigneur prend la main de la jeune fille pour la rappeler à la vie ; heureux celui que la sagesse prend ainsi par la main pour l’introduire dans sa maison, et commander qu’on lui donne à manger ! Car le Verbe de Dieu est vraiment le pain descendu du ciel, aussi entendez la Sagesse qui a multiplié sur les autels le corps et le sang d’un Dieu pour être notre nourriture, vous dire : « Venez, mangez le pain que je vous donne, et buvez le vin que je vous ai préparé. » (Pv 9.) — Bède. La jeune fille se leva à l’instant, car dès que Jésus-Christ prend et soutient la main de l’homme, son âme revient aussitôt à la vie. Or, il en est quelques-uns qui trouvent la mort de l’âme dans une simple pensée coupable qui ne se manifeste par aucun acte ; le Seigneur leur rend la vie dans la fille du chef de la synagogue. D’autres en viennent aux actes extérieurs du mal dans lequel ils se complaisent, et portent pour ainsi dire leur mort publiquement hors des portes, ils sont figurés par le fils de la veuve, que Jésus ressuscita hors des portes de la ville, et il montre ainsi qu’il peut les ressusciter. D’autres enfin sont ensevelis dans les habitudes du péché comme dans la corruption du tombeau, et la grâce du Sauveur est également puissante pour leur rendre la vie, c’est pour le prouver qu’il ressuscite Lazare, qui était déjà depuis quatre jours dans le tombeau. Or, plus les crimes qui ont donné la mort à l’âme sont graves, plus doit être vive la ferveur de la pénitence. Aussi, Notre-Seigneur parle à voix modérée pour ressusciter la jeune fille étendue morte dans la maison de ses parents ; il prend un ton plus élevé, et en dit davantage pour rappeler à la vie le jeune homme qu’on portait au tombeau ; mais pour ressusciter Lazare mort depuis quatre jours, il frémit en son esprit, il verse : des larmes, et jette un grand cri. Remarquons encore que les fautes publiques exigent un remède public, tandis que les péchés moins graves peuvent être effacés par les oeuvres secrètes de la pénitence. Cette jeune fille étendue morte dans la maison de ses parents, revient à la vie devant un petit nombre de témoins ; le fils de la veuve de Naïm est ressuscité hors de la maison et devant tout le peuple, et Lazare, rappelé du tombeau, eut pour témoins de sa résurrection un nombre considérable de Juifs.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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