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Lc  8  22-25

S. Cyrille. Les disciples étaient tous les jours témoins des bienfaits que Jésus-Christ répandait à profusion, il était juste qu’il en fît découler sur eux une partie ; nous ne voyons pas en effet du même oeil le bien que l’on fait aux autres, et celui qui nous est fait à nous-mêmes ; le Sauveur permet donc qu’ils soient exposés à une tempête sur la mer : « Un jour, étant monté sur une barque avec ses disciples, il leur dit : Passons à l’autre bord du lac, et ils partirent. » — S. Chrys. (hom. 29 sur S. Matth.) Saint Luc évite la question que pourrait soulever le temps précis où eut lieu ce miracle, en disant simplement que Jésus monta un jour sur une barque. Si cette tempête fût arrivée pendant que le Sauveur veillait, les disciples n’auraient eu aucune crainte, ou bien ils n’auraient pas cru que leur divin Maître pût opérer un si grand prodige ; il se laisse donc aller au sommeil pour donner à la crainte tout le temps de se développer : « Comme ils naviguaient, il s’endormit, et un vent impétueux s’éleva sur le lac. » — S. Ambr. L’Évangéliste nous a rapporté plus haut, qu’il passait les nuits en prière ; pourquoi donc le voyons-nous dormir ici pendant la tempête ? C’est pour exprimer la sécurité de la toute-puissance, qu’il repose seul sans crainte, alors que tous sont saisis d’effroi, mais ce sommeil n’atteignait que le corps ; et, comme Dieu, il avait l’oeil ouvert sur ses disciples pour les protéger ; car rien absolument ne se fait sans le Verbe. (Jn 1.)

S. Cyrille. C’est par un dessein particulier de la providence divine que les disciples ne crièrent pas au secours au premier moment que la barque fut assaillie par la tempête, mais lorsque le danger devint imminent, pour faire éclater davantage la toute-puissance du Sauveur : « Et ils étaient en péril, » dit l’Évangéliste. Le Sauveur le permit pour exercer leur vertu ; car en confessant la grandeur du danger, ils étaient forcés de reconnaître la grandeur du miracle qui les en délivrait. Lors donc que l’imminence du péril les eut jetés dans une crainte inexprimable, ils reconnaissent qu’ils n’ont plus d’autre espoir de salut que dans le Seigneur des vertus, et ils se déterminent à l’éveiller.

« S’approchant donc, ils le réveillèrent en disant : Maître, nous périssons. » — S. Augustin. (de l’acc. des Evang., 2, 24.) D’après saint Matthieu, ils lui auraient dit : « Seigneur, sauvez-nous, nous périssons ; » d’après saint Marc : « Maître, n’avez-vous pas de souci que nous périssions ? » De part et d’autre, ils expriment le même désir, de réveiller le Sauveur et d’être sauvés du danger. Il est tout à fait inutile de chercher quelle formule précise de prière les Apôtres ont employée ? Se sont-ils servi d’une de celles qui sont rapportées par ces trois Évangélistes, ou d’une autre dont aucun n’aurait parlé, mais dont les termes seraient équivalents ? peu importe. D’ailleurs, on peut fort bien admettre que tous les disciples s’empressèrent d’éveiller leur divin Maître, mais que chacun lui parla d’une de ces trois différentes manières.

S. Cyrille. Il était du reste impossible que les Apôtres, ayant avec eux le Tout-Puissant, pussent jamais périr. Aussi Jésus-Christ, qui exerce une puissance souveraine sur tout ce qui existe, apaise subitement la tempête et la fureur des vents : « Et la tempête cessa, et il se fit un grand calme. » Il prouve ainsi qu’il est le Dieu dont le Psalmiste a chanté : « Vous dominez la puissance de la mer, vous apaisez ses flots soulevés. » (Ps 88.) — Bède. Dans cet événement de sa vie, le Seigneur fait voir clairement en lui deux natures dans une seule et même personne, puisque nous le voyons livré au sommeil, comme homme, et apaisant d’un seul mot, comme Dieu, la fureur de la mer.

S. Cyrille. Or, Jésus apaise eu même temps la tempête extérieure de la mer, et la tempête intérieure des âmes : « Alors il leur dit : Où est donc votre foi ? » En leur parlant de la sorte, il nous apprend que ce n’est point la tentation, mais la faiblesse de l’âme qui produit la crainte ; car les tentations éprouvent la foi, comme le feu éprouve l’or. — S. Augustin. (de l’acc. des Evang.) Les autres Évangélistes rapportent diversement les paroles du Sauveur. D’après saint Matthieu, il aurait dit à ses disciples : « Pourquoi craignez-vous, hommes de peu de foi ? » suivant le récit de saint Marc : « Pourquoi craignez-vous ? est-ce que vous n’avez pas encore la foi ? c’est-à-dire la foi parfaite, comme le grain de sénevé. » D’après saint Marc, il leur reproche donc aussi leur peu de foi, tandis que d’après saint Luc, il leur demande : « Ou est votre foi ? » Or, Notre-Seigneur a pu fort bien employer toutes ces locutions diverses : « Pourquoi craignez-vous ? où est votre foi ? hommes de peu de foi, » et les Évangélistes nous rapportent chacun une d’entre elles.

S. Cyrille. A la vue de la tempête subitement apaisée à la parole de Jésus-Christ, les disciples, comme stupéfaits d’un tel miracle, s’interrogeaient les uns les autres : « Remplis de crainte et d’admiration, ils se disaient les uns aux autres, » etc. Ce n’est point par ignorance de ce qu’était Jésus, que les disciples parlent ainsi entre eux, car ils savaient très-bien qu’il était Dieu et Fils de Dieu ; mais ils sont remplis d’admiration à la vue de l’étendue de cette puissance qu’il possède de toute éternité, et de la gloire de sa divinité qu’il fait éclater dans ce corps visible et semblable au nôtre dont il s’est revêtu. « Et ils s’écrient : Quel est celui-ci ? » c’est-à-dire quelle grandeur, quelle puissance, quelle majesté ! car c’est une action faite avec empire, c’est le commandement d’un maître, ce n’est point l’humble demande d’un serviteur. — Bède. On peut dire aussi que ce ne sont pas les disciples, mais les matelots et ceux qui étaient avec eux dans la barque, qui sont remplis de crainte et d’admiration.

Dans le sens allégorique, cette mer, ce lac agités représentent l’agitation de la mer ténébreuse du monde. La barque est le symbole de l’arbre de la croix, à l’aide duquel les fidèles traversent les flots de cette mer du monde, et parviennent an rivage de la céleste patrie. — S. Ambr. Notre-Seigneur quitte ses parents pour monter dans cette barque, parce qu’il sait qu’il est venu dans le monde pour l’accomplissement de mystères tout divins. — Bède. Les disciples, sur l’invitation du Sauveur, montent avec lui dans la barque. Il leur dit en effet : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce lui-même, qu’il porte sa croix et qu’il me suive. » Pendant que les disciples font cette traversée, c’est-à-dire pendant que les fidèles foulent aux pieds le monde et méditent dans leur coeur les douceurs du repos éternel ; pendant que, poussés par le souffle de l’Esprit saint, et aussi parleurs propres efforts, ils rejettent à l’envi derrière eux les vanités inconstantes et perfides du monde, le Seigneur s’endort tout à coup, c’est-à-dire que le temps de la passion du Seigneur est arrivé, et que la tempête vient fondre sur la terre, parce que pendant le sommeil de la mort, qu’il consent à subir sur la croix, les flots de la persécution se soulèvent sous l’impulsion du souffle des démons (cf. Ps 3, 5). La patience du Seigneur n’en est point troublée, mais la faiblesse des disciples en est ébranlée et saisie d’effroi. Ils s’empressent donc de réveiller le Seigneur dans la crainte de périr pendant son sommeil, parce qu’en effet, après avoir été témoins de sa mort, ils désirent vivement sa résurrection, dont le retard prolongé les exposerait à une perte certaine. Le Sauveur se lève et commande avec menace à la tempête, c’est-à-dire, que par sa prompte résurrection d’entre les morts, il a détruit l’orgueil du démon qui avait l’empire de la mort. (He 2.) Il calme l’agitation des flots, c’est-à-dire qu’en ressuscitant, il fait tomber la rage des Juifs qui insultaient à sa mort. — S. Ambr. Il veut nous apprendre qu’il est impossible de traverser sans tentations le cours de cette vie, parce que la tentation est l’épreuve naturelle de la foi. Nous sommes donc exposés aux tempêtes soulevées par les esprits mauvais ; mais ayons soin, comme de vigilants matelots, d’éveiller le pilote de la barque qui ne cède pas aux vents, mais qui leur commande ; et lors même qu’il est éveillé, prenons garde qu’il ne dorme encore pour nous, en punition du sommeil de notre corps. Ceux qui se laissent aller à la crainte dans la compagnie de Jésus-Christ, méritent le juste reproche qu’il leur fait, car celui qui s’attache à lui ne peut périr. — Bède. Nous voyons quelque chose de semblable à ce qui se passe ici, lorsque Jésus apparut après sa mort à ses disciples, et leur reprocha leur incrédulité (Mc 16), et qu’ayant apaisé la mer agitée jusque dans ses profondeurs, il fit éclater aux yeux de tous la puissance de sa divinité.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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