Accueil > Bibliothèque > La Chaîne d’or > Évangile selon saint Luc > chapitre 8, versets 1-3
Théophile. Celui qui est descendu des cieux pour nous tracer la voie et nous donner l’exemple, nous enseigne à ne jamais négliger le devoir de l’instruction : « Et il arriva ensuite que Jésus parcourait les villes, » etc. — S. Grég. de Nazianze. Il va de pays en pays, non seulement pour gagner à Dieu un plus grand nombre d’âmes, mais encore pour consacrer par sa présence un plus grand nombre d’endroits. Il dort et se fatigue pour sanctifier notre sommeil et nos travaux ; il pleure pour donner du prix à nos larmes, il annonce les mystères du ciel pour élever et agrandir l’esprit de ceux qui l’écoutent. — Tite de Bostra. Celui qui est descendu du ciel sur la terre, annonce le royaume des cieux aux habitants de la terre, pour changer la terre et en faire un ciel anticipé. Mais qui peut annoncer dignement ce royaume, que le Fils de Dieu qui en est le souverain Maître ? Bien des prophètes ont paru sur la terre, mais sans annoncer le royaume des cieux, car comment auraient-ils pu parler des choses qu’ils n’avaient pas vues ? — S. Isidore. (Liv. XXIII, lettre 206.) Il en est qui pensent que ce royaume de Dieu est plus élevé et plus parfait que le royaume céleste ; d’autres prétendent au contraire que c’est le même dans sa nature, mais auquel on donne des noms différents. On l’appelle royaume de Dieu, parce qu’il a Dieu pour souverain ; et quelquefois le royaume des cieux, quand on considère ce royaume dans ses sujets, c’est-à-dire, dans les anges et les saints auxquels la sainte Écriture donne le nom de cieux.
Bède. Comme l’aigle qui excite ses petits à voler (Dt 32), le Seigneur élève successivement ses disciples vers les choses sublimes. Ainsi, il commence par enseigner dans les synagogues, et par faire des miracles, puis il choisit les douze auxquels il donne le nom d’Apôtres ; ensuite il les prend seuls avec lui, lorsqu’il va prêcher dans les villes et dans les bourgades, comme le rapporte l’Évangéliste : « Et les douze étaient avec lui. » — Théophile. Ce n’est ni pour enseigner ni pour prêcher qu’il les prend avec lui, mais pour continuer de les instruire. Afin de montrer que les femmes n’étaient point exclues de la suite de Jésus-Christ, l’Évangéliste ajoute : « Il y avait aussi quelques femmes qu’il avait délivrées des esprits malins, et guéries de leurs infirmités : Marie-Magdeleine, de laquelle étaient sortis sept démons. » — Bède. Marie-Magdeleine est celle dont saint Luc a raconté la pénitence dans le chapitre précédent. Admirons comment l’Évangéliste désigne cette femme sous son nom propre, lorsqu’il nous la montre à la suite du Sauveur, tandis qu’en racontant ses désordres et sa pénitence, il lui donne simplement le nom de femme, de peur que le scandale de ses premiers égarements ne flétrit un nom aussi connu que le sien. Sept démons étaient sortis d’elle, c’est-à-dire qu’elle avait été remplie de tous les vices. — S. Grég. Que signifient, en effet, ces sept démons, sinon tous les vices réunis. Comme la division des sept jours comprend l’universalité du temps, le nombre sept est le symbole de l’universalité, Marie-Magdeleine était donc possédée de sept démons, parce qu’elle avait en elle tous les vices.
« Et Jeanne, femme de Chusa, intendant de la maison d’Hérode, Suzanne, et plusieurs autres qui l’assistaient de leurs biens. » — S. Jérôme. (sur S. Mt 27.) Suivant une coutume des Juifs, et qui n’avait rien de répréhensible dans les moeurs anciennes de cette nation, les femmes se chargeaient de fournir à ceux qui les enseignaient la nourriture et le vêtement. Saint Paul nous apprend qu’il ne voulut point user de ce droit, pour ne pas scandaliser les Gentils (1 Co 9.) Ces femmes assistaient le Seigneur de leurs biens ; il était juste, en effet, qu’il moissonnât leurs biens temporels, alors qu’elles recueillaient de lui les richesses spirituelles. Ce n’est pas sans doute que le souverain Maître des créatures eût besoin d’être nourri par elles, mais il voulait être le modèle de tous ceux qui enseignent, et leur apprendre à se contenter de la nourriture et du vêtement que leur donneraient leurs disciples. — Bède. Marie veut dire mère pleine d’amertumes, à cause des gémissements de sa pénitence ; Magdeleine signifie tour, ou qui a la forme d’une tour, par allusion à cette tour dont parle le Roi-prophète : « Vous êtes devenu mon espérance, une forte tour contre l’ennemi (Ps 60). » Jeanne signifie grâce du Seigneur, ou le Seigneur miséricordieux, c’est-à-dire, que tout ce qui soutient notre vie, lui appartient. Or, si Marie purifiée de la souillure de ses vices, représente l’Église des nations, pourquoi Jeanne ne serait-elle pas aussi la figure de cette même Église, autrefois livrée au culte des idoles ? Ajoutons que tout malin esprit qui travaille à l’extension du royaume du démon, est comme l’intendant de la maison d’Hérode. Suzanne signifie loi ou grâce, à cause de la blancheur odoriférante d’une vie céleste, et de la flamme d’or de la charité intérieure.
Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.