Accueil > Bibliothèque > La Chaîne d’or > Évangile selon saint Luc > chapitre 3, versets 3-6
S. Ambr. Le Verbe s’est fait entendre, la voix suivit de près, car le Verbe agit d’abord à l’intérieur, et la voix lui sert ensuite d’instrument et d’interprète : « Et il vint dans toute la région du Jourdain. » — Origène. (hom. 2.) Le mot Jourdain signifie qui descend, parce que le fleuve des eaux salutaires descend des hauteurs de Dieu. Or quels lieux Jean-Baptiste devait-il parcourir de préférence, si ce n’est les bords du Jourdain ; ainsi lorsque le repentir touchait un coeur, on pouvait aussitôt recevoir le baptême de la pénitence dans les eaux du fleuve : « Prêchant le baptême de pénitence pour la rémission des péchés. » — S. Grég. (hom. 20.) Chacun voit par ces paroles que non seulement Jean prêchait le baptême de la pénitence, mais qu’il le donnait à quelques-uns, et cependant ce baptême ne pouvait en réalité remettre les péchés. — S. Chrys. (hom. 10 sur S. Matth.) Et quelle rémission des péchés était possible, alors que la victime pour les péchés du monde n’était pas encore immolée, et que l’Esprit saint n’était pas encore descendu sur la terre ? Pourquoi donc ces paroles de saint Luc : « Pour la rémission des péchés ? » Les Juifs étaient profondément ignorants, et vivaient dans une grande indifférence à l’égard de leurs fautes, c’était là la cause de tous leurs maux. Ce fut donc pour les obliger à reconnaître leurs péchés et à chercher le Rédempteur, que Jean vint les exhorter à faire pénitence, afin que contrits de leurs fautes et revenus à de meilleurs sentiments, ils fissent tous leurs efforts pour obtenir leur pardon. C’est donc avec dessein que l’Évangéliste, après avoir dit que « Jean vint prêchant le baptême de la pénitence, » ajoute : « Pour la rémission des péchés, » comme s’il disait. Il les exhortait à se repentir, pour les disposer à obtenir plus facilement leur pardon par la foi en Jésus-Christ. Si en effet ils n’avaient pas été conduits par la pénitence, ils n’auraient pas songé à demander la grâce de la rémission de leurs péchés. Or ce baptême les préparait à croire en Jésus-Christ. — S. Grég. (hom. 20.) Ou bien l’Évangéliste dit que Jean prêchait le baptême de la pénitence pour la rémission des péchés, parce qu’il avait la mission de prêcher le baptême qui remet les péchés, baptême qu’il ne pouvait donner. Ainsi de même qu’il était par le Verbe ou la parole de sa prédication le Précurseur du Verbe incarné, de même son baptême impuissant pour la rémission des péchés précédait le baptême de la pénitence qui les remet véritablement. — S. Ambr. C’est pour cela qu’il en est plusieurs qui virent dans saint Jean la figure de la loi, parce que la loi pouvait bien faire connaître le péché, mais ne pouvait le remettre.
S. Grég. de Nazianze. (Disc. 39.) Disons quelques mots de la nature et du caractère des différents baptêmes. Moïse a baptisé dans l’eau, dans la nuée et dans la mer (mais d’une manière figurative). Jean a baptisé, mais non pas selon le rit des Juifs, car il ne baptisait pas seulement dans l’eau, mais pour la rémission des péchés, cependant son baptême n’était pas tout à fait spirituel, car l’Évangéliste n’ajoute point : Par l’Esprit. Jésus baptise, mais par l’Esprit, et c’est le baptême parfait. Il est encore un quatrième baptême, le baptême du martyre et du sang que Jésus-Christ lui-même a voulu recevoir, baptême plus auguste et plus vénérable que les autres, parce qu’il n’est point exposé à être profané par les rechutes dans le péché. On peut encore compter un cinquième baptême, baptême des larmes, baptême laborieux, dans lequel David se purifiait en arrosant chaque nuit de ses larmes le lit où il prenait son repos.
« Comme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe (Is 40). Voix de celui qui crie dans le désert. » — S. Ambr. C’est avec raison que Jean-Baptiste, le Précurseur du Verbe est appelé « la voix, » car la voix précède le Verbe dont elle dépend, tandis que le Verbe qui vient après lui est supérieur. — S. Grég. (hom. 7 et 20.) Jean-Baptiste crie dans le désert, parce qu’il vient annoncer les consolations de la rédemption aux Juifs. abandonnés et plongés dans la détresse. Et quel était le sens de ses prédications ? « Préparez le chemin du Seigneur, » etc. Tout homme qui prêche la véritable foi et la nécessité des bonnes oeuvres, que fait-il autre chose que de préparer la voie du Seigneur dans les coeurs de ceux qui l’écoutent, et de rendre droits ses sentiers en faisant naître dans les âmes des pensées pures par ses saintes prédications. — Origène. (hom. 21.) Ou bien encore, c’est nous-mêmes qui devons préparer la voie au Seigneur dans notre coeur. Car le cœur de l’homme est grand et spacieux, si toutefois il est pur, car sa grandeur ne consiste pas dans les dimensions extérieures, mais dans la force de son intelligence qui le rend capable de contenir la vérité. Préparez donc par une vie sainte la voie au Seigneur dans votre coeur, redressez le sentier de votre vie par l’excellence et la perfection de vos oeuvres, afin que la parole de Dieu puisse pénétrer en vous sans obstacle. — S. Basile. (Ch. des Pèr. gr.) Ce sentier, c’est la voie qu’ont parcourue leurs ancêtres, et que les premiers hommes ont faussée et corrompue ; la parole de Dieu commande donc à ceux qui sont loin d’imiter le zèle de leurs pères de redresser de nouveau ce sentier. — S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr.) Ce n’était point à lui de crier : « Préparez la voie du Seigneur, » c’était l’office du Précurseur, et il est appelé la voix, parce qu’il était le Précurseur du Verbe.
S. Cyrille. (Liv. 3, sur Isaïe, ch. 40.) Jean-Baptiste prévient cette question qu’on pouvait lui faire : Comment préparerons-nous la voie du Seigneur ? Comment encore redresserons-nous ses sentiers ? Ceux qui veulent mener une vie vertueuse rencontrent tant d’obstacles ! Il y a, en effet, des chemins et des sentiers qui ne sont nullement praticables, parce que tantôt ils s’élèvent sur les collines et sur des endroits abruptes, tantôt ils descendent brusquement dans les vallées ; c’est pour éloigner cette difficulté que le saint Précurseur ajoute : « Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline seront abaissées. » C’est ce que Notre-Seigneur a opéré spirituellement par sa puissance. Autrefois, en effet, le chemin de la vertu et de la sainteté évangélique était difficile à parcourir, parce que les âmes étaient comme appesanties sous le poids des plaisirs sensuels ; mais aussitôt qu’un Dieu fait homme eut expié le péché dans sa chair (Rm 8), toutes les voies furent aplanies, aucune colline, aucune vallée ne fit plus obstacle à ceux qui voulaient avancer. — Origène. (hom. 22.) Lorsque Jésus fut venu et qu’il eut envoyé son Esprit, toute vallée a été remplie de bonnes oeuvres et des fruits de l’Esprit saint ; si vous possédez ces fruits, non seulement vous cesserez d’être une vallée, mais vous commencerez à devenir la montagne de Dieu. — S. Grég. de Nysse. (Ch. des Pèr. gr.) Ou bien les vallées sont ici la figure de la pratique paisible et tranquille des vertus, selon cette parole du Roi-prophète : Les vallées seront pleines de froment. » (Ps 69.) — S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr.) Sous le nom de montagne, Jean-Baptiste désigne les orgueilleux et les superbes que Jésus-Christ a humiliés, les collines sont ceux qui sont désespérés, non seulement à cause de l’orgueil de leur esprit, mais par suite de l’impuissance et de la stérilité de leur désespoir, car une colline ne produit aucun fruit. — Origène. (hom. 22.) Par ces collines et ces montagnes, vous pourriez encore entendre les puissances ennemies qui ont été abaissées par la venue du Christ. — S. Basile. Comme les collines, si on les compare aux montagnes, en diffèrent par la grandeur, mais leur sont semblables pour le reste ; ainsi les puissances ennemies sont toutes égales par la volonté qu’elles ont de nous nuire, mais diffèrent entre elles par l’énormité du mal qu’elles causent. — S. Grég. (hom. 20.) Ou bien cette vallée qui croît en se comblant, cette montagne qui décroît en s’abaissant, c’est la gentilité que la foi en Jésus-Christ a remplie de la plénitude de la grâce, et les Juifs qui, par leur coupable perfidie, ont perdu cette hauteur dont ils étaient si fiers, car les humbles reçoivent les grâces que les superbes éloignent de leur coeur par leur orgueil. — S. Chrys. (hom. 40 sur S. Matth.) Ou bien par cette comparaison il nous apprend qu’aux difficultés de la loi va succéder la facilité de la foi, comme s’il disait : Vous n’aurez plus à craindre ni travaux pénibles, ni douleurs, mais la grâce et la rémission des péchés vous ouvriront une voie facile pour arriver au salut. — S. Grég. de Nysse. Ou bien, il ordonne de combler les vallées et d’abaisser les collines et les montagnes, pour nous apprendre que la vertu bien réglée ne doit ni présenter de vide causé par le défaut des bonnes oeuvres, ni offrir d’inégalités par l’excès du bien. — S. Grég. (hom. 20.) Les chemins tortueux deviennent droits lorsque les coeurs des méchants, que l’iniquité avait rendus tortueux, rentrent dans la droiture de la justice, et les chemins raboteux deviennent unis, lorsque les âmes irascibles et violentes reviennent à la bénignité de la douceur par l’infusion de la grâce céleste.
S. Chrys. Le saint Précurseur motive ensuite la nécessité de tous ces changements : « Et toute chair verra le salut de Dieu. » Il nous apprend ainsi que la vertu et la connaissance de l’Évangile se répandront jusqu’aux extrémités de la terre pour changer en douceur et en bonté les moeurs féroces et l’opiniâtre volonté du genre humain. Ce ne sont pas seulement les Juifs appelés prosélytes, mais toute la nature humaine qui est appelée à contempler le salut de Dieu. — S. Cyrille. (sur Isaïe, 3, 40.) C’est-à-dire le salut de Dieu le Père qui a envoyé son Fils pour être notre Sauveur. La chair est prise ici pour l’homme tout entier. — S. Grég. (hom. 20.) Ou bien dans un autre sens, toute chair, c’est-à-dire tout homme, n’a pu voir en cette vie le salut de Dieu qui est Jésus-Christ ; le saint prophète porte donc ses regards jusqu’au jour du jugement dernier, où tous les hommes, les réprouvés comme les élus, verront également le salut de Dieu.
Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.