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Lc  3  7-9

Origène. (hom. 22.) Celui qui persévère dans son premier état de vie, et qui ne quitte ni ses moeurs ni ses habitudes, n’est pas digne de se présenter au baptême. S’il veut mériter cette grâce, qu’il sorte tout d’abord de sa vie ancienne. Aussi l’Évangéliste dit-il en termes exprès : « Jean-Baptiste s’adressait à la foule qui sortait pour être baptisée par lui. » C’est donc à la foule qui sortait pour venir à son baptême, qu’il adresse les paroles suivantes, car si elle fût entièrement sortie, il ne l’eût pas appelée race de vipères. — S. Chrys. (hom. 41 sur S. Matth.) Cet habitant du désert, à la vue de tous les habitants de la Palestine qui l’entourent, pleins d’admiration pour sa personne, ne se laisse pas influencer par ces témoignages de profonde vénération, mais il s’élève avec force contre eux, et ne craint pas de leur reprocher leurs crimes. (Et hom. 12 sur la Gen.) La sainte Écriture caractérise ordinairement les hommes en leur donnant des noms d’animaux en rapport avec les passions qui les dominent, elle les appelle des chiens à cause de leur insolence, des chevaux à cause de leur penchant à la luxure, des ânes à cause de leur défaut d’intelligence, des lions et des léopards à cause de leur voracité et de leur caractère violent, des aspics à cause de leur esprit rusé, des serpents et des vipères à cause de leur venin et de leurs démarches tortueuses, et c’est pour cela que Jean-Baptiste appelle ouvertement les Juifs, « race de vipères. »

S. Basile. (cont. Eunom., 2.) Les noms de fils et d’engendré se donnent aux êtres animés ; le mot race peut s’appliquer au germe avant sa formation, on donne aussi quelquefois ce nom aux productions des arbres ; mais rarement on l’emploie en parlant des animaux, et toujours en mauvaise part. — S. Chrys. (sur S. Matth.) On dit que la vipère tue le mâle qui la féconde, et que les petits, à leur tour, tuent leur mère en naissant, et viennent au monde en déchirant son sein, comme pour venger la mort de leur père. La race de la vipère est donc une race parricide. Tels étaient les Juifs qui mettaient à mort leurs pères spirituels et leurs docteurs. Mais comment expliquer ce langage, puisque les Juifs ne persévèrent plus dans leurs péchés, mais qu’ils commencent à se convertir ? Au lieu de les outrager, ne devait-il pas chercher à les attirer ? Nous répondons que Jean ne s’arrêtait pas à ces démonstrations extérieures, Dieu lui avait révélé le secret de leurs coeurs, et il y voyait qu’ils étaient trop fiers de leurs ancêtres. C’est pour détruire dans sa racine cette vaine présomption, qu’il les appelle « race de vipères, » sans faire remonter ce reproche jusqu’aux patriarches, qu’il se garde bien de traiter de la sorte. — S. Grég. (hom. 20.) Il se sert de cette expression, parce que pleins d’envie à l’égard des justes qu’ils persécutaient, ils suivaient en cela les voies de leurs ancêtres selon la chair, semblables à des enfants infectés du poison que leurs pères, remplis eux-mêmes de venin, leur ont communiqué en leur donnant le jour. Comme les paroles qui précèdent, se rapportent à la manifestation de Jésus-Christ en présence de tous les hommes au jour du jugement dernier, Jean-Baptiste leur dit : « Qui vous a enseigné à fuir la colère à venir ? » La colère à venir, ce sont les effets de la vengeance du dernier jour. — S. Ambr. Nous voyons par là que la miséricorde de Dieu leur avait inspiré la prudence qui les portait à se repentir de leurs péchés, en redoutant, par une religieuse prévoyance, les terreurs du jugement dernier. Ou bien peut-être, le saint Précurseur veut-il dire que, conformément à ces paroles du Sauveur : « Soyez prudents comme des serpents, » les Juifs ont cette prudence naturelle qui fait voir et rechercher ce qui est utile, mais qui n’est pas assez puissante pour éloigner entièrement de ce qui est nuisible.

S. Grég. (hom. 20.) Comme le pécheur qui ne recourt pas maintenant aux larmes de la pénitence, ne pourra se dérober alors aux effets de la colère de Dieu, Jean-Baptiste ajoute : « Faites donc de dignes fruits de pénitence. » — S. Chrys. (hom. 10 sur S. Matth.) En effet, il ne suffit pas aux pécheurs repentants de renoncer à leurs péchés, il faut encore qu’ils produisent des fruits de pénitence, selon cette parole du Psalmiste : « Eloignez-vous du mal, et faites le bien » (Ps 30) ; de même qu’il ne suffit pas pour être guéri, d’arracher le fer de la plaie, mais il faut encore appliquer sur la blessure les médicaments qui doivent hâter sa guérison. Jean-Baptiste ne dit pas ici : Faites du fruit, mais : « Faites des fruits, » pour indiquer qu’elle en doit être l’abondance. — S. Grég. (hom. 20.) Ce ne sont pas seulement des fruits, mais de dignes fruits de pénitence qu’ils doivent produire. Celui, en effet, qui n’a commis aucune action défendue, peut se permettre l’usage des choses licites. Mais celui qui est tombé dans des fautes graves, doit s’interdire d’autant plus rigoureusement les choses permises, qu’il se souvient d’en avoir commis de défendues. Les fruits des bonnes oeuvres ne doivent pas être les mêmes pour celui qui s’est rendu moins coupable et pour celui qui l’est davantage, pour celui qui n’est tombé dans aucun crime, et pour celui qui en a plusieurs à se reprocher. Le saint Précurseur fait donc ici un appel à la conscience de chacun, pour l’engager à devenir d’autant plus riche en bonnes oeuvres, qu’il a éprouvé par ses fautes des pertes plus considérables. — S. Maxime. (Ch. des Pèr. gr.) Le fruit de la pénitence, c’est une espèce d’impassibilité de l’âme vis-à-vis du mal, impassibilité qui ne nous est pleinement acquise que lorsque nous sommes insensibles aux instigations de nos passions ; jusque là, nous n’avons pas fait de dignes fruits de pénitence. Que notre repentir soit donc sincère, afin que, délivrés de nos passions, nous obtenions le pardon de nos péchés.

S. Grég. (hom. 22.) Mais les Juifs, fiers de la noblesse de leurs ancêtres, ne voulaient point se reconnaître pécheurs, parce qu’ils descendaient de la race d’Abraham. Aussi Jean-Baptiste les pousse dans ce dernier retranchement : « Et ne vous mettez point à dire : Abraham est notre père. » — S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr.) Il ne leur conteste pas qu’ils descendent d’Abraham par une filiation naturelle, mais il veut leur faire entendre qu’il ne leur sert de rien de descendre d’Abraham, s’ils ne peuvent montrer en même temps la descendance qui vient de la vertu. En effet, dans le style de l’Écriture, les liens de la parenté ne sont pas ceux qui sont formés par le sang, mais ceux qui viennent de la ressemblance des vertus ou des vices, et chacun est appelé le fils ou le frère de ceux dont il reproduit en lui la ressemblance. — S. Cyrille. Que sert, en effet, d’être d’une descendance illustre, si on ne cherche à l’appuyer, à la maintenir par de nobles instincts. C’est donc une vanité que de se glorifier de la noblesse et des vertus de ses ancêtres, et de ne prendre aucun souci d’imiter leurs vertus. — S. Basile. (Ch. des Pèr. gr.) Ce n’est point l’agilité de son père qui rend un cheval prompt à la course. Or, de même que ce qui fait le mérite de tous les autres animaux, ce sont les qualités personnelles ; ainsi ce qui rend un homme digne d’éloges, ce sont les bonnes oeuvres dont il peut donner la preuve ; car il est honteux de se parer de la gloire d’autrui, quand on ne peut la soutenir par ses vertus personnelles.

S. Grég. de Nysse. Après avoir prédit l’exil des Juifs et prophétisé leur réprobation, il prédit comme une suite nécessaire la vocation des Gentils, qu’il appelle des pierres : « Je vous déclare, » etc. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Il semble leur dire : Ne croyez pas que si vous venez à périr, le patriarche Abraham cessera d’avoir des enfants ; car Dieu peut susciter des hommes de ces pierres mêmes, et en faire de véritables enfants d’Abraham. Et c’est ce qu’il a fait autrefois ; car en faisant naître un fils du sein stérile de Sara, n’a-t-il pas opéré un prodige semblable à celui de faire sortir des hommes des pierres elles-mêmes. — S. Ambr. Mais quoique Dieu puisse à son gré changer et transformer les natures créées, cependant le mystère que renferme ces paroles m’est plus avantageux que le miracle ; car qu’étaient-ils autre chose que des pierres ceux qui adoraient des idoles de pierre, semblables à ceux qui les avaient faites ? Jean-Baptiste prophétise donc que la foi pénétrera les coeurs de pierre des Gentils, et prédit qu’ils deviendront, par la foi, de véritables enfants d’Abraham. Pour nous faire mieux comprendre quels hommes il a comparés à des pierres, il les compare encore à des arbres, dans les paroles suivantes : « La cognée est déjà à la racine de l’arbre. » Il change de comparaison pour vous faire comprendre par cette allégorie déjà plus relevée, qu’il s’est fait dans l’homme un certain progrès qui les approche du bien.

Origène. (hom. 23.) Si la consommation de toutes choses était proche, si nous touchions à la fin des temps, il n’y aurait pour moi aucune difficulté, et je dirais tout simplement que cette prophétie doit recevoir alors son accomplissement. Mais puisqu’il s’est écoulé tant de siècles depuis cette prédiction de l’Esprit saint ; je pense que cette prophétie s’adresse au peuple juif, à qui Jean-Baptiste prédit sa destruction prochaine ; car c’est à ceux qui venaient à lui pour être baptisés qu’il tenait ce langage. — S. Cyrille. (Ch. des Pèr. gr.) Cette cognée qui doit les frapper dans le temps présent, c’est la vengeance exterminatrice qui vint fondre sur les Juifs du haut du ciel, pour punir l’attentat impie et sacrilège qu’ils commirent sur la personne de Jésus-Christ. Il ne dit point cependant que la cognée va trancher la racine, mais qu’elle a été mise à la racine de l’arbre, (c’est-à-dire auprès de la racine), car les branches ont été retranchées sans que l’arbre ait été détruit jusque dans sa racine, parce que les restes du peuple d’Israël doivent être sauvés.

S. Grég. (hom. 20.) Ou bien dans un autre sens, cet arbre c’est le genre humain tout entier. La cognée, c’est notre Rédempteur, que l’on peut tenir par l’humanité dont il s’est revêtu, et qui est comme le manche de la cognée, mais qui tient de la divinité la vertu de couper et de retrancher. Cette cognée est déjà mise à la racine de l’arbre ; car bien qu’elle attende avec longanimité, on voit cependant le coup qu’elle s’apprête à frapper. Et remarquez qu’il ne dit point : La cognée est déjà placée sur les branches, mais : « A la racine. » En effet, lorsque les enfants des méchants sont détruits, ce sont les branches de l’arbre stérile qui sont retranchées. Mais lorsque toute la race des méchants est exterminée avec son père, c’est l’arbre infructueux qui est coupé jusque dans sa racine. Or, tout homme vicieux et criminel doit s’attendre à être jeté dans le feu de l’enfer qui lui a été préparé pour punir sa négligence à produire le fruit des bonnes oeuvres. — S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr.) Le saint Précurseur dit judicieusement : « Qui ne fait point de fruit, et même de bon fruit ; » car Dieu a créé l’homme pour travailler et pour produire, et l’application persévérante au travail lui est naturelle, tandis que l’oisiveté est contre sa nature. En effet, l’inaction est nuisible à tous les membres de son corps, mais bien plus encore à son âme, qui, étant essentiellement active, ne peut rester un instant dans l’oisiveté. Mais de même que l’oisiveté est funeste, le mouvement et le travail ont aussi leur danger (lorsqu’ils servent au mal.) Après avoir exhorté à faire pénitence, il annonce que la cognée est à la racine, non encore pour couper et pour retrancher, mais pour menacer et inspirer une salutaire terreur. — S. Ambr. Que celui donc qui le peut, produise des fruits de grâce ; que celui pour qui c’est un devoir rigoureux, fasse des fruits de pénitence ; voici le Seigneur qui vient chercher des fruits, et donner la vie à ceux qui produisent des fruits abondants, et condamner ceux qui sont stériles.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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