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Lc  21  12-19

S. Grég. (hom. 35 sur les Evang.) Comme les calamités que le Sauveur vient de prédire, ne viennent pas de l’injustice de Dieu qui les envoie, mais sont un juste châtiment des crimes du monde, Notre-Seigneur fait connaître ces attentats des hommes pervers : « Avant que toutes ces choses arrivent, ils se saisiront de vous, » etc., c’est-à-dire, le trouble s’emparera des coeurs des hommes avant qu’il s’étende aux éléments ; on saura ainsi, lorsque l’ordre de la nature sera bouleversé, quelle tribulation en est la cause ? car bien que la fin du monde soit une conséquence des éléments qui le composent, le Sauveur nous fait connaître que les hommes qui vivront alors seront justement écrasés sous ses ruines en punition de leurs crimes énormes. — S. Cyrille. Ou encore, Notre-Seigneur veut parler ici des persécutions que ses disciples eurent à souffrir des Juifs, qui les jetèrent en prison et les traînèrent devant les tribunaux avant la prise de Jérusalem par les Romains. C’est ainsi que saint Paul fut envoyé à Rome pour être jugé par César, et qu’il comparut devant Festus et Agrippa.

« Et ce sera pour vous une occasion de rendre témoignage. » Le grec porte : « Pour le martyre (εις μαρτυριον), c’est-à-dire, d’obtenir la gloire du martyre. — S. Grég. (hom. 35.) Ou bien encore, pour être en témoignage contre eux, parce qu’ils vous ont persécutés et mis à mort, ou parce qu’ils n’ont pas imité dans leur vie les exemples que vous leur avez donnés, ou parce que ces exemples qui ont été pour les élus un principe de vie, sont devenus pour les méchants une cause de mort sans excuse. Mais ces terribles prédictions pouvaient jeter le trouble dans le coeur de ceux qui les entendaient, le Sauveur ajoute donc pour les consoler : « Gravez cette pensée dans vos coeurs, de ne point préméditer ce que vous devrez répondre. » — Théophile. Comme les Apôtres étaient sans instruction et sans lettres, Notre-Seigneur leur recommande de ne point se troubler lorsqu’ils sont appelés à rendre compte de leur conduite devant les sages du monde, et il en donne la raison : « Car je mettrai moi-même sur vos lèvres des paroles et une sagesse à laquelle tous vos ennemis ne pourront résister et qu’ils ne pourront contredire, » c’est-à-dire, vous recevrez à l’instant de moi l’éloquence et la sagesse, de sorte que tous vos ennemis, quand ils réuniraient tous leurs efforts, ne pourront vous résister, ni par leur sagesse (c’est-à-dire, par la force des raisonnements), ni par l’éloquence et par l’élégance du langage. Il en est beaucoup, en effet, qui ont un grand fond de sagesse, mais qui, faciles à troubler, voient se confondre toutes leurs idées lorsque le moment est venu de les exposer. Tels ne furent point les Apôtres, qui reçurent le double don de la sagesse et de la parole. — S. Grég. Le Sauveur semble leur dire : Ne vous effrayez pas, vous marchez au combat, mais c’est moi qui combats pour vous ; vous prononcez les paroles, mais c’est moi qui les forme sur vos lèvres. — S. Ambr. Tantôt c’est Jésus-Christ qui parle par la bouche de ses disciples, tantôt c’est le Père (Mt 16), tantôt enfin l’Esprit saint. (Mt 10) Ces divers passages, loin de se contredire, s’accordent parfaitement, car ce que l’un dit, les trois le disent également, parce que la Trinité n’a qu’une seule et même voix.

Théophile. Après leur avoir ainsi parlé, pour dissiper la crainte que pouvait leur inspirer leur ignorance, il les prémunit contre un autre danger non moins important, qui aurait pu aussi jeter le trouble dans leurs coeurs, s’il les avait surpris à l’improviste : « Vous serez même trahis et livrés par vos pères, par vos frères, par vos amis, et on en fera mourir plusieurs d’entre vous. » — S. Grég. (hom. 35.) Les épreuves les plus cruelles nous viennent de ceux sur l’affection desquels nous croyions pouvoir compter, parce qu’aux souffrances extérieures viennent se joindre alors la douleur de l’affection que nous avons perdue. — S. Grég. de Nysse. Considérons quelle était alors la situation de la société. Dans toutes les familles divisées par la différence de religion, on était suspect les uns aux autres. Le fils encore idolâtre trahissait ses parents devenus chrétiens ; le père, obstiné dans son infidélité, devenait l’accusateur de son fils qui avait embrassé la foi. Tous les âges étaient exposés à la persécution, et les femmes elles-mêmes, n’en étaient pas à l’abri par la faiblesse naturelle de leur sexe.

Théophile. Notre-Seigneur leur prédit ensuite la haine universelle dont ils seront l’objet : « Et vous serez haïs de tout le monde à cause de mon nom. » — S. Grég. (Hom. 35.) Mais comme ces prédictions qui leur montrent une mort cruelle en perspective ont quelque chose d’effrayant et de redoutable, il les console aussitôt par l’espérance des joies de la résurrection : « Cependant il ne se perdra pas un seul cheveu de votre tête, » c’est-à-dire : Pourquoi craindriez-vous de voir périr ce que vous ne pouvez perdre sans douleur, puisque même ce qui peut vous être retranché sans vous causer aucune souffrance, ne peut périr ? — Bède. Ou bien encore : Il ne périra pas un seul cheveu de la tête des disciples, parce que non seulement les grandes actions et les paroles des saints, mais encore leurs moindres pensées recevront de Dieu leur juste récompense.

S. Grég. (Moral., 5, 13.) Celui qui pratique la patience dans l’adversité, puise sa force contre toutes les tribulations, par le même principe qui lui fait remporter la victoire sur lui-même : « Vous posséderez vos âmes dans la patience. » Qu’est-ce que posséder son âme, c’est mener une vie entièrement irréprochable, et comme du haut d’une forteresse, dominer par la vertu tous les mouvements de son coeur. — S. Grég. (hom. 35.) Ainsi nous possédons nos âmes par la patience, parce qu’en nous dominant nous-mêmes, nous commençons à être les maîtres de ce que nous sommes. La possession de l’âme dépend de la vertu de patience, parce que la patience est la racine et la gardienne de toutes les vertus. Or, la patience consiste à supporter avec calme les épreuves qui nous viennent d’autrui, et à ne nourrir aucun ressentiment contre ceux qui en sont la cause.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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