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Lc  1  39-46

Bède. Aussitôt que l’ange a obtenu le consentement de la Vierge, il remonte vers les cieux : « Et l’ange s’éloigna d’elle. » — Eusèbe. (vel Geometer, ubi sup.) Il la quitte non seulement satisfait d’avoir obtenu ce qu’il désirait, mais plein d’admiration pour la perfection de cette divine Vierge et pour la sublimité de sa vertu.

S. Ambr. L’ange qui annonçait à Marie des choses aussi mystérieuses, lui donne pour affermir sa foi, l’exemple d’une femme stérile qui était devenue mère. A cette nouvelle, Marie s’en va vers les montagnes de Judée. Quoi donc ? Est-ce qu’elle ne croit point aux paroles de l’ange ? est-ce qu’elle n’est point certaine de la divinité de son message ? Est-ce qu’elle doute de l’exemple qu’il lui donne ? non, c’est un saint désir qui la transporte, c’est un sentiment religieux du devoir qui la pousse, c’est une joie divine qui lui inspire cet empressement « Marie partit et s’en alla dans les montagnes, » etc. Toute remplie de Dieu qu’elle est, où pourrait-elle diriger ses pas, si ce n’est vers les hauteurs. — Origène. (hom. 7.) Jésus qu’elle portait dans son sein, avait hâte lui-même d’aller sanctifier Jean-Baptiste, qui était encore dans le sein de sa mère : « Elle s’en alla en toute hâte, » etc. — S. Ambr. La grâce de l’Esprit saint ne connaît ni lenteurs ni délais. Apprenez de la Vierge chrétienne à ne point vous arrêter sur les places publiques et à ne prendre aucune part aux conversations qui s’y tiennent. — Théophile. Elle va vers les montagnes, parce que c’est là qu’habitait Zacharie : « En une ville de Juda, et elle entra dans la maison de Zacharie. » — S. Ambr. Apprenez aussi, femmes chrétiennes, les soins empressés que vous devez à vos parentes, lorsqu’elles sont sur le point d’être mères. Voyez Marie, elle vivait seule auparavant dans une profonde retraite, aujourd’hui ni la pudeur naturelle aux vierges ne l’empêche de paraître en public, ni les montagnes escarpées n’arrêtent son zèle, ni la longueur du chemin ne lui fait retarder le bon office qu’elle va rendre à sa cousine. Vierges de Jésus-Christ, apprenez encore quelle fut l’humilité de Marie. Elle vient vers sa parente, elle vient, elle la plus jeune, visiter celle qui est plus âgée, et non seulement elle la prévient, mais elle la salue aussi la première : « Et elle salue Elisabeth. » En effet, plus une vierge est chaste, plus aussi son humilité doit être grande, plus elle doit avoir de déférence pour les personnes plus âgées ; celle qui fait profession de chasteté, doit aussi être maîtresse en humilité. Il y a encore ici un motif de charité, le supérieur vient trouver son inférieur pour lui venir en aide, Marie vient visiter Elisabeth, Jésus-Christ, Jean-Baptiste. — S. Chrys. (sur. Matth., hom. 4.) Disons encore que Marie cachait avec soin ce que l’ange lui avait dit, et ne le découvrait à personne ; elle savait qu’on n’ajouterait point foi à un récit aussi merveilleux, et elle craignait qu’il ne lui attirât des outrages, et qu’on ne l’accusât de vouloir ainsi pallier son crime et son déshonneur. — S. Grég. (Géom., comme précéd.) C’est près d’Elisabeth seule qu’elle va se réfugier ; elle avait coutume d’en agir ainsi à cause de sa parenté qui les unissait, et plus encore à cause de la conformité de leurs sentiments et de leurs moeurs.

S. Ambr. Les bienfaits de l’arrivée de Marie et de la présence du Seigneur se font immédiatement sentir : « Aussitôt qu’Elisabeth eut entendu la voix de Marie qui la saluait, son enfant tressaillit, » etc. Remarquez ici la différence et la propriété de chacune des paroles de l’auteur sacré. Elisabeth entendit la voix la première, mais Jean ressentit le premier l’effet de la grâce ; elle entendit d’après l’ordre naturel, mais Jean tressaillit par suite d’une action toute mystérieuse ; l’arrivée de Marie se fait sentir à Elisabeth, la venue du Seigneur à Jean-Baptiste. — S. Grég. (ou Géom., comme précéd.) Le prophète voit et entend plus clairement que sa mère, il salue le prince des prophètes, et au défaut de la parole qui lui manque, il tressaille dans le sein de sa mère (ce qui est le signe le plus expressif de la joie) ; mais qui jamais a ressenti ces tressaillements de la joie avant sa naissance ? La grâce produit, des effets inconnus à la nature : le soldat renfermé dans les entrailles de sa mère reconnaît son Seigneur et son roi dont la naissance approche, l’enveloppe du sein maternel n’est point un obstacle à cette vision mystérieuse ; car il le voit non des yeux ou du corps, mais des yeux de l’âme. — Origène. (Ch. des Pèr. gr.) Il ne fut pas rempli de l’Esprit saint avant l’arrivée de celle qui portait Jésus-Christ dans son sein, et c’est au même instant qu’il en fut rempli et qu’il tressaillit dans les entrailles de sa mère : « Et Elisabeth fut remplie de l’Esprit saint. » Nul doute qu’Elizabeth n’ait dû à son fils d’avoir été elle-même remplie de l’Esprit saint.

S. Ambr. Elisabeth s’était dérobée aux regards du monde du moment qu’elle avait conçu un fils, elle commence à se produire, glorieuse qu’elle est de porter dans son sein un prophète ; elle éprouvait alors une espèce de honte, maintenant elle bénit Dieu : « Et s’écriant à haute voix, elle dit : Vous êtes bénie entre toutes les femmes, » elle s’écrie à haute voix, aussitôt qu’elle ressent l’arrivée du Seigneur, parce qu’elle crut à la divinité de l’enfantement de Marie. — Origène. (Ch. des Pèr. qr.) Elle lui dit « Vous êtes bénie entre toutes les femmes ; elle est la seule qui ait reçu et qui ait pu recevoir une si grande abondance de grâce, car elle seule est la mère d’un enfant divin. — Bède. Elisabeth la bénit dans les mêmes termes que l’ange Gabriel, pour montrer qu’elle est digne de la vénération des anges et des hommes. — Théophile. Mais les siècles précédents avaient vu d’autres saintes femmes qui ont donné le jour à des enfants souillés par le péché ; elle ajoute donc : « Et le fruit de vos entrailles est béni. » Ou dans un autre sens elle venait de dire : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes ; » elle en donne maintenant la raison comme si quelqu’un la lui demandait : « Et le fruit de vos entrailles est béni, » etc., c’est ainsi que nous lisons dans le psaume 117 : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Le Seigneur est le vrai Dieu, et il a fait paraître sa lumière sur nous, » car suivant l’usage de l’Écriture, et a le même sens que parce que. — Origène. Elle appelle le seigneur le fruit des entrailles de la mère de Dieu, parce qu’il n’a point un homme pour père, et qu’il est né de Marie seule, car ceux qui sont nés d’un père mortel, sont considérés comme ses fruits. — S. Grég. (ou Géom.) C’est donc ici le seul fruit vraiment béni, parce qu’il a été produit sans le concours de l’homme et l’influence du péché. — Bède. C’est ce fruit que Dieu promettait à David en ces termes : « J’établirai sur votre trône le fruit de vos entrailles. » — Eusèbe. Le Christ est le fruit des entrailles de Marie, cette vérité suffit pour détruire l’hérésie d’Eutychès : car tout fruit est de même nature que la plante ; par une conséquence nécessaire, la Vierge est donc de même nature que le nouvel Adam qui vient effacer les péchés du monde. Que ceux qui se forment l’idée d’une chair fantastique en Jésus-Christ, rougissent de leur opinion en considérant l’enfantement véritable de la mère de Dieu, car le fruit provient de la substance même de l’arbre. Où sont encore ceux qui osent dire que le Christ n’a fait que passer dans la Vierge comme par un canal. Qu’ils apprennent de ces paroles d’Elisabeth remplie de l’Esprit saint, que le Sauveur est le fruit des entrailles de Marie.

« D’où me vient que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? » — S. Ambr. Ce n’est point par ignorance qu’elle parle ainsi, elle sait que c’est la grâce et l’action de l’Esprit saint qui ont porté la mère du Seigneur à venir saluer la mère du prophète pour la sanctification de son enfant, mais elle reconnaît hautement qu’elle n’a pu mériter cette grâce, et que c’est un don purement gratuit de la miséricorde divine : « D’où me vient cet honneur ? » c’est-à-dire, à quelles oeuvres de justice, à quelles actions, à quelles vertus en suis-je redevable ? — Origène. (Ch. des Pèr. gr.) Elisabeth partage ici les sentiments de son fils, car Jean lui-même se sentait indigne que Jésus-Christ descendît jusqu’à lui. En proclamant mère du Seigneur Marie, qui était vierge, elle anticipe sur l’événement par une inspiration prophétique. Reconnaissons ici une disposition toute providentielle qui conduit Marie chez Elisabeth, pour que Jean-Baptiste, encore dans le sein de sa mère, rende témoignage au Seigneur, car dès lors le Sauveur investit Jean-Baptiste du titre et des fonctions de prophète, comme l’expliquent les paroles suivantes : « Aussitôt que la voix de votre salutation, » etc. — S. Augustin. (à Dardanus, lett. 57.) Pour parler ainsi, comme l’Évangéliste le déclare, Elisabeth a été remplie de l’Esprit saint, et c’est lui, sans aucun doute, qui lui a révélé la signification de ce tressaillement mystérieux de son enfant, tressaillement qui lui annonçait la venue de la mère du Sauveur, dont son fils devait être le Précurseur et le héraut. L’explication d’un si grand mystère a pu être connue des personnes plus âgées, comme Marie et Elisabeth, sans l’être de l’enfant lui-même ; car Elisabeth ne dit point : L’enfant a tressailli dans mon sein par un mouvement de foi, mais « a tressailli de joie. » Nous voyons tous les jours tressaillir, non seulement des enfants, mais même des animaux, sans que ni la foi, ni la religion, ni aucune cause intelligente y aient la moindre part ; mais ici le tressaillement est extraordinaire et d’un genre tout nouveau, parce qu’il se produit dans le sein d’Elisabeth, et à l’arrivée de celle qui devait enfanter le Sauveur de tous les hommes. Ce tressaillement donc, qui fut comme le salut rendu à la mère du Seigneur, a eu pour cause, comme tous les miracles, un acte de la puissance divine dans cet enfant, et non un mouvement naturel de l’enfant lui-même. Et alors même qu’on admettrait dans cet enfant un usage prématuré de la raison et de la volonté, qui aurait pu lui permettre, dès le sein de sa mère, un sentiment de connaissance, de foi, de sympathie, on devrait l’attribuer à un miracle de la puissance divine, et non à une simple action des lois naturelles.

Origène. (Ch. des Pèr. gr.) La mère du Sauveur était venu visiter Elisabeth, pour voir la conception miraculeuse que l’ange lui avait annoncée, et s’affermir ainsi dans la foi au miracle bien plus surprenant dont une vierge devait être l’objet. C’est cette foi qu’Elisabeth célèbre par ces paroles : « Et vous êtes bienheureuse d’avoir cru, parce que les choses qui vous ont été dites de la part du Seigneur s’accompliront en vous. » — S. Ambr. Vous le voyez, Marie n’a nullement douté, mais elle a cru, et a recueilli le fruit de sa foi. — Bède. Rien d’étonnant si le Seigneur, Rédempteur du monde, commence par sa mère l’oeuvre de sa rédemption ; c’est par elle que le salut devait être donné à tous les hommes, il était juste qu’elle reçût la première le fruit du salut de l’enfant qu’elle portait dans son sein. — S. Ambr. Bienheureux vous aussi qui avez entendu et qui avez cru ; car toute âme qui croit, conçoit et engendre le Fils de Dieu, et mérite de connaître ses oeuvres. — Bède. Toute âme aussi qui a conçu le Verbe de Dieu, monte aussitôt par les pas de l’amour jusqu’aux sommets les plus élevés des vertus, pénètre dans la ville de Juda, c’est-à-dire, dans la citadelle de la louange et de la joie, et y demeure comme pendant trois mois dans la pratique parfaite de la foi, de l’espérance et de la charité. — S. Grég. (sur Ezech., hom. 4.) L’inspiration prophétique d’Elisabeth s’étendit à la fois au passé, au présent et à l’avenir. Elle connut que Marie avait ajouté foi aux promesses de l’ange ; en la proclamant mère du Seigneur, elle comprit qu’elle portait dans son sein le Rédempteur du genre humain ; et en prophétisant tout ce qui devait s’accomplir en elle, elle plongea son regard jusque dans les profondeurs de l’avenir.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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