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Lc  19  41-44

Origène. (hom. 38 sur S. Luc.) Jésus a confirmé par son exemple toutes les béatitudes qu’il a proclamées dans son Évangile. Il a dit « Bienheureux ceux qui sont doux, » et il confirme cette vérité en disant de lui-même : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur. » Il a dit : « Bienheureux ceux qui pleurent, » et il a pleuré lui-même sur la ville de Jérusalem : « Et comme il approchait, voyant la ville, il pleura sur elle, » etc. — S. Cyrille. Jésus-Christ, qui veut sincèrement le salut de tous les hommes, était ému de compassion, mais comment aurions-nous pu en être certains, si le Sauveur ne nous en avait donné une preuve sensible ? Les larmes, en effet, sont le signe de la tristesse.

S. Grég. (hom. 39 sur les Evang.) Notre miséricordieux Rédempteur pleure donc la ruine de cette ville infidèle qui ne savait pas que cette ruine était si proche : « Si tu connaissais, toi aussi, a dit-il ; sous entendez : Tu verserais des larmes, toi qui te livres aux transports de la joie dans l’ignorance où tu es de ta triste destinée. Il ajoute : « Du moins en ce jour qui t’est encore donné, » etc. Comme elle s’abandonnait aux plaisirs sensibles, elle avait ce qui pouvait lui apporter la paix. Notre-Seigneur donne ensuite la raison pour laquelle elle mettait sa paix dans les biens sensibles : « Mais maintenant ces choses sont cachées à tes yeux. » En effet, si les malheurs qui la menacent, n’étaient pas cachés aux yeux de son coeur, elle ne placerait pas sa joie dans les prospérités de la vie présente. Aussi lui prédit-il aussitôt le châtiment dont elle était menacée : « Viendront des jours sur toi. »

S. Cyrille. « Si tu connaissais, toi aussi. » Ils n’étaient pas dignes, en effet, de comprendre les Écritures divinement inspirées, qui annoncent les mystères de Jésus-Christ. Car toutes les fois qu’ils lisent les livres de Moïse, le voile qui est sur leur coeur ne leur permet pas de voir l’accomplissement de la loi en Jésus-Christ qui, étant la vérité, dissipe toutes les ombres ; et pour n’avoir pas voulu voir la vérité, ils se sont rendus indignes du salut que Jésus-Christ leur apportait : « Du moins en ce jour, ce qui importe à ta paix. » — Eusèbe. Il nous apprend ainsi que son avènement a eu pour objet la paix du monde entier ; il est venu, en effet, pour annoncer la paix à ceux qui étaient près, comme à ceux qui étaient loin (Ep 2, 17), mais cette paix est restée cachée pour eux, parce qu’ils n’ont pas voulu la recevoir, lorsqu’elle était annoncée « Mais maintenant ces choses sont cachées à tes yeux. » Il lui prédit donc dans les termes les plus clairs le siège qui la menace : « Viendront des jours sur toi, » etc. — S. Grég. (comme précéd.) Il veut parler des généraux qui commandaient les armées romaines, car il décrit ici la ruine de Jérusalem qui eut lieu sous Vespasien et sous Tite : « ils t’environneront, » etc.

Eusèbe. Nous pouvons vérifier l’accomplissement de ces paroles dans le récit de Josèphe, qui, tout juif qu’il était, a raconté ces événements d’une manière conforme à ce qui avait été prédit par Jésus-Christ. — S. Grég. La translation même de cette ville vient rendre témoignage à ces paroles du Sauveur : « Et ils ne laisseront pas sur toi pierre sur pierre ; » car elle est rebâtie aujourd’hui hors de la porte où Notre-Seigneur a été crucifié, tandis que l’ancienne Jérusalem est totalement détruite. Quelle a été la cause de cette entière destruction ? Parce que tu n’as pas connu le temps où tu as été visitée. » — Théophile. C’est-à-dire le temps de mon avènement ; car je suis venu pour te visiter et te sauver ; si tu m’avais connu, et si tu avais voulu croire en moi, tu serais restée en paix avec les Romains, préservée de tout danger, comme l’ont été tous ceux qui ont embrassé la foi en Jésus-Christ.

Origène. (hom. 36 sur S. Luc.) J’admets que cette Jérusalem a été détruite en punition des crimes de ses habitants ; mais je me demande si ces larmes du Sauveur n’ont pas été versées sur une autre Jérusalem qui est la vôtre. Si après avoir connu les mystères de la vérité, un chrétien retombe dans le péché, Jésus pleure sur lui, il ne pleure point sur les Gentils, mais sur celui qui appartenait à Jérusalem, et qui a cessé d’en faire partie. — S. Grég.. (comme précéd.) Notre Rédempteur ne cesse de pleurer dans la personne de ses élus, lorsqu’il en voit un certain nombre faire succéder à une vie sainte, une conduite criminelle. S’ils pouvaient connaître le jugement de condamnation qui les menace, ils mêleraient leurs larmes à celles des élus. L’âme coupable a ici-bas son jour, parce qu’elle met sa joie dans des jouissances passagères ; elle a ce qui importe à sa paix, puisqu’elle met son bonheur dans les biens de la terre, et elle ne veut pas prévoir l’avenir dont la vue pourrait troubler sa joie présente : « Mais maintenant ces choses sont cachées à tes yeux. »

Origène. (hom. 36 sur S. Luc.) Le Sauveur pleure sur notre Jérusalem, c’est-à-dire sur notre âme, de ce qu’en punition des péchés qu’elle a commis, ses ennemis (c’est-à-dire les esprits mauvais), l’environnent et l’entourent de tranchées pour en faire le siège, et ne pas laisser dans son enceinte pierre sur pierre. Tel est surtout le sort de celui qui, après une longue pratique de la continence, après plusieurs années de chasteté, succombe à la tentation, et séduit par les attraits des plaisirs de la chair, perd le sentiment de la pudeur. S’il devient impudique, les démons ne laisseront pas en lui pierre sur pierre, selon cet oracle d’Ézéchiel (18) : « Je ne me souviendrai plus de ses premières justices.

S. Grég. (comme précéd.) Ou encore, les esprits mauvais assiègent l’âme lorsqu’elle est sur le point de sortir du corps. Comme ils l’ont toujours vue dominée par l’amour de la chair, ils la séduisent par l’attrait des plaisirs trompeurs. Ils l’environnent de tranchées, en ramenant devant ses yeux toutes les iniquités qu’elle a commises, et en la resserrant par la triste perspective des compagnons de sa damnation ; et ainsi, cette pauvre âme, saisie de toutes parts au dernier moment de sa vie, voit quels ennemis l’environnent, sans qu’elle trouve aucune issue pour leur échapper, parce qu’elle ne peut plus faire le bien qu’elle a négligé de pratiquer, lorsqu’elle le pouvait. Ils la serrent de toutes parts, en lui représentant tous ses péchés, non seulement d’actions, mais de paroles et de pensées ; et parce qu’elle s’est donnée autrefois toute latitude pour le crime, elle se voit resserrée dans cette extrémité, par les angoisses du châtiment qu’elle a mérité. Cette âme, alors en punition de ses crimes, est renversée par terre, lorsque ce corps, qu’elle croyait être toute sa vie, est forcé de retourner dans la poussière. Ses enfants tombent sous les coups de la mort, alors que les pensées coupables, qui prenaient naissance au milieu d’elles, se dissipent dans ce dernier jour de la vengeance. Ces pensées peuvent aussi être représentées par les pierres. En effet, lorsque l’âme coupable ajoute à une pensée mauvaise une pensée plus criminelle encore, elle met pour ainsi dire pierre sur pierre ; mais lorsqu’arrive le jour de la vengeance et du châtiment, tout cet édifice de pensées mauvaises s’écroule. Or, Dieu visite l’âme continuellement en lui rappelant ses préceptes, quelquefois par des châtiments, quelquefois par des miracles, pour lui faire entendre la vérité qu’elle ne connaissait pas, lui faire mépriser ce qu’elle aimait, afin que, ramenée à lui par la douleur du repentir ou vaincue par ses bienfaits, elle rougisse du mal qu’elle a fait. Mais comme elle n’a point voulu connaître le jour où Dieu l’a visitée, elle est livrée à ses ennemis, avec lesquels la sentence du jugement dernier doit l’unir par les tristes liens d’une éternelle damnation.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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