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Lc  17  7-10

Théophile. Comme la foi rend celui qui la possède fidèle observateur des commandements de Dieu, et lui fait opérer des oeuvres vraiment admirables, il semblait qu’elle pouvait exposer l’homme au vice de l’orgueil. Aussi Notre-Seigneur prémunit ses disciples contre ce sentiment d’orgueil qui pouvait naître de leurs vertus, par l’exemple suivant : « Qui de vous, ayant un serviteur attaché au labourage, » etc. — S. Augustin. (quest. Evang., 2, 39.) Ou bien encore, comme la plupart ne comprenaient pas cette foi à la vérité qui devait un jour se découvrir sans nuage, on pourrait croire que Notre-Seigneur ne répond pas directement à la demande de ses disciples. En effet, la suite des paroles du Sauveur se rapporte difficilement à cette prière des Apôtres : « Augmentez en nous la foi, » à moins de les entendre dans ce sens, que nous passons d’une foi moins parfaite à une foi parfaite, c’est-à-dire de la foi qui nous fait servir Dieu, à la foi où nous jouissons pleinement de Dieu. La foi s’augmente en effet, lorsqu’après avoir eu pour objet les paroles de la prédication, elle s’étend même aux choses visibles. Mais cette foi contemplative est accompagnée de ce repos ineffable que Dieu nous prépare dans son royaume éternel, et ce repos est la récompense des travaux méritoires qui s’accomplissent dans l’Église. Ainsi, quel que soit le genre de travaux auxquels est appliqué le serviteur, qu’il laboure dans les champs, ou qu’il garde les troupeaux (c’est-à-dire qu’il s’occupe dans cette vie des choses de la terre, ou qu’il soit au service des hommes insensés figurés par les troupeaux), il faut qu’après ces travaux accomplis il rentre à la maison, c’est-à-dire qu’il soit réuni à l’Église.

Bède. Ou bien encore, ce serviteur qui revient des champs, c’est le docteur qui interrompt pour un temps l’oeuvre de la prédication, pour rentrer dans sa conscience et y repasser ses actions et ses paroles. Le Seigneur ne lui dit pas aussitôt ; Allez (de cette vie mortelle), et mettez-vous à table, c’est-à-dire, réjouissez-vous dans l’éternel repas de la vie bienheureuse. — S. Ambr. En effet, nul ne s’asseoit à ce banquet avant de passer de cette vie à l’autre. ; Moïse lui-même a dû passer de l’endroit où il était pour être témoin de la grande vision ou Dieu se révélait à lui. (Ex 3.) De même donc que vous ne dites pas aussitôt à votre serviteur : Mettez-vous à table, mais que vous exigez de lui auparavant d’autres services ; ainsi Dieu ne vous demande pas un seul genre d’oeuvres et de travaux, notre travail ne doit cesser qu’avec notre vie : Est-ce qu’il ne lui dit pas au contraire : « Préparez-moi à souper, » etc. — Bède. Dieu commande à ce serviteur de lui préparer à manger, c’est-à-dire qu’après le travail de la prédication publique, il doit se livrer à une humble considération de lui-même ; c’est la nourriture que Dieu désire. Se ceindre les reins, c’est, pour une âme humble, relever et resserrer toutes les pensées flottantes qui peuvent entraver notre marche dans la voie des bonnes oeuvres ; car on ne serre ses vêtements avec une ceinture que pour n’être point exposé à tomber en marchant. Servir le vrai Dieu, c’est confesser hautement que toute notre force vient du secours de sa grâce.

S. Augustin. (quest. Evang.) C’est alors que ses ministres le servent, c’est-à-dire qu’ils se livrent à la prédication de l’Évangile, que Dieu boit et mange, pour ainsi dire, la confession et la foi des Gentils.

« Et après cela tu mangeras et tu boiras, » c’est-à-dire : Après que j’aurai goûté avec joie l’oeuvre de votre prédication, et que je me serai rassasié de votre componction comme d’un mets délicieux, alors vous passerez, et vous serez nourri vous-même à jamais de l’aliment éternel de ma sagesse.

S. Cyrille. Notre-Seigneur nous enseigne ici qu’en vertu du droit de sa puissance souveraine, il exige de ses serviteurs l’obéissance comme une chose qui lui est que : « Aura-t-il de l’obligation à ce serviteur, parce qu’il a fait ce qu’il lui a commandé ? Je ne le pense pas. R Quoi de plus propre à guérir la maladie de l’orgueil ? Pourquoi vous enorgueillir ? Ignorez-vous que si vous ne remplissez pas l’obligation qui vous est imposée, vous vous exposez au danger, et que si vous y êtes fidèle, vous ne faites rien de trop, d’après ces paroles de saint Paul : « Si je prêche l’Évangile, la gloire n’en est point à moi, car c’est pour moi une obligation de le faire, malheur à moi si je ne prêche pas l’Évangile ! » Considérez en effet, que ceux qui exercent l’autorité parmi nous, ne remercient pas leurs serviteurs lorsqu’ils exécutent les ordres qui leur ont été donnés, mais ils cherchent à gagner leur affection à force de bienveillance pour leur inspirer un plus grand zèle dans l’accomplissement de leurs devoirs. Ainsi Dieu nous demande de le servir en vertu de son droit souverain, mais comme il est plein de clémence et de bonté, il promet des honneurs infinis à ceux qui travaillent pour lui, et la grandeur de sa bienveillance est bien supérieure à toutes les fatigues que nous endurons à son service.

S. Ambr. Ne vantez donc pas votre mérite lorsque vous avez fidèlement servi, vous n’avez fait que ce que vous deviez faire. Le soleil obéit à Dieu, la lune lui est soumise, les anges exécutent ses ordres ; gardons-nous donc de nous louer nous-mêmes, c’est la conclusion que le Sauveur tire lui-même de ce qu’il vient de dire : « De même quand vous aurez fait ce qui vous est commandé, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles ; nous avons fait ce que nous devions faire. » — Bède. Nous sommes des serviteurs, parce que nous avons été rachetés d’un grand prix (1 Co 7) ; nous sommes des serviteurs inutiles, parce que le Seigneur n’a nul besoin de nos biens (Ps 15) ; ou parce que les souffrances de cette vie n’ont aucune proportion avec la gloire future. (Rm 8.) La perfection de la foi pour les chrétiens, consiste donc à reconnaître leur imperfection, alors même qu’ils ont accompli tout ce qui leur est commandé.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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