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Lc  14  28-33

S. Grég. (hom. 37 sur les Evang.) Notre-Seigneur vient de donner de sublimes préceptes, il les appuie par la comparaison d’un grand édifice qu’il s’agit de construire : « Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne s’assied pas auparavant, pour supputer les dépenses, » etc. Toutes nos actions, en effet, doivent être précédées d’une sérieuse réflexion. Voulons-nous donc construire la tour de l’humilité ? préparons-nous tout d’abord aux contradictions du monde. — S. Basile. (Comment. sur Is 2.) Ou bien cette tour est un observatoire élevé, d’où l’on peut facilement veiller à la garde de la ville et découvrir les approches de l’ennemi ; de même Dieu nous a donné l’intelligence pour veiller avec soin sur nos richesses spirituelles et prévoir tout ce qui pourrait nous en dépouiller. Avant de construire cette tour, Dieu nous commande de nous asseoir pour calculer si nous avons des ressources suffisantes pour l’achever. — S. Grég. de Nysse. (Liv. sur la Virg., ch. 18.) Il faut, en effet, de grands efforts pour mener à bonne fin toute grande entreprise spirituelle qui s’élève sur la pratique successive de tous les commandements de Dieu, et accomplir l’oeuvre de Dieu, car une seule pierre ne suffit pas pour construire une tour, et la pratique d’un seul commandement ne peut nous conduire à la perfection ; mais il faut d’abord poser le fondement, et selon la recommandation de l’Apôtre placer dessus des assises d’or, d’argent et de pierres précieuses, « de peur, ajoute Notre-Seigneur, qu’après avoir posé les fondements, et n’avoir pu l’achever, » etc.

Théophile. Nous ne devons donc pas nous contenter de poser le fondement de cet édifice (c’est-à-dire, de pratiquer les premiers éléments de la doctrine de Jésus-Christ), et de le laisser inachevé, comme ceux dont parle l’évangéliste, saint Jean : « Dès ce moment-là plusieurs de ses disciples s’éloignèrent et ne marchèrent plus avec lui. » (Jn 6.)

On bien, on peut entendre par ce fondement la doctrine que Notre-seigneur vient d’exposer sur la mortification. Or, il faut ajouter à ce fondement l’édifice des oeuvres, pour achever la tour forte qui doit nous défendre contre nos ennemis. (Ps 60.) Autrement cet homme deviendra un objet de moquerie pour tous ceux qui le verront, aussi bien pour les hommes que pour les démons. — S. Grég. (hom. 37.) Car lorsque nous nous livrons à la pratique des bonnes oeuvres, si nous ne nous mettons soigneusement en garde contre les esprits de malice, nous serons en butte aux railleries de ceux-là mêmes qui nous ont entraînés dans le mal. Notre-Seigneur ajoute à ce premier exemple une comparaison plus importante, pour montrer comment les plus petites choses élèvent notre esprit aux plus grandes. « Ou quel est le roi qui, se disposant à aller faire la guerre à un autre roi, ne s’assied d’abord pour se demander s’il peut, avec dix mille hommes, faire face à un ennemi qui vient contre lui avec vingt mille ? » — S. Cyrille. « Nous avons, en effet, à combattre contre les esprits de malice répandus dans, l’air. » (Ep 6.) Nous sommes assiégés d’ailleurs par mille autres ennemis : l’aiguillon de la chair, la loi de péché qui tyrannise nos membres, et toutes les passions réunies, telle est la multitude redoutable de nos ennemis. — S. Augustin. (Quest. évang., 2, 31.) Ou bien les dix mille hommes de ce roi qui se prépare à combattre contre celui qui en a vingt mille, signifient la simplicité du chrétien qui doit combattre contre la duplicité du démon. — Théophile. Ces deux rois, c’est encore d’un côté le péché qui règne dans notre corps mortel (Rm 6), de l’autre notre âme, à qui Dieu a donné en la créant, un pouvoir vraiment royal. Si donc elle veut résister victorieusement au péché, qu’elle réfléchisse sérieusement en elle-même, car les démons sont comme les soldats du péché qui paraissent être vingt mille contre les dix mille que nous avons, parce que leur nature incorporelle leur donne sur nous qui avons un corps une force beaucoup plus grande.

S. Augustin. (Quest. évang., 2, 31.) Notre-Seigneur combat l’idée de construire une tour qu’on ne pourrait achever par la crainte des railleries auxquelles on s’exposerait : « Cet homme a commencé à bâtir, et il n’a pu achever ; » ainsi dans la parabole du roi, contre lequel il faut combattre, il désapprouve et condamne la paix qu’on est obligé de faire : « Autrement, tandis que celui-ci est encore loin, il envoie des ambassadeurs demander la paix. » Il nous enseigne par là que ceux qui ne renoncent pas à tout ce qu’ils possèdent, sont incapables de soutenir les assauts des tentations du démon, et qu’ils sont obligés de faire la paix avec lui, en consentant au péché qu’il les engage à commettre.

S. Grég. (hom. 37.) Ou bien encore, dans le jugement redoutable qui nous attend, nous ne pouvons nous présenter à forces égales devant notre juge ; nous sommes dix mille contre vingt mille, un seul contre deux. Dieu marche donc avec deux armées contre une seule, parce que nous ne nous sommes préparés que sur les oeuvres, tandis qu’il s’apprête à discuter à la fois nos actions et nos pensées. Pendant qu’il est encore éloigné, et qu’il ne nous fait pas sentir sa présence comme juge, envoyons-lui des ambassadeurs, nos larmes, nos oeuvres de miséricorde, des victimes de propitiation, telle est l’ambassade qui peut apaiser ce roi qui s’avance contre nous.

S. Augustin. (Lettre à Laet., 38.) Le Sauveur nous fait voir clairement le but qu’il s’est proposé dans ces paraboles en ajoutant : « Ainsi donc, quiconque d’entre vous ne renonce pas à ce qu’il possède, ne peut être mon disciple. » Ainsi les ressources nécessaires pour construire cette tour, la force et le courage des dix mille qui marchent contre le roi qui en a vingt mille, ne signifient qu’une chose, c’est que chacun doit renoncer à tout ce qu’il possède. Le commencement de ce discours s’accorde parfaitement avec la conclusion ; car le précepte de renoncer à tout ce qu’on possède, renferme celui de haïr son père, sa mère, son épouse, ses enfants, ses frères, ses soeurs, et même sa propre vie. Toutes ces choses, en effet, sont la propriété d’un chacun, et la plupart du temps, elles sont pour lui un obstacle qui l’empêche d’obtenir non les biens particuliers du temps, qui passent si vite, mais ces biens communs à tous qui doivent durer éternellement.

S. Basile. (régl. abrég., quest. 263.) L’intention de Notre-Seigneur dans les deux comparaisons précédentes, n’est pas de laisser croire à chacun qu’il a le droit ou la permission d’être ou de n’être pas son disciple, de même qu’on est libre de ne pas poser les fondements de la tour ou de ne pas faire la paix ; mais de montrer l’impossibilité de plaire à Dieu au milieu de toutes ces affections qui divisent l’âme et la mettent en péril, parce qu’elle est ainsi plus exposée à tomber dans les embûches et dans les piéges que lui tend le démon.

Bède. Il y a une différence entre renoncer à tout, et abandonner tout ce qu’on possède. C’est le partage d’un petit nombre de quitter tout absolument, c’est-à-dire de sacrifier entièrement toutes les sollicitudes de ce monde ; mais c’est une obligation pour tous les fidèles de renoncer à tout, c’est-à-dire d’user des choses du monde, sans en devenir jamais l’esclave dans le monde.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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