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Lc  13  31-35

S. Cyrille. (Ch. des Pèr. gr.) Les paroles que le Sauveur venait de prononcer avaient profondément irrité les pharisiens ; car ils voyaient déjà le peuple, touché de repentir, croire en lui, Désolés donc de perdre leur autorité sur les peuples, et de voir diminuer le profit qu’ils en retiraient, ils simulent pour lui une affection hypocrite, et lui conseillent de se retirer : « Le même jour, quelques-uns des pharisiens vinrent lui dire : Allez-vous en, retirez-vous d’ici ; car Hérode veut vous faire mourir. » Mais Jésus, qui sonde les coeurs et les reins, leur répond avec douceur et dans un langage figuré : « Et il leur dit : Allez, et dites à ce renard. » — Bède. Il appelle Hérode un renard à cause de son esprit rusé et insidieux ; car le renard est un animal rempli d’astuce, qui se cache dans sa tanière pour mieux tendre ses piéges, exhale une odeur fétide, et ne suit jamais les droits chemins. Tous ces traits conviennent aux hérétiques, dont Hérode est la figure, et qui cherchent à faire mourir Jésus-Christ, c’est-à-dire l’humilité de la foi chrétienne dans le coeur des fidèles.

S. Cyrille. Ou bien encore, les paroles du Sauveur ont un autre objet, et ne se rapportent pas à la personne d’Hérode (comme quelques-uns l’ont pensé), mais plutôt à l’hypocrisie des pharisiens. En effet, Notre-Seigneur paraît indiquer ce pharisien qui n’est pas loin, en disant : « Allez, et dites à ce renard, » selon le sens du texte grec. Il leur commande de dire ce qui était de nature à exciter contre lui la multitude des pharisiens : « Voilà que je chasse les démons et guéris les malades aujourd’hui et demain, et c’est le troisième jour que je dois, être consommé, Il leur annonce donc qu’il fera ce qui leur déplaisait souverainement, c’est-à-dire qu’il commandera aux esprits immondes, et guérira les malades jusqu’à ce qu’il subisse volontairement le supplice de la croix. Mais comme les pharisiens s’imaginaient qu’il redoutait la puissance d’Hérode, lui qui était le Dieu des vertus, il éloigne cette pensée en ajoutant : « Cependant il faut que je marche aujourd’hui et demain, et c’est le troisième jour que je dois être consommé. » Cette expression : « Il faut, » n’indique nullement une nécessité qui serait imposée au Sauveur, mais bien plutôt qu’il se rendait librement et volontairement vers le but qu’il se proposait, jusqu’à ce. qu’il terminât sa vie par le supplice de sa croix adorable, dont il annonce que le temps approche en disant : « Aujourd’hui et demain. » — Théophile. Comme s’il leur disait : Pourquoi vous préoccuper de ma mort ? Le temps n’en est pas éloigné. Cependant ces expressions : « Aujourd’hui et demain, » signifient un espace de plusieurs jours. C’est ainsi que dans le langage ordinaire nous disons : « Je ferai ceci aujourd’hui et demain ; » bien que nous ne puissions le faire dans un si court espace de temps. Et pour donner une explication plus claire de ces paroles, ne les entendez pas dans ce sens : « Il faut que je marche aujourd’hui et demain, » non, arrêtez-vous après ces mots : « Aujourd’hui et demain, » puis ajoutez : « Le jour suivant je dois marcher. » De même que souvent pour compter, nous disons : Dimanche, lundi, mardi, je sortirai ; nous comptons deux jours pour indiquer le troisième, Notre-Seigneur dit aussi : « Aujourd’hui et demain, et le troisième jour, je dois aller à Jérusalem. »

S. Augustin. (Quest. évang.) Ou bien encore, Notre-Seigneur parle ici dans un sens figuré et ces paroles ont pour objet son corps mystique qui est l’Église. En effet, il chasse les démons, lorsque les nations idolâtres abandonnent leurs superstitions pour croire en lui, et il opère des guérisons, lorsqu’après qu’elles ont renoncé au démon et au monde, il conduit l’Église à la perfection angélique par l’immortalité du corps qui aura lieu à la résurrection, figurée ici par le troisième jour comme la consommation de toutes choses.

Théophile. Mais comme ceux qui lui disaient : « Retirez-vous d’ici, parce que Hérode veut vous faire mourir, » lui parlaient ainsi dans la Galilée où régnait Hérode ; Notre-Seigneur leur déclare que ce n’est pas en Galilée, mais à Jérusalem, qu’il a été réglé d’avance qu’il devait souffrir. « Car il ne peut se faire qu’un prophète périsse hors de Jérusalem. » En entendant ces paroles : « Il ne faut pas, » c’est-à-dire, il ne convient pas qu’un prophète meure hors de Jérusalem, n’allez pas croire que les Juifs aient été forcés de le faire mourir ; le Sauveur parle ainsi, parce que les habitants de Jérusalem avaient comme soif du sang. Quand on entend parler d’un atroce scélérat, on dit, il faut que le chemin où il dresse ses embûches soit arrosé du sang des voyageurs ; de même, il fallait pour ainsi dire que le Seigneur des prophètes ne pérît pas ailleurs que dans la ville où demeuraient les meurtriers. Accoutumés à verser le sang des prophètes, ils feront aussi mourir le Seigneur des prophètes ; c’est ce qu’il déclare dans les paroles suivantes : « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes, » etc.

Bède. Ce n’est ni aux pierres ni aux édifices de cette ville que Notre-Seigneur s’adresse dans cette apostrophe, mais aux habitants de Jérusalem sur lesquels il pleure avec une affection de père. — S. Cyrille. (hom. 75 sur S. Matth.) Cette répétition : Jérusalem, Jérusalem, indique un profond sentiment de compassion ou d’amour, le Sauveur parle à cette ville infortunée comme à une personne qui oublie celui qui l’aime, et il lui prédit le châtiment dont sera punie son ingratitude. — Sévère d’Antioche. Cette répétition est aussi l’indice d’un violent reproche, comment, en effet, cette ville qui a reçu la connaissance de Dieu, peut-elle persécuter les ministres de Dieu ? — S. Cyrille. Il fait bien voir, du reste, dans quel oubli des bienfaits de Dieu ils étaient tombés, en ajoutant : « Combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme un oiseau rassemble sa couvée sous ses ailes, et tu ne l’as pas voulu ! » Sa main les a conduits par Moïse, un de ses plus fidèles et de ses plus sages serviteurs, il les a mille fois avertis par les prophètes ; il a voulu les voir réunir sous ses ailes, c’est-à-dire sous sa protection toute puissante, mais ils ont rendu inutiles toutes ces faveurs par leur ingratitude. — S. Augustin. (Enchirid., ch. 17.) « J’ai voulu, » dit Notre-Seigneur, « et tu n’as pas voulu, » c’est-à-dire : Tous ceux que j’ai rassemblés par ma volonté toujours efficace, je les ai rassemblés malgré toi, parce que tu n’as cessé d’être ingrate. — Bède. Après avoir appelé renard le roi Hérode qui en voulait insidieusement à sa vie, il se présente lui-même sous la comparaison pleine de justesse d’un oiseau, parce que les renards tendent toujours astucieusement des piéges aux oiseaux.

S. Basile. (sur Is 16.) Il compare aussi les enfants de Jérusalem à des petits qui ne peuvent sortir de leur nid, comme s’il disait : Les oiseaux qui prennent leur essor dans les airs, échappent aux atteintes de ceux qui leur dressent des embûches ; mais pour vous, vous serez comme un poussin qui a besoin de protection et de secours, et une fois privé de votre mère qui s’envolera, vous serez arraché de votre nid, incapable de vous défendre, et trop faible pour prendre la fuite. C’est ce qu’il lui prédit en ces termes : « Voilà que votre maison va demeurer déserte. » — Bède. Cette ville qu’il avait comparée à un nid, il l’appelle maintenant la maison des Juifs ; car après qu’ils eurent mis le Seigneur à mort, les Romains vinrent et ravagèrent cette maison comme un nid vide, et détruisirent leur ville, leur nation et leur royaume — Théophile. Ou bien encore, votre maison, c’est-à-dire votre temple, et tel est le sens de ces paroles : Tant que la vertu a été en honneur parmi vous, ce temple était le mien ; mais depuis que vous en avez fait une caverne de voleurs, ce n’est plus ma maison, c’est la vôtre. Ou bien enfin, cette maison, c’est toute la nation des juifs, selon ces paroles du Psalmiste : « Maison de Jacob, bénissez le seigneur, et il leur prouve ainsi que c’était lui qui les gouvernait, et qui les délivrait des mains de leurs ennemis.

« Je vous le dis, vous ne me verrez plus jusqu’à ce que vienne le jour où vous direz : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. » — S. Augustin. (de l’acc. des Evang., 2, 75.) Ce récit de saint Luc n’est pas en opposition avec ce que nous lisons dans saint Matthieu, que la foule accueillit le Sauveur à son entrée dans Jérusalem en lui disant : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, » parce qu’il n’y était pas encore venu, et que ces paroles n’avaient pas encore été dites. — S. Cyrille. Il s’était éloigné de Jérusalem, et avait abandonné ses habitants comme indignes de jouir de sa présence ; puis après avoir opéré un grand nombre de miracles, il revient de nouveau à Jérusalem, et la foule se porte à sa rencontre en disant : « Salut au Fils de David ! Beni soit celui qui vient au nom du Seigneur. » — S. Augustin. (de l’acc. des Evang.) Mais comme saint Luc ne dit pas où le Seigneur s’est retiré, pour ne venir dans cette ville qu’au temps où il serait accueilli par ces paroles (il continue, en effet, de marcher jusqu’à ce qu’il vienne à Jérusalem), cet Évangéliste veut ici parler de l’avènement glorieux du Sauveur. — Théophile. Alors ils seront forcés de reconnaître pour leur Sauveur et pour leur Dieu, alors que cette profession de foi ne leur servira de rien. Ces paroles : « Vous ne me verrez plus, » etc., ne doivent pas s’entendre du moment même où il leur parlait, mais du temps de sa mort sur la croix, et tel en est le sens : Après que vous m’aurez crucifié, vous ne me verrez plus jusqu’à ce que je revienne de nouveau. — S. Augustin. (de l’acc. des Evang., 2, 75.) Il faut donc entendre que saint Luc a voulu raconter ceci par anticipation, avant que son récit conduisît le Seigneur à Jérusalem, ou bien que lorsque le Sauveur approchait de Jérusalem, il a tenu à ceux qui l’engageaient à se mettre en garde contre Hérode, le même langage que lui prête saint Matthieu lorsqu’il entre dans cette ville. — Bède. Ou bien encore, ces paroles : « Vous ne me verrez plus, » signifient : Si vous ne faites pénitence, et si vous ne confessez que je suis le Fils du Dieu tout-puissant, vous ne serez point admis à contempler ma face adorable, lors de mon second avènement.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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