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Lc  13  22-30

La glose. Après que Notre-Seigneur a exposé sous le voile des paraboles qui précèdent les progrès de la doctrine évangélique, il s’applique lui-même à la répandre par ses prédications : « Et il allait par les villes et par les villages, enseignant, » etc. — Théophile. Il ne visitait pas seulement les petites localités, comme font ceux qui veulent tromper les esprits simples, ni seulement les villes, comme ceux qui veulent se faire valoir et cherchent la gloire qui vient des hommes ; mais il allait partout, comme le maître de tous les hommes, comme un père dont la providence s’étend à tous ses enfants. En visitant les villes, il n’évite point la ville de Jérusalem, par crainte des accusations des docteurs, ou de la mort qui pouvait en résulter, car l’Évangéliste fait remarquer : « Qu’il se dirigeait vers Jérusalem ; » le médecin, en effet, doit surtout sa présence et ses soins aux endroits qui contiennent un plus grand nombre de malades. « Or, quelqu’un lui demanda : Seigneur, n’y aura-t-il qu’un petit nombre qui soient sauvés ? » — La glose. Cette question paraît se rapporter à ce dont il avait parlé plus haut. En effet, dans la parabole précédente, le Sauveur avait dit que les oiseaux étaient venus se reposer sur les branches de l’arbre, ce qui donnait à entendre qu’il y en aurait un grand nombre qui parviendraient au repos du salut. Comme cet homme faisait cette question au nom de tous, le Seigneur ne lui répond pas en particulier : « Il leur répondit : Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite. » — S. Basile. (règle abrég. quest. 240.) De même que dans cette vie, quand on sort du droit chemin, on trouve de larges issues, ainsi quand on sort du sentier qui conduit au royaume des cieux, on tombe dans les voies larges de l’erreur. (Quest. 241.) Le droit chemin est toujours étroit, on ne peut sans danger s’en écarter soit à droite soit à gauche, il est semblable à un pont qu’on ne peut quitter d’un côté ou de l’autre sans être englouti dans le fleuve.

S. Cyrille. (Ch. des Pères gr.) La porte étroite est aussi la figure des souffrances et de la patience des saints. De même en effet, que la victoire qui suit le combat atteste la bravoure du soldat, de même les travaux et les tribulations courageusement supportés donnent de l’éclat et de la gloire. — S. Chrys. (hom. 24 et 40, sur S. Matth.) Mais pourquoi donc le Sauveur dit-il ailleurs : « Mon joug est doux, et mon fardeau léger ? » (Mt 11.) Il n’y a point ici de contradiction, d’un côté Notre-Seigneur a en vue la violence des tentations, de l’autre l’amour de ceux qui les éprouvent. En effet, que de choses accablantes pour la nature, et qui nous deviennent faciles quand nous les embrassons avec amour ? D’ailleurs, si la voie du salut est étroite à son entrée, elle conduit cependant dans des régions vastes et spacieuses ; au contraire la voie large mène directement à la mort. — S. Grég. (Moral., 11, 26.) Avant de parler de l’entrée de la porte étroite, il dit : « Efforcez-vous, » parce qu’en effet, si l’âme ne déploie toute son ardeur elle ne pourra triompher des flots du monde qui toujours l’entraînent dans les abîmes.

S. Cyrille. (Ch. des Pèr. gr.) Il semble que Notre-Seigneur ne répond pas directement à cette question : « Y en a-t-il peu qui soient sauvés ? » en faisant connaître la voie qui peut conduire à la justice. Mais il faut se rappeler qu’il avait coutume de ne pas répondre en entrant dans les pensées et les désirs de ceux qui l’interrogeaient, toutes les fois qu’ils demandaient des choses inutiles, mais en ayant pour but l’utilité de ceux qui l’entendaient. Or, quel avantage pouvait résulter pour eux de savoir si le nombre de ceux qui seraient sauvés serait petit ou grand ? Il était bien plus nécessaire de connaître les moyens d’arriver au salut. C’est donc dans un dessein plein de miséricorde, que sans répondre à cette question inutile, il traite un sujet beaucoup plus nécessaire.

S. Augustin. (serm. 32, sur les par. du Seig.) Ou bien encore, le Sauveur répond affirmativement à la question qui lui est faite : « Y en a-t-il peu qui soient sauvés ? » parce qu’il y en a peu qui entrent par la porte étroite. C’est ce qu’il déclare lui-même dans un autre endroit : « Le chemin qui conduit à la vie est étroit, et il en est peu qui le trouvent. » (Mt 7.) — Bède. C’est pour cela qu’il ajoute ici : « Car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer, (excités par le désir de sauver leur âme), et ils ne le pourront pas, » effrayés qu’ils seront des difficultés de la route. — S. Basile. (sur le Ps 1.) L’âme, en effet, hésite et chancelle quand, d’un côté, la considération de l’éternité lui fait choisir le chemin de la vertu, et quand en même temps la vue des choses de la terre lui fait donner la préférence aux séductions du monde. D’un côté elle voit le repos et les plaisirs de la chair, de l’autre l’assujettissement, l’esclavage de soi-même ; d’un côté l’intempérance, de l’autre la sobriété ; d’un côté les rires dissolus, de l’autre des ruisseaux de larmes, d’un côté les danses, de l’autre les prières ; ici le son des instruments, là les pleurs ; d’un côté la volupté, de l’autre la chasteté. — S. Augustin. (serm., 32.) Notre-Seigneur ne se contredit pas en disant ici qu’il en est peu qui entrent par la porte étroite, et en déclarant dans un autre endroit « qu’un grand nombre viendront de l’Orient et de l’Occident, » etc. (Mt 8.) Ils seront peu en comparaison de ceux qui se perdent, mais ils seront beaucoup dans la société des anges. Quand le grain est battu dans l’aire, à peine si on le voit, mais cependant il sortira de cette aire une si grande quantité de grains qu’elle remplira le grenier du ciel.

S. Cyrille. Notre-Seigneur nous montre ensuite par un exemple manifeste combien sont coupables ceux qui ne peuvent entrer : « Lorsque le père de famille sera entré et aura fermé la porte, » etc. ; c’est-à-dire, supposez un père de famille qui a invité beaucoup de monde à son festin, lorsqu’il est entré avec ses convives et que la porte est fermée, d’autres arrivent et frappent à la porte. — Bède. Ce père de famille, c’est Jésus-Christ qui est présent partout par sa divinité, mais qui nous est représenté dans l’intérieur du ciel avec ceux qu’il réjouit de la vue de sa présence, tandis qu’il est comme dehors avec ceux qu’il soutient invisiblement dans le combat de cette vie. Il entrera définitivement, lorsqu’il admettra toute l’Église à le contempler, il fermera la porte lorsqu’il refusera aux réprouvés la grâce de la pénitence. Ceux qui se tiendront au dehors et frapperont à la porte, c’est-à-dire ceux qui seront séparés des justes, imploreront en vain la miséricorde qu’ils auront méprisée : « Et il leur répondra : Je ne sais d’où vous êtes. » — S. Grég. (Moral., 8.) Ne point savoir, pour Dieu, c’est l’éprouver, comme on dit d’un homme vrai dans ses paroles, qu’il ne sait pas mentir, parce qu’il a horreur du mensonge ; ce n’eut pas qu’il ne saurait mentir, s’il le voulait, mais l’amour de la vérité lui inspire un profond mépris pour te mensonge. La lumière de la vérité ne connaît donc point les ténèbres qu’elle réprouve.

« Alors vous commencerez à dire : Nous avons mangé et bu devant vous, » etc. — S. Cyrille. Ceci s’applique aux Israélites qui offraient à Dieu des sacrifices selon les prescriptions de la loi, et se livraient à la. joie en mangeant la chair des victimes. Ils entendaient aussi dans leurs synagogues la lecture des livres de Moïse qui, dans ses écrits, ne parlait point en son nom, mais au nom même de Dieu. — Théophile. Ou bien encore, on peut sans doute appliquer ces paroles aux Israélites, parce que Jésus-Christ est né d’eux selon la chair, qu’ils ont mangé et bu avec lui, et ont entendu ses prédications. Mais elles s’appliquent aussi aux chrétiens ; car nous mangeons le corps de Jésus-Christ, et nous buvons son sang, lorsque tous les jours nous nous asseyons à la table mystique, et il enseigne sur les places de nos âmes.

Bède. Ou bien dans un sens figuré, manger et boire devant le Seigneur, c’est recevoir la nourriture de la divine parole, et le Seigneur semble confirmer cette explication en ajoutant : « Vous avez enseigné dans nos places publiques. » En effet, la sainte Écriture, dans les choses obscures, est une nourriture, parce qu’on la rompt pour ainsi dire en morceaux en l’expliquant, et qu’on la broie avant de l’avaler. Elle est comme un breuvage dans les vérités plus claires, parce qu’on les prend comme elles se présentent. Mais les joies de ce festin spirituel ne servent de rien à celui qui ne se recommande pas par une piété appuyée sur la foi ; la science des Écritures ne fait pas connaître à Dieu ceux que l’iniquité de leurs oeuvres rendent indignes de cet honneur. Aussi que leur dit Notre-Seigneur : « Et il lui dira : Je ne sais d’où vous êtes, retirez-vous de moi, » etc. — S. Basile. (règl. abr., quest. 282.) Peut-être s’adresse-t-il à ceux que l’Apôtre semble personnifier lui-même, quand il dit : « Quand je parlerais toutes les langues des hommes et des anges… quand j’aurais toute la science…, quand je distribuerais toutes mes richesses pour nourrir les pauvres, si je n’ai point la charité, je ne suis rien » (1 Co 13) ; car ce qui ne se fait point par un motif d’amour de Dieu, mais pour obtenir les louanges des hommes, ne mérite point les éloges de Dieu. — Théophile. Remarquez combien sont détestés de Dieu ceux qu’il est forcé d’enseigner sur les places publiques. Il nous faut donc écouter ses divins enseignements, non dans les places publiques, mais dans un coeur que l’humilité a rendu petit, si nous voulons éviter ce malheur.

Bède. Or, nous voyons ici la double peine de l’enfer, celle du froid et celle de la chaleur : « Là sera le pleur et le grincement de dents. » L’excessive chaleur, en effet, fait verser des larmes, et le grand froid produit le grincement de dents. Ou bien ce grincement de dents est un signe d’indignation, indignation tardive de celui qui attend trop tard pour faire pénitence. — La glose. Ou bien encore, le grincement de dents sera pour ceux qui, sur la terre, mettaient, toute leur joie dans les plaisirs de la table ; et les pleurs, pour ces yeux qui s’égaraient ici-bas dans les désirs de la concupiscence. Ces deux tourments sont du reste une preuve de la résurrection des impies.

Théophile. Ces tristes prédictions s’appliquent encore aux Israélites auxquels il s’adressait, et dont le plus grand supplice sera de voir les Gentils entrer avec leurs pères dans le repos éternel, tandis qu’ils en seront exclus : « Quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, » etc. — Eusèbe. Les patriarches, en effet, avant la promulgation de la loi, abandonnaient l’erreur de la pluralité des Dieux, comme s’ils avaient été instruits par l’Évangile, et se sont élevés à la connaissance du Dieu très-haut. Un grand nombre de Gentils ont été associés à leur bonheur, parce qu’ils ont suivi leurs exemples, tandis que leurs enfants ont repoussé les enseignements de la doctrine évangélique : « Et ce sont les derniers qui seront les premiers, et ce sont les premiers qui seront les derniers. » — S. Cyrille. En effet, les Gentils ont été préférés aux Juifs qui tenaient le premier rang. — Théophile. Nous-mêmes, qui avons reçu dès notre enfance les enseignements de la foi, nous sommes, ce semble aussi, les premiers, et peut-être serons-nous les derniers en comparaison des Gentils qui n’ont embrassé la foi qu’à la fin de leur vie. — Bède. Il en est beaucoup, en effet, dont la ferveur dégénère en tiédeur, beaucoup qui, de froids qu’ils étaient, s’enflamment d’amour pour Dieu ; beaucoup qui, méprisés dans ce monde, seront couverts de gloire dans l’autre ; d’autres, au contraire qui, honorés des hommes sur la terre, seront à la fin de leur vie condamnés pour l’éternité.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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