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Lc  12  4-7

S. Ambr. Deux causes produisent ordinairement la perfidie de la trahison, une méchanceté naturelle et invétérée, ou une crainte accidentelle. Notre-Seigneur prémunit donc ses disciples contre la crainte qui les porterait à renier le Dieu qu’ils reconnaissent dans leur coeur : « Or, je vous dis à vous qui êtes mes amis : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, » etc. — S. Cyrille. Ces paroles ne peuvent s’appliquer indifféremment à tous, mais à ceux-là seulement qui aiment Dieu de tout leur coeur, et qui peuvent dire en toute assurance : « Qui nous séparera de la charité de Jésus-Christ ? » (Rm 8, 35-38) Ceux qui ne sont point dans cette disposition, sont faibles et bien près de tomber, c’est le Seigneur lui-même qui a dit : « Personne ne peut témoigner un plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Or, ne serait-il pas souverainement injuste de ne pas rendre à Jésus-Christ ce que nous avons reçu de lui ? — S. Ambr. Il leur apprend aussi que la mort n’a plus rien de redoutable, puisque l’immortalité la rachète par une si riche compensation.

S. Cyrille. Souvenons-nous donc que Dieu prépare des couronnes et des honneurs pour récompenser les travaux de ceux sur lesquels les hommes exercent ici-bas leur colère, et que la mort du corps met un terme à leurs persécutions, comme l’ajoute Notre-Seigneur : « Et après cela ils ne peuvent rien faire de plus. » — Bède. C’est donc en vain que les persécuteurs exercent leur fureur insensée sur les membres déchirés des martyrs, qu’ils jettent en pâture aux bêtes féroces, ou aux oiseaux du ciel, puisqu’ils ne peuvent empêcher la toute-puissance de Dieu de leur rendre la vie en les ressuscitant.

S. Chrys. (hom. 23, sur S. Matth.) Considérez comment le Seigneur rend ses disciples supérieurs à tous les événements, puisqu’il les exhorte à mépriser même la mort si redoutable à tous les hommes. Mais voyez en même temps comme il multiplie les preuves de l’immortalité de l’âme : « Mais je vous montrerai qui vous devez craindre, craignez celui qui, après avoir ôté la vie, a le pouvoir de jeter dans la géhenne. — S. Ambr. C’est qu’en effet la mort est la fin de la nature et non du châtiment ; aussi la conclusion de Notre-Seigneur est-elle, que la mort met fin au supplice du corps, tandis que le châtiment de l’âme est éternel, et que nous ne devons craindre que Dieu seul, à la puissance duquel la nature ne peut prescrire des bornes, mais qui lui-même commande à la nature : « Oui je vous le dis, ajoute-t-il, craignez celui-là. » — Théophile. Remarquez que les pécheurs ont à subir le double châtiment et de la mort temporelle, et du supplice de l’enfer où ils sont jetés. Si vous approfondissez ces paroles, vous y trouverez encore un autre enseignement. En effet, Notre-Seigneur ne dit pas : « Qui envoie dans la géhenne, » mais : « Qui a le pouvoir d’envoyer. » Car tous ceux qui meurent dans le péché ne sont pas immédiatement livrés au supplice, mais ils éprouvent quelques moments de repos et d’adoucissement par suite des sacrifices et des prières qui sont offertes pour les âmes des défunts.

S. Ambr. Notre-Seigneur venait d’inspirer à ses Apôtres l’amour de la simplicité, et d’affermir leur courage ; leur foi seule était chancelante, il la fortifie donc merveilleusement par les exemples empruntés aux choses les plus simples : « Est-ce que cinq passereaux ne se vendent pas deux as (un diponde) ? et pas un d’eux n’est en oubli devant Dieu, » c’est-à-dire, si Dieu n’oublie point les passereaux, comment pourrait-il oublier les hommes ? — Bède. Le diponde est un des poids les plus légers, et il est composé de deux as. — La glose. Or, l’as est dans le poids ce que un est dans les nombres, et le diponde équivaut à deux as. — S. Ambr. Mais, comment, objectera-t-on, l’Apôtre a-t-il pu dire : « Est-ce que Dieu prend soin des boeufs ? » Et cependant un boeuf est d’un plus grand poids qu’un passereau. Nous répondons qu’autre chose est le souci, autre chose la connaissance que Dieu a des plus petites créatures.

Origène. (Ch. des Pèr. gr.) Ces paroles signifient donc littéralement que l’action pénétrante de la Providence s’étend aux plus petites choses. Dans le sens mystique, les cinq passereaux sont le symbole des sens spirituels de l’âme, qui perçoivent les choses célestes et supérieures à l’homme, qui voient Dieu, entendent sa voix, savourent le pain de vie, respirent l’odeur des parfums de Jésus-Christ, et touchent le Verbe divin. Ils sont vendus deux as, c’est-à-dire, qu’ils sont mis à vil prix par ceux qui regardent les choses de l’Esprit comme une folie, mais cependant ils ne sont pas en oubli devant Dieu. Néanmoins, l’Écriture dit quelquefois que Dieu oublie certains hommes à cause de leurs crimes. — Théophile. Ou bien encore, ces cinq sens sont vendus pour deux as, c’est-à-dire, pour le Nouveau et l’Ancien Testament, et ainsi ils ne sont pas en oubli devant Dieu, car Dieu se souvient toujours de ceux qui appliquent leurs sens à la parole de vie, et se rendent dignes de cet aliment spirituel. — S. Ambr. Ou bien encore, le bon passereau est celui qui a reçu de la nature la faculté de voler, car nous avons reçu nous-mêmes de la nature la puissance de voler, et la volupté nous l’a ravie, en appesantissant l’âme par ses jouissances grossières et en s’inclinant vers la terre comme une masse de chair. Si donc les sens du corps cherchent à se nourrir des souillures de la terre, ils deviennent incapables de s’élever jusqu’aux fruits des oeuvres surnaturelles. Celui-là donc ressemble au mauvais passereau, à qui les jouissances corrompues de la terre ont retranché les ailes ; tels sont ces passereaux qui se vendent deux as, c’est-à-dire, pour les plaisirs impurs du monde ; car notre ennemi nous met à vil prix comme un troupeau d’esclaves, tandis que le Seigneur, juste appréciateur de son oeuvre, nous a rachetés à un grand prix comme de nobles serviteurs qu’il avait faits à son image.

S. Cyrille. Il cherche donc avec le plus grand soin à connaître la vie des saints, comme l’indiquent les paroles suivantes : « Les cheveux même de votre tête sont tous comptés, » c’est-à-dire, qu’elle connaît exactement tout ce qui les concerne, car l’action de compter manifeste une sollicitude des plus attentives. — S. Ambr. Cette manière de parler ne veut pas dire que Dieu ait compté tous nos cheveux, mais exprime la science naturelle qu’il a de tout ce qui existe ; Notre-Seigneur dit cependant qu’ils sont comptés, parce que nous comptons ce que nous voulons conserver.

S. Cyrille. Dans le sens mystique, la tête est l’intelligence de l’homme, et les cheveux sont les pensées qui sont toutes à découvert aux yeux de Dieu. — Théophile. Ou bien encore, par la tête on peut entendre la vie du fidèle, qui s’applique à imiter Jésus-Christ, et par les cheveux les oeuvres de mortification extérieure que Dieu compte et qui sont dignes de fixer son attention. — S. Ambr. Si donc la puissance de Dieu est si grande, qu’un seul passereau, qu’aucun de nos cheveux ne lui soit inconnu, ne serait-ce pas une indignité de penser que le Seigneur ne connaît point les coeurs des fidèles, ou qu’il les dédaigne, lui dont la science s’étend aux plus petites choses : « Ne craignez donc point, conclut-il, vous valez plus que beaucoup de passereaux. » — Bède. On ne doit point lire, vous êtes plus (plures), comme s’il était question du nombre, mais vous êtes plus (pluris), c’est-à-dire, vous êtes d’un plus grand prix aux yeux de Dieu. — S. Athan. (Disc. 3 cont. les ar.) Or, je demanderai aux ariens : si Dieu dédaignant de créer les autres êtres, n’a fait que son Fils, et lui a abandonné toutes les autres créatures, comment sa providence s’étend-elle jusqu’aux moindres choses, jusqu’à un cheveu, un passereau ? Car tous les êtres que Dieu embrasse par sa providence, il les a créés par sa parole.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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