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Lc  11  37-44

S. Cyrille. Un pharisien, malgré son opiniâtreté, invite cependant le Sauveur à venir dans sa maison : « Pendant qu’il parlait, un pharisien le pria de venir manger chez lui. » C’est à dessein que saint Luc ne dit pas : Pendant qu’il disait ces choses, pour montrer que ce ne fut pas immédiatement après les enseignements qui précèdent, mais quelque temps après qu’il fut invité à dîner par le pharisien. — S. Augustin. (de l’acc. des Evang., 2, 26.) En effet, pour en venir à ce récit, saint Luc s’est sépara de saint Matthieu à cet endroit, où tous deux racontent les enseignements du Seigneur sur le signe de Jonas, la reine du Midi et l’esprit immonde, car saint Matthieu ajoute immédiatement : « Comme il parlait encore à la foule, sa mère et ses frères étaient dehors, cherchant à lui parler. » Saint Luc, au contraire, après avoir rapporté quelques autres paroles du Sauveur, omises par saint Matthieu, s’écarte de l’ordre suivi par cet Évangéliste. — Bède. Ainsi nous pouvons supposer que lorsque Jésus répond à ceux qui viennent lui annoncer que sa mère et ses frères sont dehors : « Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, et ma soeur, et ma mère, » il était déjà entré sur l’invitation du pharisien dans la salie du festin.

S. Cyrille. Mais Jésus, qui connaissait la malice des pharisiens, s’applique à les ramener avec une miséricordieuse condescendance, à l’exemple des bons médecins, qui déploient toutes les ressources de leur art pour ceux de leurs malades, dont l’état est plus grave : « Or, Jésus étant entré, se mit à table. » Ce qui donna lieu aux sévères leçons qui suivent sur l’étrange disposition d’esprit de ce pharisien, qui se scandalisait de ce que Jésus, qu’il regardait comme un juste et un prophète, ne se conformait point à leurs coutumes déraisonnables : « Le pharisien commença à dire en lui-même : Pourquoi ne s’est-il pas purifié avant le repas ? »

S. Augustin. (serm. 30 sur les par. du Seign.) En effet, les pharisiens se purifiaient chaque jour avant leurs repas par des, ablutions, comme si ces ablutions répétées pouvaient purifier leur coeur. Ce pharisien avait eu cette pensée en lui-même, sans la manifester extérieurement ; mais il ne laissa pas d’être entendu par celui qui pénétrait le fond de son coeur ; « Et le Seigneur lui dit : Vous autres pharisiens, vous purifiez le dehors de la coupe et du plat, mais votre intérieur est plein de rapines et d’iniquité. »

S. Cyrille. Le Seigneur aurait pu sans doute prendre une autre forme pour instruire ce pharisien insensé ; cependant il saisit l’occasion favorable, et tire ses enseignements de ce qu’il avait sous les yeux. Il était à table à l’heure du repas, et il prend pour objet de comparaison les coupes et les plats, afin de nous apprendre que ceux qui veulent servir Dieu en toute sincérité, doivent être purs, non seulement de toute souillure extérieure, mais de celles qui se cachent dans l’intérieur de l’âme ; de même qu’on doit tenir nets de toute souillure les vases qui servent à l’usage de la table.

S. Ambr. Considérons l’image fidèle de nos corps dans ces objets de terre si fragiles, qu’il suffit de les laisser tomber pour qu’ils se brisent. De même encore que ce qui est dans une coupe paraît au dehors, ainsi toutes les pensées qui s’agitent dans l’intérieur de notre âme se révèlent facilement par les sens et par les actes de notre corps. Aussi n’est-il pas douteux que dans ces paroles qu’il adresse à Pierre dans le jardin des Olives, la coupe ne soit l’emblème de sa passion. Vous voyez donc que ce n’est pas l’extérieur de cette coupe ou de ce plat qui nous souille, mais l’intérieur, suivant ces paroles du Sauveur : « Votre intérieur est plein de rapine et d’iniquité. »

S. Augustin. (serm. 30 sur les par. du Seig.) Mais pourquoi Jésus traite-t-il avec si peu d’indulgence un homme qui l’avait invité ? Il se montre bien plus indulgent en lui faisant ce reproche, parce que cette indulgence est appliquée avec prudence et discernement. Il nous enseigne ensuite que le baptême, qu’on ne donne qu’une seule fois, purifie l’âme par la foi ; or, la foi est à l’intérieur et non au dehors, et c’est cette foi que méprisaient les pharisiens, en se purifiant des taches extérieures, tandis que leur intérieur restait plein de souillures ; contradiction que le Sauveur leur reproche par ces paroles : « Insensés, est-ce que celui qui a fait le dehors, n’a pas fait aussi le dedans ? » — Bède. C’est-à-dire : Celui qui est l’auteur des deux natures de l’homme, veut qu’elles soient toutes deux également pures, paroles qui condamnent les manichéens, qui prétendent que l’âme seule a Dieu pour auteur, et que le corps a été créé par le démon. Elles sont aussi la condamnation de ceux qui détestent comme les plus grands crimes les péchés extérieurs (la fornication, le vol et d’autres péchés semblables), et qui ne tiennent nul cas des péchés spirituels qu’ils regardent comme légers, et que saint Paul n’a pas moins condamnés. (Ga 5.)

S. Ambr. Cependant, Notre-Seigneur, comme un bon maître, nous enseigne comment nous devons nous purifier de ce qui peut souiller notre corps ; « Néanmoins, faites l’aumône de votre superflu, et toutes choses seront pures pour vous. » Vous voyez quels remèdes puissants il met à votre disposition. Il nous donne pour nous purifier la miséricorde, il nous donne la parole de Dieu, comme il le dit lui-même dans saint Jean : « Vous êtes déjà purs à cause de la parole que je vous ai dite. » — S. Augustin. (de l’aumône.) Il est miséricordieux lui-même, et c’est pour cela qu’il nous commande de pratiquer la miséricorde ; et comme il veut conserver à jamais ceux qu’il a rachetés à un si grand prix., il enseigne à ceux qui ont perdu la grâce du baptême, comment ils pourront se purifier de leurs souillures. — S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr.) « Donnez l’aumône, » dit-il, et non pas : Donnez le fruit de l’injustice, parce qu’en effet, il y a une aumône qui est pure de toute injustice. Cette aumône purifie toutes choses, et l’emporte sur le jeûne ; car bien que le jeûne soit plus pénible, l’aumône est plus riche en avantages. Elle donne à l’âme de la lumière, de la force, de la bonté, de l’éclat. Celui qui pense à secourir l’indigent, s’éloignera promptement du péché ; car de même qu’un médecin qui prodigue ses soins à un grand nombre de blessés, compatit plus facilement aux souffrances des autres, de même aussi si nous faisons notre occupation de secourir les pauvres, nous mépriserons plus facilement les choses présentes, et nos pensées s’élèveront vers le ciel. L’aumône est donc un remède bien efficace, puisqu’elle peut s’appliquer à toutes les blessures.

Bède. Notre-Seigneur dit : « Donnez ce qui vous reste, » c’est-à-dire ce qui vous reste de votre nourriture et de votre vêtement ; carie précepte de l’aumône vous impose, non pas l’obligation de vous réduire à la mendicité, mais d’assister le pauvre dans la mesure du possible, après avoir donné à votre corps ce qu’il réclame. Ou bien, il faut entendre ces paroles : « Ce qui reste, » dans ce sens : Le seul remède qui reste à ceux qui sont coupables de tant de crimes, c’est de donner l’aumône. Or, ce précepte embrasse toutes les oeuvres de miséricorde ; car donner l’aumône, ce n’est pas seulement donner du pain à celui qui a faim, ou d’autres secours de ce genre, mais pardonner à celui qui vous offense, prier pour lui, remplir le devoir de la correction, et infliger au besoin une punition salutaire. — Théophile. On peut encore traduire cette parole : Quod superest, par ce qui domine, parce qu’en effet, les richesses dominent les coeurs avides.

S. Ambr. Tout ce magnifique passage a donc pour but de nous inspirer l’amour de la simplicité, et tout ensemble de condamner les jouissances terrestres et les superfluités des Juifs. Et cependant il leur promet aussi la rémission de leurs péchés, s’ils veulent être miséricordieux.

S. Augustin. (serm. 30 sur les par. du Seig.) Mais si l’on ne peut être purifié de ses péchés, qu’en croyant en celui qui purifie le coeur par la foi, pourquoi nous dit-il : « Faites l’aumône, et tout sera pur pour vous ? » Examinons attentivement l’explication qu’il nous donne lui-même de cette difficulté. Les pharisiens prélevaient la dixième partie de tous leurs fruits, pour en faire l’aumône, ce que ne font pas ordinairement les chrétiens ; et ils se riaient des reproches que leur adressait le Sauveur, comme s’ils négligeaient le devoir de l’aumône. Jésus, connaissant leurs dispositions, ajoute : « Malheur à vous, pharisiens, qui payez la dîme de la menthe, de la rue, et de toutes les herbes, et qui négligez la justice et l’amour de Dieu ! Il fallait faire ces choses, et ne pas omettre les autres. » En agissant de la sorte, vous ne faites pas l’aumône ; car faire l’aumône, c’est pratiquer la miséricorde, si donc vous comprenez bien cette vérité, commencez par vous-même ; car comment serez-vous miséricordieux pour les autres, si vous êtes cruel pour vous-même ? Écoutez la sainte Écriture qui vous dit : « Ayez pitié de votre âme, en cherchant à plaire à Dieu. » (Si 30, 24.) Rentrez dans votre conscience, vous qui vivez dans le vice ou dans l’infidélité, et vous y trouverez votre âme réduite à la mendicité, ou peut-être réduite au silence par son indigence même. Donnez donc l’aumône à votre âme en toute justice et en toute charité. Qu’est-ce que vous commande la justice ? De vous déplaire à vous-même. Comment remplir le devoir de la charité ? Aimez Dieu, aimez le prochain. Si vous négligez de faire cette aumône, quel que soit d’ailleurs votre amour, vous ne faites rien, puisque vous ne faites rien pour vous-même.

S. Cyrille. Ou bien encore, ces paroles sont une censure de la conduite des pharisiens, qui ne recommandaient à ceux qu’ils dirigeaient que l’observation stricte des préceptes qui étaient pour eux une source de revenus abondants, c’est ainsi qu’ils n’oubliaient aucune des plus petites herbes, tandis qu’ils négligeaient d’exciter au devoir de la charité envers Dieu, et de la justice exacte à l’égard des autres. — Théophile. Par là même qu’ils méprisaient Dieu, ils traitaient avec négligence les choses sacrées ; il leur recommande donc l’amour de Dieu, en y ajoutant le devoir de la justice, il leur enseigne indirectement l’amour du prochain ; car le juste jugement que l’on porte du prochain, ne peut venir que d’un véritable amour pour lui. — S. Ambr. Ou bien encore, il leur recommande le jugement, parce que toutes leurs actions n’étaient pas conformes aux règles de la justice ; et la charité, parce qu’ils n’aimaient pas Dieu d’un véritable amour. Cependant comme il ne veut pas que nous n’ayions de zèle que pour la foi, sans nous occuper des oeuvres, il résume en une courte maxime la perfection de l’homme fidèle, perfection qui exige le concours de la foi et des oeuvres : « Il fallait, dit-il, faire ces choses, et ne pas omettre les autres. » — S. Chrys. (Hom. 74 sur S. Matth.) Lorsqu’il a parlé des purifications en usage chez les Juifs, il s’est bien gardé de dire rien de semblable ; mais comme la dîme était une espèce d’aumône, et que le temps de l’abolition définitive des pratiques légales n’était pas encore venu, il leur dit : « Il fallait faire ces choses. »

S. Ambr. Le Sauveur combat ensuite les orgueilleuses prétentions des Juifs qui recherchaient les premières places : « Malheur à vous, pharisiens, qui aimez les premières places, » etc. — S. Cyrille. En leur adressant ce reproche, Notre-Seigneur veut nous rendre meilleurs. Il veut détruire en nous tout germe d’ambition, et nous apprendre à ne pas poursuivre l’apparence au lieu de la réalité, ce que faisaient alors les pharisiens. En effet, que nous soyons salués par les hommes, que nous soyions même à leur tête, ce n’est pas une preuve que nous en soyons dignes ; car combien en est-il qui obtiennent ces avantages, tout mauvais qu’ils sont ? Aussi, Notre-Seigneur s’empresse-t-il d’ajouter : « Malheur à vous qui êtes comme des sépulcres qui ne paraissent pas. » Car en désirant être salués par les hommes, et être mis à leur tête pour obtenir une vaine réputation de grandeur, ils ressemblent à des sépulcres, au dehors, ils brillent par les ornements, dont ils sont couverts ; au dedans, ils sont pleins de corruption. — S. Ambr. Semblables encore à des sépulcres qui ne paraissent pas ce qu’ils sont en réalité, ils séduisent par leurs apparences, et trompent les regards des passants : « Et les hommes marchent dessus sans le savoir, » c’est-à-dire qu’au dehors ils ne font paraître que magnificence, tandis qu’au dedans, ils sont pleins de pourriture. — S. Chrys. (hom. 74.) Que les pharisiens fussent semblables à des sépulcres, rien de surprenant ; mais que nous-mêmes, qui avons été jugés dignes de devenir les temples de Dieu, nous devenions tout d’un coup des sépulcres remplis de corruption, c’est le comble de la misère.

S. Cyrille. (Ch. des Pèr. gr., et contre Jul.) Julien l’Apostat conclut de ces paroles, que nous devons fuir les sépulcres que Jésus-Christ lui-même a déclarés immondes, mais il n’a point compris le sens et la portée des paroles du Sauveur, qui n’a point commandé de fuir toute communication avec les sépulcres, mais qui a comparé à des sépulcres le peuple hypocrite des pharisiens.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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