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Lc  10  21-23

Théophile. Comme un bon père qui se réjouit de voir ses enfants dans la voie du bien, Jésus tressaille de joie de ce que les Apôtres ont été jugés dignes de si hautes faveurs : « En cette heure même, Jésus tressaillit de joie, » etc. — S. Cyrille. Il vit que les Apôtres, par la vertu de l’Esprit saint qu’il leur avait donnée, en gagneraient un grand nombre (c’est-à-dire les amèneraient à la foi), c’est pour cela que l’Évangéliste dit qu’il se réjouit dans l’Esprit saint, c’est-à-dire dans les effets produits par l’Esprit saint. En effet, le Sauveur aime tant les hommes, qu’il regarde comme un sujet de joie la conversion de ceux qui se sont égarés, et il rend grâces à Dieu : « Je vous rends gloire, ô Père, » etc. — Bède. Le mot confession ne signifie pas toujours pénitence, mais, actions de grâces, comme nous le voyons fréquemment dans les Psaumes (Ps 9, 2 ; 17, 50 ; 29, 13 ; 48, 19 ; 51, 11 ; 117, 21.28).

S. Cyrille. Des hommes à l’esprit ou au coeur perverti nous objectent que le Fils rend ici grâce au Père, comme lui étant inférieur. Mais qui donc empêche le Fils, tout en étant consubstantiel à son Père, de rendre gloire à celui qui l’a engendré, et qui s’est servi de lui pour sauver le monde ? Si vous pensez que par-là même qu’il rend gloire à son Père, il lui est inférieur, veuillez remarquer qu’il l’appelle son Père et le Seigneur du ciel et de la terre. — Tite de Bostra. Toutes les autres créatures ont été tirées du néant par le Christ, mais lui seul a été engendré par le Père d’une manière incompréhensible, car Dieu n’est Père dans un sens véritable que de son Fils unique ; aussi le Fils est-il le seul pour dire à son Père : « Je vous rends grâces, Seigneur Père, » c’est-à-dire, je vous glorifie. Ne soyez pas surpris si le Fils glorifie le Père, car toute la gloire du Père est dans la personne de son Fils unique. Toutes les créatures, les anges eux-mêmes sont la gloire du Créateur, mais comme ces créatures sont placées beaucoup trop au-dessous de sa Majesté, le Fils seul peut dignement glorifier le Père, parce qu’il a une même substance, une même divinité avec Dieu son Père. — S. Athan. Nous savons que souvent le Sauveur s’exprime d’une manière toute humaine, car sa divinité est intimement unie à son humanité ; gardez-vous cependant de méconnaître la divinité à cause du voile du corps qui la recouvre. Mais que répondront à cela ceux qui veulent que le mal ait une existence distincte, et qui se forment un Dieu différent du vrai Père du Christ. Ils disent que ce Dieu n’a pas été engendré, qu’il est l’auteur du mal, le prince de l’iniquité, et la créature de ce monde matériel. Mais le Sauveur, confirmant les paroles de Moïse, dit hautement : « Je vous rends gloire, Père, Dieu du ciel et de la terre. » — S. Epiph. L’Évangile de Marcion porte : « Je vous rends grâces, Dieu du ciel, » et supprime ces paroles : « Et de la terre, » et ces autres : « Mon Père, » pour ne point donner à entendre que Jésus-Christ appelle son Père le Créateur du ciel et de la terre.

S. Ambr. Le Sauveur découvre ensuite à ses disciples le dessein mystérieux, en vertu duquel il a plu à Dieu de révéler les trésors de la grâce aux petits, plutôt qu’aux sages et aux prudents de ce monde : « Je vous rends grâces de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents, » etc. — Théophile. On peut voir ici deux sortes de personnes ; les sages sont les pharisiens et les scribes interprètes de la loi ; et les prudents, ceux qui étaient enseignés par les scribes. Les petits, au contraire, dont parle le Seigneur, sont ses disciples qu’il a choisis, non parmi les docteurs de la loi, mais parmi le peuple et les pêcheurs des bords de la mer ; et il les appelle petits, parce que leur volonté est sans malice. — S. Ambr. Ou bien, ces petits sont ceux qui ne cherchent point à s’élever, et à faire ressortir leur prudence dans des discours étudiés, ce que font la plupart des pharisiens. — Bède. Il rend donc grâces à Dieu de ce qu’il a révélé aux Apôtres, qui sont petits à leurs yeux, les mystères de son avènement qu’ont ignorés les scribes et les pharisiens qui se croient les seuls sages, et se complaisent dans leur prudence.

Théophile. Ces mystères restent donc cachés pour ceux qui prétendent être sages, et ne le sont pas ; car s’ils l’étaient réellement, ces mystères leur auraient été révélés. — Bède. Remarquez qu’il oppose aux sages et aux prudents, non pas les insensés et les esprits stupides, mais les petits, c’est-à-dire les humbles, pour faire comprendre que ce qu’il condamne, ce n’est point la pénétration, mais l’orgueil de l’esprit. — Origène. En effet, le sentiment de ce qui nous manque est une disposition pour arriver à la perfection. Celui qui, séduit par l’apparence du bien qu’il croit avoir, ne sent point qu’il ne possède pas le. bien véritable, en demeure privé pour toujours.

S. Chrys. (hom. 39 sur S. Matth.) Si le Sauveur tressaille de joie et rend grâces à son Père, ce n’est point de ce que les mystères de Dieu restent cachés aux scribes et aux pharisiens, car c’était un sujet de gémissement et de larmes, plutôt que de joie, mais il rend grâces de ce que ses disciples ont connu ce que ces prétendus sages ont ignoré. Il rend grâces à Dieu de cette révélation dont il est aussi l’auteur conjointement avec son Père, et nous fait ainsi connaître la grandeur de son amour pour nous. Il nous apprend encore que la cause première de cette révélation, c’est sa volonté et celle de son Père, qui agissait en cela par un dessein formel de sa volonté divine. — S. Grég. (Moral., 25, 43.) Notre-Seigneur nous donne ici une leçon d’humilité, en nous enseignant à ne pas discuter témérairement les conseils de Dieu dans la vocation des uns, et la réprobation des autres ; car ce que la souveraine justice juge à propos de faire, ne peut jamais être injuste. Ainsi donc dans tous les événements qui arrivent, la cause évidente de la conduite de Dieu, c’est la justice secrète de sa volonté mystérieuse.

S. Chrys. (hom. 39 sur S. Matth.) Ces paroles : « Je vous rends grâces, ô mon Père, de ce que vous avez révélé ces choses aux petits, » pouvaient donner à penser que le Christ n’avait pas le pouvoir de faire la même révélation, il ajoute donc : « Toutes, choses m’ont été données par mon Père. » — S. Athan. Les partisans d’Arius ne comprennent pas le véritable sens de ces paroles, et en donnent cette interprétation absurde et injurieuse au Seigneur : Si toutes choses, disent-ils (c’est-à-dire le domaine sur toute créature), lui ont été données, il fut un temps où il ne les avait pas, il n’est donc pas consubstantiel au Père ; car s’il l’était, il n’aurait pas eu besoin de recevoir le domaine sur toutes choses. Mais cette explication fait ressortir davantage leur folie ; car si avant de recevoir le domaine sur toute créature, le Verbe était étranger aux créatures, comment admettre ces paroles de l’Apôtre : « Toutes choses subsistent en lui ? » (Col 1, 47.) D’ailleurs, si toutes les créatures lui ont été données, aussitôt qu’elles furent créées, il n’était pas besoin de les lui donner de nouveau ; car c’est par lui que toutes choses ont été faites. » (Jn 1.) Il n’est donc pas question ici, comme le prétendent les ariens, du domaine sur les créatures, mais ces paroles ont un rapport évident aux suites de l’incarnation du Verbe. En effet, le péché de l’homme fut cause d’un bouleversement général, et le Verbe s’est fait chair pour rétablir tout dans le premier état. Si donc toutes choses lui ont été données, ce n’est pas chez lui défaut de puissance, mais elles lui ont été données pour qu’il les réformât en qualité de Sauveur. Ainsi de même qu’au commencement toutes les créatures ont été tirées du néant par le Verbe, de même, c’est le Verbe fait chair qui les a rétablies et renouvelées. — Bède. Ou bien, en disant que toutes choses lui ont été données, le Sauveur veut parler, non des éléments de ce monde, mais de ces petits auxquels le Père a révélé les mystères du Fils, et dont le salut éternel lui cause ici un véritable tressaillement de joie. — S. Ambr. Ou bien encore, dans ces paroles : « Toutes choses, » vous reconnaissez dans le Fils le Tout-Puissant égal en tout à son Père ; dans ces autres : « M’ont été données, » vous confessez qu’il est véritablement le Fils, à qui toutes choses appartiennent essentiellement en vertu de sa consubstantialité, et sans qu’elles lui aient été données par grâce. — S. Cyrille. (Tres., liv. 4.) Après avoir déclaré que toutes choses lui ont été données par son Père, il élève les esprits jusqu’à la gloire et la grandeur qui lui sont propres, en montrant qu’il ne le cède en rien à son Père : « Personne ne sait qui est le Fils, si ce n’est le Père, et qui est le Père, que le Fils, » etc. En effet, la pensée de la créature ne peut atteindre la profondeur de la substance divine qui surpasse toute intelligence, et dont la beauté est au-dessus de toute conception. Le Père connaît donc le Fils en vertu de sa nature divine, et le Fils connaît le Père de la même manière, sans qu’il y ait la moindre différence de nature. Quant à nous, nous croyons que Dieu existe, mais nous ne pouvons comprendre quelle est sa nature. Mais si le Fils avait été créé, comment serait-il le seul pour connaître le Père, ou comment le Père seul pourrait-il le connaître ? Car aucune créature ne peut connaître la nature divine, tandis que la connaissance des choses créées ne surpasse pas toute intelligence, bien qu’elle puisse surpasser la portée de notre esprit.

S. Athan. Il est évident que les ariens se mettent en contradiction avec ces paroles du Sauveur, quand ils osent avancer que le Père ne peut être vu par le Fils. Mais n’est-ce pas une absurdité manifeste, que le Verbe ne se connaisse pas lui-même, alors qu’il donne à tous la connaissance de lui-même et de son Père : « Et celui à qui le Fils voudra le révéler ? » — Tite de Bostra. La révélation, c’est la transmission d’une connaissance faite d’une manière proportionnée à la nature et aux facultés de chacun ; là où la nature est consubstantielle, la connaissance existe sans enseignement ; pour nous, au contraire, la connaissance ne peut exister sans révélation. — Origène. Le Fils de Dieu veut faire cette révélation, comme Verbe, d’une manière conforme à la raison, et comme la souveraine justice qui sait choisir les temps les plus opportuns, et la mesure la plus convenable. Or, il révèle en écartant le voile qui est placé sur le coeur (2 Co 3), et les ténèbres où lui-même habite comme dans une retraite. (Ps 17.) Mais puisque ceux qui sont d’une opinion contraire s’efforcent d’appuyer sur ces paroles leur dogme impie, que le Père de Jésus n’a pas été connu des saints des temps anciens, nous leur répondrons que ces paroles : « Et celui à qui le Fils voudra le révéler, » se rapportent non seulement aux temps qui ont suivi celui où le Sauveur les a dites, mais encore au temps qui ont précédé. Et s’il leur répugne d’étendre le mot révéler aux temps passés, nous leur dirons que connaître et croire sont deux choses différentes : « L’un reçoit de l’Esprit saint le don de parler avec science ; un autre reçoit le don de la foi par le même Esprit. (1 Co 12.) Ainsi les hommes eurent d’abord la foi, mais sans avoir la connaissance. — S. Ambr. De plus, afin que vous sachiez, que de même que le Fils révèle le Père à qui il veut, le Père révèle aussi le Fils à qui il veut, écoutez ces paroles du Seigneur : « Vous êtes bienheureux, Simon, fils de Jean, parce que ce n’est ni la chair ni le sang qui vous sont révélés, mais mon Père qui est dans les cieux. »

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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