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Jn  9  24-34

S. Chrys. (hom. 58 sur S. Jean.) Les parents ayant renvoyé les pharisiens à celui-là même qui avait été guéri, ils l’appelèrent une seconde fois, comme le dit l’Evangéliste : « Ils appelèrent donc de nouveau l’homme qui avait été aveugle. » Ils ne lui dirent pas ouvertement : Niez que Jésus-Christ vous ait guéri ; mais ils veulent l’y amener indirectement, sous prétexte de religion : « Rendez gloire à Dieu, » lui dirent-ils ; c’est-à-dire, avouez que Jésus ne vous a rien fait. — S. Augustin. (Traité 47.) Niez le bienfait que vous avez reçu ; ce qui n’est point rendre gloire à Dieu, mais se rendre coupable de blasphème envers lui. — Alcuin. Mais ils voulaient qu’il rendit gloire à Dieu à leur façon, c’est-à-dire en reconnaissant que Jésus-Christ était un pécheur : « Nous savons, disent-ils, que cet homme est un pécheur. » — S. Chrys. (hom. 58.) Pourquoi donc ne lui avez-vous point prouvé qu’il était un pécheur lorsqu’il vous a fait ce défi : « Qui de vous me convaincra de péché ? »

Alcuin. Cet homme, qui ne voulait ni donner lieu à la calomnie, ni cacher la vérité, ne dit pas : Je sais qu’il est juste, mais il leur dit : « S’il est pécheur, je n’en sais rien. » — S. Chrys. Comment celui qui avait reconnu précédemment que Jésus était un prophète, peut-il dire maintenant : « S’il est un pécheur, je ne sais ? » Est-ce qu’il se laisse influencer par la crainte ? Non ; mais il veut justifier Jésus-Christ contre ses accusateurs par le témoignage du miracle lui-même, et rendre ses paroles dignes de foi par le bienfait qu’il a reçu : « Je sais seulement que j’étais aveugle, et qu’à présent je vois. » C’est-à-dire, je ne m’explique point sur cette question s’il est pécheur ou non, mais je dis ce que je sais à n’en pouvoir douter. Les pharisiens ne pouvant détruire la vérité du fait miraculeux, reviennent à leurs premières questions, et s’informent de nouveau de la manière dont cette guérison a eu lieu, semblables à des chiens qui cherchent sans discontinuer leur proie, tantôt d’un côté tantôt d’un autre : « Sur quoi ils lui dirent : Que vous a-t-il fait ? Comment vous a-t-il ouvert les yeux ? » C’est-à-dire, est-ce au moyen de quelque prestige ? Ainsi ils ne lui disent pas : Comment avez-vous vu ? mais : « Comment vous a-t-il ouvert les yeux ? » pour lui offrir l’occasion de calomnier le miracle opéré par Jésus. Tant que les éclaircissements avaient été nécessaires, l’aveugle s’était expliqué avec modération ; mais comme la vérité est désormais triomphante, il leur parle avec une généreuse liberté : « Il leur répondit : Je vous l’ai déjà dit, et vous l’avez entendu, pourquoi voulez-vous l’entendre encore ? » C’est-à-dire : Vous ne tenez aucun cas de ce que je vous ai dit, je ne répondrai donc plus à des questions qui n’ont aucun but, et que vous faites non pour apprendre, mais pour trouver dans mes réponses un sujet de critique ou d’accusation. Il ajoute : « Est-ce que, vous aussi, vous voulez devenir ses disciples ? » — S. Augustin. Que veulent dire ces paroles : « Est-ce que vous aussi ? » Quant à moi, je suis déjà son disciple, voulez-vous aussi le devenir ? Je vois, mais je jouis sans envie du bienfait de la vue. C’est avec cette noble fermeté que cet homme, autrefois aveugle, et qui ne peut plus supporter les aveugles, condamne la dureté opiniâtre des Juifs. — S. Chrys. (hom. 58.) Voyez à la fois la force de la vérité, et la faiblesse du mensonge. La vérité rend les hommes illustres et les couvre de gloire, quelque méprisés qu’ils soient d’ailleurs ; et le mensonge, eût-il pour organe les puissants du monde, dévoile toute leur faiblesse.

« Ils le maudirent alors et lui dirent : Sois son disciple, toi. » Que cette malédiction soit sur nous et sur nos enfants, car elle n’existe que dans leur cœur, et non dans leurs paroles : « Pour nous, ajoutent-ils, nous sommes disciples de Moïse ; nous savons que Dieu a parlé à Moïse. » Plût à Dieu que vous sachiez que Dieu a parlé à Moise, vous sauriez également alors que Moïse a prédit l’avènement d’un Dieu ; puisque c’est le Seigneur lui-même qui vous dit : « Si vous croyiez à Moïse, vous croiriez aussi en moi ; car il a parlé de moi dans ses écrits. » Ainsi vous vous faites gloire de suivre le serviteur, et vous tournez le dos au Maître ? Car vous ajoutez : « Mais celui-ci, nous ne savons d’où il est » — S. Chrys. (hom. 58.) C’est-à-dire que ce que vous voyez de vos yeux vous paraît moins véritable que ce que vous avez entendu dire ; en effet ce que vous dites savoir, vous le tenez de vos ancêtres. Mais n’est-il pas bien plus digne de foi, celui qui vous a prouvé qu’il venait de Dieu par des miracles, dont vous n’avez pas seulement entendu parler, mais que vous avez vus de vos propres yeux ? C’est ce que leur répond cet homme : « Il est vraiment surprenant que vous ne sachiez pas d’où il est, et qu’il m’ait ouvert les yeux. » Il ne cesse de leur rappeler ce miracle, parce qu’ils ne pouvaient en contester la réalité, et qu’il portait avec lui sa conviction ; et comme ils avaient déclaré qu’un pécheur ne pouvait opérer de semblables prodiges, il s’appuie sur cet aveu, et leur remet en mémoire leurs propres paroles : « Nous savons, leur dit-il, que Dieu n’exauce point les pécheurs ; » c’est-à-dire, vous et moi nous sommes d’accord sur ce point.

S. Augustin. Il parle ici comme un homme qui n’a pas encore reçu l’onction, car Dieu exauce les pécheurs ; et, s’il ne les exauçait pas, c’est donc en vain que le publicain lui aurait fait cette prière : « Seigneur, soyez-moi propice, à moi, qui ne suis qu’un pécheur. » Mais au contraire il mérita, par cette confession, d’être justifié, comme l’aveugle mérita que la lumière lui fût rendue. — Théophile. Ou bien encore on peut dire que Dieu n’exauce point les pécheurs, en ce sens qu’il ne leur accorde pas le pouvoir de faire des miracles, mais lorsqu’ils implorent le pardon de leurs fautes, ils passent de l’état de pécheurs à celui de pénitents.

S. Chrys. (hom. 58.) Et, remarquez que les paroles qui précèdent : « S’il est un pécheur, je ne sais, » n’expriment pas un doute de la part de cet homme ; car ici, non-seulement il le justifie de tout péché, mais il montre combien il est agréable à Dieu. « Mais celui qui l’honore, et fait sa volonté, c’est celui-là qu’il exauce ; » ainsi il ne suffît pas de connaître Dieu, il faut encore accomplir sa volonté. «Voyez encore comme il relève le miracle dont il vient d’être l’objet : « Jamais on n’a ouï dire que personne ait ouvert les yeux à un aveugle-né. » C’est-à-dire : Si vous reconnaissez que Dieu n’exauce point les pécheurs, et que cet homme cependant ait fait un miracle comme jamais aucun homme n’en a fait, il est évident que la puissance en vertu de laquelle il a fait ce miracle est supérieure à toute puissance humaine : « Si cet homme n’était pas de Dieu, ajouta-t-il, il ne pourrait rien faire. » — S. Augustin. Il ne pourrait rien faire avec liberté, avec constance, avec vérité ; car, comment les choses que le Seigneur a faites auraient-elles pu exister si Dieu lui-même n’en était l’auteur ? et comment ses disciples pourraient-ils opérer de semblables prodiges, si le Seigneur lui-même n’habitait en eux pour les revêtir de sa puissance ?

S. Chrys. Cet homme a donc confessé la vérité sans la moindre crainte, et cependant au lieu d’admirer sa noble fermeté, les pharisiens le condamnent, « Ils lui répondirent : Tu es né tout entier dans le péché, et tu nous enseignes ! » Que veulent dire ces mots : « Tout entier ? » Avec les yeux fermés ; mais celui qui lui a ouvert les yeux l’a guéri aussi tout entier. — S. Chrys. (hom. 58.) Ou bien ces paroles : « Tout entier, » signifient : Vous êtes dans le péché depuis vos premières années. Ils lui reprochent donc sa cécité, comme la suite et la punition de ses péchés, ce qui était dénué de fondement. Tant qu’ils ont espéré qu’il nierait cette guérison miraculeuse, ils l’ont juge digne de foi ; maintenant ils le repoussent loin d’eux. « Et ils le chassèrent dehors. » — S. Augustin. Ils l’avaient eux-mêmes établi comme maître, ils l’avaient interrogé à plusieurs reprises, comme pour s’instruire, et après qu’il leur a enseigné la vérité, ils le chassèrent avec une superbe ingratitude. — Bède. C’est, en effet, la coutume des grands, de dédaigner de rien apprendre de la bouche de leurs inférieurs.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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