Accueil > Bibliothèque > La Chaîne d’or > Évangile selon saint Jean > chapitre 9, versets 35-41
S. Chrys. (hom. 59 sur S. Jean.) Dieu se plaît à honorer surtout ceux qui sont couverts d’outrages pour avoir rendu témoignage à la vérité et confessé Jésus-Christ. C’est ce qui se vérifie dans cet aveugle. Les Juifs le chassent du temple, et le Maître du temple le rencontre, et l’accueille avec bonté, comme le président des combats accueille celui qui a courageusement combattu et mérité la couronne. « Jésus apprit qu’ils l’avaient ainsi chassé ; et, l’ayant rencontré, il lui dit : Croyez-vous au Fils de Dieu ? » Le récit de l’Evangéliste nous fait voir que Jésus était venu exprès pour lui parler. Or, il l’interroge, non pour apprendre ce qu’il ignorait, mais pour se faire connaître à lui, et lui montrer la grande estime qu’il fait de sa foi ; et il semble lui dire : Ce peuple m’a outragé, mais peu m’importe ; je n’ai à cœur qu’une seule chose, c’est de vous inspirer la foi : mieux vaut un homme faisant la volonté de Dieu, que dix mille impies.
S. Hil. (de la Trinité, 6) Si une foi telle quelle en Jésus-Christ devait être regardée comme une foi consommée, le Sauveur aurait dit à cet homme : Croyez-vous en Jésus-Christ ? Mais comme presque tous les hérétiques devaient avoir ce nom à la bouche et confesser le Christ, tout en niant qu’il était le Fils de Dieu, Jésus demande à cet homme de croire ce qui est le signe caractéristique du Christ, c’est-à-dire, de croire qu’il est Fils de Dieu. Que servirait-il de croire au Fils de Dieu, si l’objet de la foi n’était qu’une créature ? La foi qui nous est demandée, c’est la foi en Jésus-Christ, non comme créature de Dieu, mais comme Fils de Dieu.
S. Chrys. (hom. 59.) Cet homme ne connaissait pas encore Jésus-Christ, il était aveugle avant que Jésus l’eût rencontré pour la première fois ; et après sa guérison, il avait été entraîné de tous côtés par les Juifs. « Il répondit : Qui est-il, Seigneur, afin que je croie en lui ? » C’est là l’expression d’un vif et ardent désir. Il ne connaît point celui dont il a pris et soutenu la défense avec tant de force et de chaleur, preuve de son grand amour pour la vérité. Le Seigneur ne lui a point encore dit expressément : « C’est moi qui vous ai guéri ; » mais il le lui fait connaître équivalemment en lui disant : « Vous l’avez vu, et c’est lui-même qui vous parle. » — Théophile. Il s’exprime ainsi pour rappeler à cet homme sa guérison, parce que c’est de lui qu’il avait reçu la faculté de voir. Remarquez que celui qui lui parle est à la fois le Fils de Marie et le Fils de Dieu, et il n’y a point en lui deux personnes, suivant l’erreur de Nestorius ; « et c’est lui-même qui vous parle, » lui dit le Sauveur.
S. Augustin. (Traité 44) Notre-Seigneur lave et purifie maintenant la face de son cœur, et après que son cœur est purifié, ainsi que sa conscience, il le reconnaît non comme Fils de l’homme, ce qu’il croyait déjà auparavant, mais comme Fils de Dieu, revêtu d’une chair mortelle : « Et il lui dit : Je crois, Seigneur. » C’est peu de croire ; voulez-vous voir tout ce que sa foi découvre en lui ? « Et, se jetant à ses pieds, il l’adora. » — Bède. Cet exemple nous apprend qu’on ne doit point prier Dieu la tète haute, mais implorer sa miséricorde la face prosternée contre terre. — S. Chrys. ( hom. 59. ) Par son attitude autant que par son langage, cet homme révèle la puissance divine de Jésus ; le Seigneur, de son côté, donne une nouvelle ardeur à sa foi, et rend ceux qui le suivent plus attentifs : « Alors Jésus dit : Je suis venu dans ce monde pour exercer le jugement. » — S. Augustin. Jésus était le jour, qui sépare la lumière des ténèbres, et il ajoute justement : « Afin que ceux qui ne voient pas voient, » parce qu’il délivre des ténèbres. Mais que signifient les paroles qui suivent : « Et que ceux qui voient deviennent aveugles ? » La suite nous en donne le véritable sens : «Quelques-uns, d’entre les pharisiens qui étaient-là, ayant entendu ces paroles, lui dirent : « Sommes-nous donc aussi des aveugles ? » Car cette parole : « Et que ceux qui voient deviennent aveugles, » les avait vivement touchés. « Jésus leur répondit : Si vous étiez aveugles, vous n’auriez point de péché ; » c’est-à-dire, si vous reconnaissiez que vous êtes des aveugles, vous auriez recours au médecin. « Mais maintenant vous dites : Nous voyons, votre péché demeure. » En effet, en prétendant que vous voyez, vous n’avez nul souci de chercher le médecin, et vous demeurez dans votre aveuglement ; c’est ce qu’il vient de leur prédira, en leur disant : « Je suis venu pour que ceux qui ne voient point voient, » (c’est-à-dire, ceux qui reconnaissent qu’ils ne voient point, et cherchent un médecin, pour qu’il leur rende la vue,) « et que ceux qui voient deviennent aveugles. » (C’est-à-dire, afin que ceux qui s’imaginent qu’ils voient et ne cherchent pas le médecin, demeurent dans leur aveuglement.) C’est cette distinction qu’il appelle jugement, lorsqu’il dit : « Je suis venu dans le monde pour exercer le jugement, » et il ne veut point dire qu’il vienne exercer sur le monde ce jugement qui doit n’avoir lieu qu’à la fin des siècles, pour les vivants et les morts.
S. Chrys. (hom. 59.) Ou bien encore, tel est le sens de ces paroles : « Je suis venu pour le jugement ; » c’est-à-dire, pour augmenter la rigueur du supplice qui vous est réservé ; et il montre aussi que ceux qui l’ont condamné, seront eux-mêmes l’objet d’une sévère condamnation. Les paroles suivantes : « Afin que ceux qui ne voient point voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles, » doivent être entendues dans le même sens que ces autres de saint Paul : « Que les Gentils qui ne cherchaient point la justice, ont embrassé la justice, et la justice qui vient de la foi de Jésus-Christ ; et qu’Israël, au contraire, qui recherchait la loi de la justice, n’est point parvenu à la loi de la justice. » (Rm 9, 30-31.) — Théophile. Notre-Seigneur semble dire : Celui qui était aveugle dès sa naissance voit maintenant, et ceux qui paraissent avoir l’usage de la vue, sont aveugles dans leur intelligence. — S. Chrys. (hom. 59.) Il y a, en effet, deux manières de voir, comme deux manières d’être aveugle, l’une extérieure, l’autre intérieure ; or, les Juifs n’avaient de désirs que pour les choses sensibles, et de mépris que pour la cécité extérieure ; Jésus leur déclare donc qu’il vaudrait mieux pour eux être aveugles, que de voir de la sorte : « Si vous étiez aveugles, leur dit-il, vous n’auriez point de péché, » et votre châtiment serait moins rigoureux ; « mais maintenant vous dites : Nous voyons. » — Théophile. Vous ne voulez faire nulle attention au miracle opéré en faveur de cet aveugle, vous êtes donc indigne de pardon, puisque la vue de tels prodiges n’est point capable de vous attirer à la foi.
S. Chrys. (hom. 59.) Il leur montre ainsi que ce qu’ils regardaient comme un titre de gloire, sera pour eux une cause de châtiment, et en même temps il console de sa cécité extérieure cet homme qui avait été aveugle de naissance. Ce n’est pas sans raison que l’Evangéliste nous fait remarquer que quelques-uns d’entre les pharisiens qui étaient là entendirent ces paroles ; il veut nous rappeler que ce sont les mêmes qui avaient d’abord résisté à Jésus-Christ, et avaient voulu ensuite le lapider ; ils étaient de ceux qui suivaient le Sauveur comme par manière d’acquit, et à la première occasion se déclaraient contre lui. — Théophile. Ou bien encore, si vous étiez aveugles, c’est-à-dire si vous ignoriez les Ecritures, votre péché serait moins grand, parce qu’il aurait l’ignorance pour excuse ; mais maintenant, que vous vous donnez comme des sages et des hommes versés dans la loi, vous vous condamnez vous-mêmes.
Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.