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Jn  5  21-23

S. Augustin. (Traité 21.) Le Sauveur venait de dire que le Père devait montrer à son Fils des œuvres plus grandes encore, il explique maintenant quelles sont ces œuvres : « Car comme le Père ressuscite les morts, » etc. Evidemment, ces œuvres sont plus grandes, car c’est un plus grand miracle de ressusciter un mort, que de rendre la santé à un malade. Il ne faut pas entendre ces paroles dans ce sens que les uns soient ressuscites par le Père, et les autres par le Fils ; car le Fils ressuscite et vivifie ceux-là mêmes que le Père ressuscite et rend à la vie. Et pour qu’on ne dise pas : Le Père ressuscite les morts par le Fils, celui-ci en vertu de sa propre puissance, celui-là par le moyen d’une puissance étrangère, et comme le serviteur fait l’œuvre de son maître, il établit clairement la puissance du Fils en disant : « Ainsi le Fils donne la vie à qui il veut. » (Traité 19.) Ne séparez donc pas ici la puissance du Fils de sa volonté, le Père et le Fils ont une même puissance et une même volonté. (Traité 21.) Le Père n’a d’autre volonté que celle du Fils, ils n’ont qu’une seule et même volonté, comme ils n’ont qu’une seule et même nature. — S. Hil. (de la Trinit., 7) Vouloir est un effet de la liberté de la nature, et cette liberté concourt avec la volonté du libre arbitre à conduire à la parfaite félicité.

S. Augustin. (Traité 21) Mais quels sont ces morts à qui le Père et le Fils rendent la vie ? Notre-Seigneur veut parler ici de la résurrection des morts, qui est l’objet commun de notre espérance ; non cette résurrection des morts qu’il a rappelés à la vie pour amener à la foi ceux qui en étaient témoins : Lazare, par exemple, qui ressuscita, mais pour être encore victime de la mort, tandis que pour nous, nous ressusciterons un jour pour vivre éternellement avec Jésus-Christ. Ces paroles : « Comme le Père ressuscite et vivifie les morts, » ne s’appliquent donc pas aux résurrections miraculeuses qu’il a opérées pendant sa vie mortelle, mais à la résurrection qui sera suivie de la vie éternelle ; et Notre-Seigneur prend soin d’établir cette vérité en ajoutant : « Car le Père ne juge personne, » etc., preuve évidente qu’il a voulu parler de la résurrection des morts, qui doit avoir lieu lors du jugement dernier. (Traité 23.) On peut dire encore que ces paroles : « Comme le Père ressuscite les morts, » etc., doivent s’entendre de la résurrection des âmes, et ces autres : « Le Père ne juge personne,» etc., de la résurrection des corps. En effet, la résurrection des âmes est l’œuvre de la puissance éternelle du Père et du Fils, et elle exige le concours simultané du Père et du Fils. La résurrection des corps, au contraire, est le fruit de l’incarnation du Fils de Dieu, incarnation qui n’est pas coéternelle au Père. (Traité 21.) Voyez comme la parole de Jésus-Christ dirige et conduit notre âme d’une pensée à une autre, et ne le laisse pas s’arrêter dans des idées exclusivement matérielles ; elle l’exerce par cette conduite, elle la purifie par cet exercice, et en la purifiant, elle la rend capable de recevoir la grâce divine qui doit la remplir. Notre-Seigneur avait dit précédemment : « Le Père montre au Fils tout ce qu’il fait, » c’est-à-dire que le Père agissait, et que le Fils semblait attendre. Ici, je vois le Fils qui agit seul, à l’exclusion, ce semble, du Père. — S. Augustin. (de la Trin., 1, 13.) Ces paroles : « Il a donné tout jugement au Fils, » ne doivent pas s’entendre dans le même sens que ces autres : « Il a donné au Fils d’avoir la vie en lui-même, » qui expriment la génération éternelle du Fils. Si ces deux passages devaient s’entendre dans le même sens, le Sauveur n’aurait pas dit : « Le Père ne juge personne, » car le fait seul pour le Père de la génération d’un Fils qui lui est égal, entraîne nécessairement le pouvoir de juger avec lui. Ces paroles signifient donc qu’au jour du jugement, ce ne sera pas la nature divine, mais la forme du Fils de l’homme qui apparaîtra. Il ne faut pas en conclure que celui qui a donné tout jugement au Fils, sera privé du droit déjuger lui-même, parce que le Fils a dit de lui : « Il est quelqu’un qui en prendra soin (de ma gloire), et qui jugera. » (Jn 8, 50.) Ces paroles : « Le Père ne juge personne, » signifient donc simplement : Personne ne verra le Père au jour du jugement, mais tous verront le Fils, parce qu’il est le Fils de l’homme, et qu’il sera vu même des impies qui jetteront les yeux sur celui qu’ils auront percé de plaies. (Za 12, 10. ) — S. Hil. (de la Trin., 7) On bien encore, Notre-Seigneur ne voulant pas que ces paroles : « Le Fils donne la vie à qui il veut, » fussent prises comme une négation de sa génération divine, et comme une preuve que sa puissance ainsi que sa nature ne venaient que de lui-même, il ajoute aussitôt : « Le Père ne juge personne,» etc. Dans ces seules paroles : « Il a donné tout jugement au Fils, » nous voyons tout à la fois la nature divine du Fils de Dieu et sa génération ; car la nature divine seule peut tout avoir, et celui qui est engendré ne peut rien avoir qu’il n’ait reçu. — S. Chrys. (hom. 39.) De même qu’il lui a donné la vie, c’est-à-dire qu’il l’a engendré vivant, ainsi lui a-t-il donné tonte puissance pour juger, c’est-à-dire qu’il lui a communiqué cette puissance avec la génération. Il se sert ici du mot « il a donné,» pour éloigner toute idée qui exclurait la génération, ou supposerait l’existence de deux Pères. Il dit : « Toute puissance de juger, » parce qu’il est le maître de punir et de récompenser selon son bon plaisir. — S. Hil. (de la Trin., 7) « Il lui a donné toute puissance de juger, » parce que le Fils donne la vie à qui il lui plait, mais il ne faut pas croire que le Père soit privé de la puissance de juger, parce qu’il ne juge pas lui-même, car le pouvoir judiciaire du Fils vient du pouvoir du Père qui a donné au Fils toute puissance de juger, et Notre-Seigneur fait connaître la raison de cette puissance qui lui est donnée : « Afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. »

S. Chrys. (hom. 39.) De ce que le Père est le principe de l’existence et de la puissance du Fils, ne concluez pas que le Fils soit d’une nature différente et n’ait point droit au même honneur, car Notre-Seigneur unit étroitement l’honneur du Fils à l’honneur du Père, et il établit clairement que l’honneur qui est dû au Père, est le même qui est dû au Fils. Dirons-nous pour cela que le Fils est le Père ? Non, sans doute, celui qui lui donne le nom de Père, n’honore pas encore le Fils comme le Père, mais les confond tous deux ensemble. — S. Augustin. (Traité 21.) Pendant sa vie mortelle, le Fils ne paraissait que comme un serviteur, le Père recevait les honneurs dus à Dieu, mais après le jugement, le Fils apparaîtra comme l’égal de son Père, afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. (Traité 19.) Mais s’il en étaient qui honorent le Père sans honorer le Fils ? Cela est impossible : « Celui qui n’honore pas le Fils, poursuit Notre-Seigneur, n’honore pas le Père qui l’a envoyé. » Autre chose est de considérer Dieu en tant qu’il est Dieu, autre chose est de le considérer en tant qu’il est Père. Lorsqu’on vous le fait considérer comme Dieu, vous vous le représentez comme un être tout-puissant, comme un esprit souverain, éternel, invisible, immuable. Mais lorsqu’on vous le fait considérer comme Père, cette idée réveille aussitôt dans votre esprit l’idée de Fils, puisqu’on ne peut lui donner le nom de Père, que parce qu’il a un Fils. Et si vous veniez à honorer le Père comme plus grand que le Fils, et le Fils comme lui étant inférieur, vous diminuez la gloire du Père en diminuant l’honneur que vous rendez au Fils. Car quelle est alors votre pensée, c’est que le Père n’a pas voulu, ou qu’il n’a pu engendrer un Fils qui lui fût égal ; s’il n’a pas voulu, ce serait donc qu’il lui aurait envié l’existence, s’il ne l’a pu, c’est une preuve d’impuissance. (Traités 23) Ou bien encore, ces paroles : « Afin que tons honorent le Fils comme ils honorent le Père, » se rapportent à la résurrection des âmes que le Fils opère simultanément avec le Père, tandis que les paroles qui suivent : « Celui qui n’honore pas le Fils, n’honore pas le Père, » se rapportent à la résurrection des corps. Ici Notre-Seigneur ne dit pas : De la même manière que le Père, parce que Jésus-Christ en tant qu’homme n’a pas droit aux mêmes honneurs que Dieu le Père. (Traité 21.) Vous me direz : Le Fils a été envoyé, il est donc inférieur au Père qui l’a envoyé ? Eloignez de votre esprit toute idée charnelle, et comprenez qu’il y a eu mission, mais non point séparation ; les choses humaines nous induisent en erreur, les vérités divines purifient notre intelligence, bien qu’ici les choses humaines rendent témoignage contre elles-mêmes. Un homme veut demander une femme en mariage, il ne peut le faire par lui-même, il charge un ami plus puissant que lui de faire cette demande. Et cependant remarquez la différence qui existe dans les choses humaines, un homme ne va pas avec celui qu’il envoie, tandis que le Père, qui envoie le Fils, ne se sépare pas de lui, comme le déclare Notre-Seigneur : « Je ne suis pas seul, parce que mon Père est avec moi. » (Jn 16, 32.) — S. Augustin. (de la Trin., 4, 20.) Ce n’est pas précisément parce que le Fils est engendré du Père, que les Ecritures disent que le Fils est envoyé, mais parce qu’il s’est manifesté au monde, lorsque le Verbe s’est fait chair, ce qui lui fait dire : « Je suis sorti de mon Père, et je suis venu en ce monde ; » (Jn 16, 28) ou bien, parce qu’il est successivement envoyé et reçu dans le cœur des fidèles suivant cette parole : « Envoyez-la du ciel (votre sagesse), et du trône de votre grandeur, afin qu’elle soit avec moi, et qu’elle agisse avec moi. » (Sag., 9, 10.) — S. Hil. (de la Trin.) Toute issue est donc fermée aux inventions sataniques de l’hérésie. Jésus est le Fils de Dieu, parce qu’il ne fait rien de lui-même ; il est Dieu, parce qu’il fait tout ce que fait le Père, il ne fait qu’un avec le Père, parce qu’ils ont droit aux mêmes honneurs, et cependant il n’est point le Père, parce qu’il est envoyé.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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