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Jn  3  16-18

S. Chrys. (hom. 27.) Notre-Seigneur venait de dire : « Il faut que le Fils de l’homme soit élevé, » paroles qui sont une prédiction voilée de sa mort, il craint donc qu’elles ne jettent la tristesse dans l’âme de Nicodème, qu’elles ne lui donnent de sa personne, une idée toute humaine, et ne lui fassent regarder la mort comme le terme définitif de son existence ; il redresse donc ses idées, en lui enseignant que c’est le Fils de Dieu qui est livré à la mort, et que sa mort a été la cause de la vie éternelle. Il ajoute donc : « C’est ainsi que Dieu a aimé le monde, qu’il lui a donné son Fils unique. » Ne soyez donc pas surpris, s’il est nécessaire que je sois élevé en croix pour votre saint, telle est la volonté de mon Père, qui vous a aimés à ce point, de livrer son Fils pour des serviteurs ingrats et impies : « C’est ainsi que Dieu a aimé le monde ! » Il ne pouvait exprimer plus fortement la grandeur de cet amour ; car ces deux termes : Dieu et le monde, sont sépares par une distance infinie. En effet, c’est celui qui est immortel, qui est sans commencement, dont la grandeur est infinie, qui a aimé ceux qui sont sortis de la terre et de la cendre, et qui sont pleins de péchés innombrables. Mais ce qui suit exprime plus fortement encore cet amour : Ce n’est pas un serviteur, ce n’est pas un ange, ce n’est pas un archange, c’est son propre Fils qu’il a donné. S’il eût eu plusieurs fils, et qu’il en eût sacrifié un, ce serait déjà la preuve d’un amour immense, mais c’est son Fils unique qu’il nous a donné. — S. Hil. (de la Trin., 6.) Donner une créature à une autre créature, est un témoignage d’amour, et cependant le don d’une chose de si peu d’importance, et que nous devons bientôt perdre, n’a pas grand mérite. Les présents d’un grand prix attestent une charité plus étendue, et les grands dons sont la preuve d’un grand amour. Dieu a aimé le monde, et lui a donné non pas un fils adoptif, mais son Fils unique, son Fils propre, son Fils par naissance, son Fils véritable. Ce n’est point ici un fils par création, par adoption, un fils qui ne le serait pas en réalité. Quel plus grand témoignage d’amour et de charité que d’avoir donné pour le salut du monde un Fils, son Fils propre, son Fils unique !

Théophylacte. Notre-Seigneur a dit plus haut que le Fils de l’homme est descendu du ciel, bien que la chair n’en soit point descendue ; et il s’exprime de la sorte, parce qu’en vertu de l’unité de personne qui est en Jésus-Christ, il attribue à l’homme toutes les propriétés de la nature divine. De même ici, il attribue au Verbe de pieu les propriétés de la nature humaine. En effet, le Fils de Dieu est toujours demeuré impassible, mais comme en vertu de l’union hypostatique le Fils de Dieu et l’homme qui a souffert la mort ne faisaient qu’une seule personne, on dit que le Fils de Dieu a été livré à la mort, parce qu’il a souffert véritablement, non pas dans sa propre nature, mais dans la chair qu’il s’était rendue propre. Or, les plus grands avantages découlent pour nous de ce don qui dépasse la portée de l’esprit humain. Ecoutez la suite : « Afin que tout homme qui croit en lui, ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. » En effet, l’Ancien Testament promettait aux fidèles observateurs de la loi de longs jours sur la terre, l’Evangile promet une vie impérissable et éternelle.

Bède. Remarquez que Notre-Seigneur applique au Fils unique de Dieu les mêmes paroles qu’il avait dites précédemment du Fils de l’homme élevé sur la croix : « Afin que tout homme qui croit en lui, » etc., parce qu’en effet, notre Créateur et notre Rédempteur, le Fils de Dieu qui existe avant tous les siècles, s’est fait homme à la fin des siècles. Il nous avait créés par un acte de sa puissance divine pour jouir de la félicité de la vie éternelle, il nous a rachetés par la faiblesse de la nature humaine qu’il s’est unie pour nous remettre en possession de la vie que nous avons perdue.

Alcuin. On ne peut douter que le Fils de Dieu ne donne la vie au monde, puisque c’est l’unique raison pour laquelle il est venu en ce monde, comme il le déclare lui-même : « Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, » etc. — S. Augustin. (Traité 12 sur S. Jean.) Pourquoi a-t-il été appelé le Sauveur du monde, si ce n’est parce qu’il devait sauver le monde ? Le médecin a donc fait tout ce qui dépendait de lui pour guérir le malade et celui qui ne veut pas suivre les prescriptions du médecin, ne doit attribuer sa mort qu’à lui-même. — S. Chrys. (hom. 28.) Il est beaucoup d’âmes lâches et sans force qui, pour multiplier plus librement leurs transgressions et s’endormir au sein de la plus profonde indifférence, abusent de la miséricorde de Dieu, et s’autorisent de ces paroles du Sauveur pour dire : « Il n’y a point d’enfer, il n’y a point de supplice, Dieu nous pardonne tous nos péchés. » Il faut donc nous rappeler qu’il y a deux avènements de Jésus-Christ : le premier, qui est accompli ; le second, qui doit avoir lieu plus tard. Le premier a eu pour objet, non pas de juger nos crimes, mais de nous les pardonner ; dans le second, Notre-Seigneur viendra, non plus pour pardonner, mais pour juger. C’est du premier de ces deux avènements qu’il dit : « Je ne suis pas venu pour juger le monde. » Comme il est la bonté même, il ne veut pas juger, il nous remet tous nos péchés dans le baptême d’abord, et ensuite dans le sacrement de pénitence ; et s’il avait agi autrement, tous les hommes auraient péri sans exception, car tous ont péché, et ont besoin de la grâce de Dieu. Mais que personne ne s’autorise de ces paroles pour pécher avec impunité, et qu’il apprenne quel sera le châtiment de celui qui ne croit pas : « Il est déjà jugé. » Il dit précédemment : « Celui qui croit, n’est pas condamné, » remarquez, celui qui croit, non pas celui qui cherche avec curiosité. Mais qu’en sera-t-il de ceux dont la vie aura été souillée par le crime ? Saint Paul déclare qu’ils ne sont pas au nombre des vrais fidèles : « Ils font profession, dit-il, de connaître Dieu, mais ils le renoncent par leurs œuvres. » (Tite, 1, 16.) Ces paroles signifient que celui qui croit ne sera pas jugé sur le point de la foi, il sera puni plus sévèrement pour les crimes qu’il aura commis, mais il ne le sera pas pour les crimes d’infidélité dont il n’est point coupable. — Alcuin. Ou bien encore, celui qui croit en lui, et s’attache à lui comme le membre à son chef, ne sera pas jugé.

S. Augustin. (Traité 12.) Mais que va-t-il dire de celui qui ne croit pas, et quelle sentence attendez-vous de sa bouche, si ce n’est qu’il est jugé ? Ecoutez, en effet, ce que dit le Sauveur : « Celui qui ne croit pas est déjà jugé. » Le jugement n’a pas encore été rendu public, mais il a déjà eu lieu, car le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent, il connaît ceux à qui est réservée la couronne et ceux qu’attendent les flammes éternelles. — S. Chrys. (hom. 28.) Ou bien encore, il s’exprime de la sorte, parce que l’incrédulité est elle-même un châtiment pour l’âme impénitente, car quel plus grand supplice eu soi que d’être placé en dehors de la lumière ? Ou bien Notre-Seigneur ne fait que prédire ce qui doit arriver : celui qui s’est rendu coupable d’homicide avant même la sentence du juge qui le condamne, est déjà condamné par la nature même de son crime ; il en est de même de l’incrédule, et c’est ainsi qu’Adam mourut le jour où il mangea du fruit de l’arbre de la science du bien et du mal.

S. Grég. (Mor., 26, 20.) On peut encore donner cette explication. Au dernier jugement, il en est qui périront sans être jugés, et c’est d’eux qu’il est dit ici : « Celui qui ne croit pas est déjà jugé, » car alors on ne discutera pas la cause de ceux qui se présenteront devant le tribunal du Juge sévère avec la condamnation que leur aura méritée leur incrédulité ; ce sont ceux qui ont toujours professé la vraie foi, mais dont les œuvres ne seront pas conformes à la foi qui seront jugés et condamnés. Quant à ceux qui n’ont jamais cru aux mystères de la foi, ils n’entendront point les reproches du juste Juge au dernier jour, ils ont été jugés par avance au milieu des ténèbres de leur incrédulité, et ils ne méritent même pas d’être convaincus et condamnés par celui qu’ils ont dédaigné de connaître. Le prince qui se trouve à la tète d’un royaume, punit différemment un de ses sujets coupables, et l’ennemi qui l’attaque au dehors ; pour le premier, il examine et discute ses droits ; quant à l’ennemi, il lui déclare la guerre, et lui inflige le châtiment que mérite sa méchanceté sans examiner les prescriptions de la loi contre son crime, car pourquoi punir au nom de la loi celui qui n’a jamais pu se soumettre à la loi ?

Alcuin. Mais pour quelle raison celui qui ne croit point est-il déjà jugé ? La voici : « Parce qu’il ne croit point an nom du Fils unique de Dieu, » car c’est par ce nom seul qu’on peut être sauvé. Dieu n’a pas un grand nombre de Fils qui puissent sauver, il n’a que ce Fils unique pour être le Sauveur des hommes. — S. Augustin. (du bapt. des enf., ch. 33.) Où donc placerons-nous les enfants qui ont reçu le baptême, si ce n’est parmi ceux qui ont fait profession de la foi chrétienne ? c’est une grâce qui leur est acquise, et par la vertu du sacrement, et par l’engagement que contractent ceux qui les présentent. Par la même raison, nous plaçons les enfants qui n’ont pus été baptisés parmi ceux qui n’ont pas eu la foi.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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