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Jn  1  13

S. Augustin. (même traité.) Cette idée d’une naissance qui vient de Dieu était de nature à inspirer un sentiment d’étonnement mêlé de frayeur, et il pouvait même paraître incroyable que les hommes soient nés de Dieu. Aussi l’Evangéliste s’empresse de nous rassurer, en ajoutant : « Et le Verbe a été fait chair. » Qu’y a-t-il d’étonnant que des hommes naissent de Dieu ? Considérez Dieu lui-même qui a voulu naître des hommes. — S. Chrys. (hom. 11 sur S. Jean.) Ou bien encore : après avoir dit que ceux qui l’ont reçu ont reçu de Dieu une nouvelle naissance, il fait connaître la cause d’un si grand honneur, c’est que le Verbe s’est fait chair, car le propre Fils de Dieu est devenu le Fils de l’homme, afin de rendre les hommes enfants de Dieu. Lorsque vous entendez dire que le Verbe s’est fait chair, ne vous laissez pas troubler par ces paroles. Il n’a point changé en chair la nature divine (interprétation qui serait une impiété), mais il a pris la forme d’esclave en demeurant ce qu’il est. C’est pour confondre les blasphèmes de ceux qui prétendent que tout ce qui a rapport à l’incarnation était fantastique et imaginaire que l’Evangéliste s’est servi de cette expression : « A été fait, » expression qui ne signifie pas un changement de substance, mais l’union du Fils de Dieu à une chair véritable. S’ils viennent nous dire que Dieu étant tout-puissant, a bien pu changer en chair sa nature divine, nous répondrons que Dieu peut tout ce qui n’atteint pas directement son être divin. Or, toute idée de changement est directement opposée à cette nature immuable.

S. Augustin. (De la Trin., 15, 11) De même que notre Verbe ou notre parole devient en quelque sorte la voix du corps en s’unissant à elle pour se manifester aux sens des hommes, ainsi le Verbe de Dieu s’est fait chair, en s’unissant à elle pour se manifester aussi aux hommes ; notre parole devient voix, mais elle n’est pas changée en voix ; ainsi le Verbe de Dieu s’est fait chair, mais loin de nous la pensée qu’il ait été changé en chair. Il s’est uni à la chair, mais il ne s’est pas transformé en chair, il s’est fait chair comme notre parole se fait voix. — Cons. d’Éph. La parole qui sort de nos lèvres et dont nous faisons usage dans nos rapports avec les autres hommes, est une parole incorporelle qui n’est sensible ni à la vue, ni au toucher ; mais lorsqu’elle s’est comme revêtue de lettres et de formes extérieures, elle devient visible et accessible à la vue comme au toucher. De même le Verbe de Dieu qui, par sa nature, est invisible, est devenu visible ; il est incorporel aussi par sa nature, et il a pris un corps accessible au toucher. — Alcuin. (Liv. 1, ch. 1, sur S. Jean.) Ces paroles : « Le Verbe s’est fait chair, » ne doivent pas s’entendre dans un autre sens que celui-ci : Dieu s’est fait homme en prenant un corps et une âme. De même que chacun de nous est un composé d’un corps et d’une âme qui ne forment qu’un seul homme ; ainsi Jésus-Christ, depuis son incarnation, ne fait qu’une seule personne formée de la divinité, d’un corps, et d’une âme. La divinité du Verbe a daigné s’unir à cette nature humaine qu’elle avait choisie spécialement pour qu’elle devînt une seule personne en Jésus-Christ. La nature divine n’a subi dans cette union aucune altération, aucun changement, elle s’est simplement unie à la nature humaine qu’elle n’avait pas auparavant. (Liv. 3, de la foi en la Trin., ch. 9.) C’est une vérité incontestable que le Fils de Dieu a pris, non pas la personne, mais la nature humaine pour l’unir à sa personne divine et éternelle ; l’homme a comme passé en Dieu, non point par un changement de nature, mais par son union avec la personne divine. Il n’y a donc point deux Christs, il n’y a qu’un seul Christ, Dieu et homme tout à la fois. (Liv. 1, cont. Félix d’Urgel.) Cette union du Verbe avec la chair est tellement ineffable, que pour l’exprimer, nous disons que le Verbe s’est fait chair, quoique le Verbe n’ait pas été changé en chair, et cette chair est appelée Dieu, bien qu’elle ne soit pas elle-même changée en la nature divine. (Liv. 3.) Nous confessons donc qu’il y a dans la seule personne de Jésus-Christ deux natures unies entre elles par un lien si ineffable, que chacune d’elles conservant ses propriétés, cette sainte et admirable union nous présente, non pas un changement ou une altération de la divinité, mais une élévation sublime pour l’humanité, c’est-à-dire, que Dieu n’a pas été changé en l’homme, mais l’homme glorifié en Dieu, etc. (Dans la Glose.) Nous croyons qu’une âme incorporelle peut être unie à un corps, et que l’union de ces deux substances fait un seul homme ; nous devons croire plus facilement que la nature divine qui est incorporelle, s’est unie à une âme jointe à un corps pour former une seule personne, de manière que le Verbe n’a pas été changé en chair, ni la chair dans le Verbe, pas plus que le corps ne se change en âme, ni l’âme en corps.

Théophile. Apollinaire de Laodicée a voulu appuyer son hérésie sur ces paroles ; il prétendait que le Christ n’avait point eu d’âme raisonnable, mais seulement un corps ayant pour âme la divinité qui gouvernait et dirigeait le corps. — S. Augustin. (cont. Les Ar., ch. 9.) Vous êtes impressionné de ce qu’il est écrit que le Verbe s’est fait chair, sans qu’il soit question de l’âme ? Mais rappelez-vous que la chair est souvent mise pour l’homme tout entier en vertu de cette locution figurée qui emploie la partie pour le tout, comme dans ces paroles : « Toute chair viendra à vous. » (Ps 64) Et dans ces autres : « Nulle chair ne sera justifiée par les œuvres de la loi. » Ce que l’Apôtre explique plus clairement dans l’Epître aux Galates : « L’homme ne sera point justifié par les œuvres de la loi. » (Ga 2) Ces paroles : « Le Verbe s’est fait chair, » ont donc la même signification que celles-ci : « Le Verbe s’est fait homme. »

Théophile. Si l’Evangéliste nomme de préférence la chair, c’est pour nous montrer la condescendance inénarrable de Dieu, et nous faire admirer sa miséricorde qui l’a porté à s’unir pour notre salut, à ce qui est séparé de sa nature par une distance incommensurable, c’est-à-dire la chair. L’âme, en effet, a quelques points de rapprochement avec Dieu. Mais si le Verbe, en s’incarnant, n’avait pas pris une âme humaine, il s’ensuivrait que nos âmes ne seraient ni guéries ni rachetées, car le Sauveur n’a sanctifié que ce qu’il s’est uni. C’est l’âme qui, la première s’est rendue coupable, ne serait-il donc pas ridicule de supposer qu’il se soit uni la chair pour la sanctifier, tandis qu’il aurait délaissé la partie la plus noble de l’homme, comme aussi la plus malade ? Ainsi se trouve encore détruite l’hérésie de Nestorius, qui enseignait que ce n’est pas le Verbe-Dieu qui s’est fait homme et qui a été conçu du sang d’une Vierge, mais que la Vierge a enfanté un homme, orné et enrichi de toutes les vertus, et que le Verbe de Dieu s’était uni. Il concluait de là qu’il y avait en Jésus-Christ deux fils, l’un né de la Vierge, qui était homme, l’autre né de Dieu, c’était son luis, qui était uni à cet homme par les liens de la grâce et de la charité. L’Evangéliste lui a répondu d’avance, en affirmant que c’est le Verbe lui-même qui s’est fait homme, et non pas que le Verbe a fait choix d’un homme vertueux pour s’unir à lui.

S. Cyrille. (Lett. 8 à Nestor. ; 4 dans l’édit. lat.) Le Verbe s’est fait homme en s’unissant une chair animée d’une âme raisonnable, par une union ineffable et incompréhensible, qui ne fait en lui qu’une seule personne, et il a été appelé Fils de l’homme, non par suite d’une simple union de volonté ou de bon vouloir, ni parce qu’il avait pris la simple personnalité de l’homme, mais par suite de l’union véritable de deux natures différentes qui n’ont formé qu’un seul Christ et qu’un seul Fils, sans que cette union étroite ait détruit la différence des deux natures.

Théophile. De ces paroles : « Le Verbe s’est fait chair, » nous concluons que le Verbe s’est fait homme, et que tout en demeurant Fils de Dieu, il est devenu fils de la femme, à qui nous donnons le nom distinctif de mère de Dieu, parce qu’elle a véritablement engendré Dieu selon la chair.

S. Hil. (De la Trin., 10.) Il en est qui veulent que le Fils unique de Dieu, c’est-à-dire, le Dieu Verbe, qui était en Dieu au commencement, ne soit pas Dieu substantiellement, mais seulement la parole d’une voix qui s’est produite, c’est-à-dire, que le Fils serait pour Dieu le Père, ce que la parole est pour ceux qui la profèrent. Par suite de cette erreur, ils cherchent à nier, par leurs raisonnements insidieux, que le Verbe-Dieu soit né comme homme et comme Christ, en demeurant Dieu. Ils donnent à cette conception et à cette naissance une cause toute naturelle, et refusent de leur reconnaître un caractère mystérieux et divin, de sorte que dans leur sentiment, le Dieu Verbe n’a pas reçu son humanité d’un enfantement virginal, mais il a été simplement dans la personne de Jésus, comme l’esprit de prophétie était dans les prophètes. Ils nous reprochent d’ailleurs de dire que le Christ, dans sa naissance, n’a pas pris un corps et une âme semblables au nôtre, alors que nous professons hautement que le Verbe fait chair a pris en naissant une nature comme à la nôtre, et qu’il est vrai fils de Dieu, en même temps qu’il est né vrai Fils de l’homme. Mais de même qu’il avait reçu de la Vierge un corps qu’il avait lui-même créé, c’est de lui-même aussi que vient l’âme qu’il s’est unie, et qui d’ailleurs n’est jamais donnée à l’homme par voie de génération. Or, puisqu’il est certain qu’il est à la fois Fils de l’homme et Fils de Dieu, n’est-il pas ridicule de supposer en dehors du Fils de Dieu, du Verbe fait chair, je ne sais quel prophète, animé par le Verbe de Dieu, alors qu’il est certain que le Seigneur Jésus-Christ est à la fois Fils de Dieu et Fils de l’homme ? — S. Chrys. (hom. 10 sur S. Jean.) L’Evangéliste détruit par avance la fausse idée que ces paroles : « Le Verbe s’est fait chair, » pourraient faire naître dans certains esprits, d’un changement ou d’une transformation de cette nature incorruptible, en ajoutant : « Et il a habité parmi nous. » Car celui qui habite n’est pas une même chose avec le lieu qu’il habite, il en diffère. Je parle ici de la différence de nature, car en vertu de l’union étroite qui existe entre les deux natures, le Dieu Verbe fait chair, ne forme qu’une seule personne sans aucune confusion, comme sans destruction de ces deux natures. — Alcuin. Ou bien encore : « Il a habité parmi nous, » c’est-à-dire, il a vécu et conversé parmi les hommes.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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