Accueil > Bibliothèque > La Chaîne d’or > Évangile selon saint Jean > chapitre 1, versets 11-13
S. Chrys. (hom. 9 sur S. Jean.) Ces paroles : « Le monde ne l’a point connu, » doivent s’entendre des temps qui ont précédé l’incarnation. Celles qui suivent : « Il est venu dans son héritage, » se rapportent aux temps de la prédication de l’Evangile. — S. Augustin. (Traité 2 sur S. Jean.) « Il est venu dans son héritage, » parce que toutes choses ont été faites par lui. — Théophile. On peut donc entendre ici ou le monde, ou la Judée, qu’il avait choisie pour héritage. — S. Chrys. (hom. 9 et 10 sur S. Jean.) Il est venu dans son héritage, non pas dans un motif d’intérêt personnel (car Dieu n’a besoin de personne), mais pour combler les siens de bienfaits. Mais d’où a pu venir celui qui remplit tout de son immensité, et qui est présent partout ? C’est par un effet de sa grande condescendance qu’il est venu jusqu’à nous ; il était au milieu du monde, sans que le monde pensât à sa présence, parce qu’il n’eu était pas connu ; il a donc daigné se revêtir d’un corps sensible. C’est cette manifestation et cette condescendance, qu’il appelle sa présence ou son avènement (hom. 11) Or, Dieu, plein de bonté et de miséricorde, ne néglige rien de ce qui peut nous élever à une vertu éminente. Aussi ne veut-il s’attacher personne par force ou par nécessité, et ne veut nous attirer à lui que par la persuasion et par les bienfaits. De là vient que les uns le reçurent, et que les autres refusèrent de le recevoir ; car il ne veut pas qu’on soit à son service malgré soi et comme par contrainte ; celui qui le sert forcément et de mauvaise grâce, est à ses yeux comme celui qui refuse complètement de le servir : « Et les siens ne l’ont pas reçu. » (hom. 9.) L’Evangéliste appelle les Juifs les siens, comme étant son peuple privilégié, ou bien tous les hommes comme étant tous ses créatures. Dans l’étonnement où le jetait la conduite insensée du genre humain, il s’est écrié plus haut : « Le monde a été fait par lui, et le monde n’a point connu son Créateur ; » ici l’ingratitude des Juifs le remplit d’indignation, et il lance contre eux cette accusation bien plus grave : « Et les siens ne l’ont pas reçu. »
S. Augustin. (Traité 1 sur S, Jean.) Mais si personne absolument ne l’a reçu, personne donc n’est sauvé ; car la condition essentielle du salut, c’est de recevoir Jésus-Christ, aussi l’Evangéliste ajoute : « Tous ceux qui l’ont reçu, » etc. — S. Chrys. (hom. 10 sur S. Jean.) Esclaves ou hommes libres, grecs ou barbares, savants ou illettrés, hommes ou femmes, enfants ou vieillards, tous ont été rendus dignes du même honneur : « Il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. » — S. Augustin. (comme précéd.) Quelle extrême bonté ! il était né Fils unique, et il n’a pas voulu demeurer seul ; il n’a pas craint d’avoir des cohéritiers, parce que son héritage ne peut être amoindri par le partage qu’il en fait. — S. Chrys. (hom. 10.) Il ne dit pas qu’il les fit enfants de Dieu, mais qu’il leur à donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, nous apprenant ainsi que ce n’est qu’au prix de grands efforts que nous pouvons conserver sans tache ce caractère de l’adoption qui a été imprimé et gravé dans notre âme par le baptême. Il nous enseigne encore que personne ne peut nous ôter ce pouvoir, si nous-mêmes ne consentons à nous en dépouiller. Ceux à qui les hommes délèguent une partie de leur puissance ou de leur autorité, la possèdent presque à l’égal de ceux qui la leur ont donnée ; à plus forte raison en sera-t-il ainsi de nous qui avons reçu cet honneur de Dieu même. Il veut encore nous apprendre que cette grâce n’est donnée qu’à ceux qui la veulent et qui la recherchent ; car c’est le concours du libre arbitre et de l’opération de la grâce, qui nous fait enfants de Dieu. — Théophile. Ou bien encore, il veut parler ici de cette filiation parfaite, dont la résurrection doit nous mettre en possession, d’après ces paroles de l’Apôtre : « Attendant l’effet de l’adoption divine, la rédemption de notre corps. » (Rm 8) Il nous a donc donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, c’est-à-dire d’obtenir cette grâce dans la vie future.
S. Chrys. (hom. 10.) Comme dans la distribution de ces biens ineffables, il appartient à Dieu de donner la grâce, de même qu’il appartient à l’homme de faire acte de foi, saint Jean ajoute : « A ceux qui croient en son nom. » Pourquoi ne nous dites-vous pas, saint Evangéliste, quel sera le supplice de ceux qui n’ont pas voulu le recevoir ? Mais quel supplice plus grand pour ceux qui ont reçu le pouvoir de devenir enfants de Dieu, que de refuser de le devenir, et de se priver volontairement d’un si grand honneur ? Toutefois ce ne sera pas leur seul supplice, ils seront condamnés à un feu qui ne s’éteindra jamais, comme l’Evangéliste le déclarera plus ouvertement dans la suite. (Jn 3)
S. Augustin. (même traité.) Ceux qui croient en son nom deviennent donc enfants de Dieu et frères de Jésus-Christ, et prennent par là même une nouvelle naissance. Comment, en effet, sans cette seconde naissance pourraient-ils devenir enfants de Dieu ? Les enfants dès hommes naissent de la chair et du sang, delà volonté de l’homme et de l’union des époux. Mais comment naissent les enfants de Dieu ? Ils ne sont pas nés des sangs, c’est-à-dire, de l’homme et de la femme. Le mot sangs (sanguina ou sanguines) n’est pas latin, mais comme cette expression est au pluriel dans le texte grec, le traducteur aima mieux la rendre de la sorte, sauf à employer un mot peu conforme aux règles de la latinité, pour faire mieux comprendre la vérité aux esprits moins intelligents. En effet, les enfants naissent du mélange du sang de l’homme et de la femme. — Bède. Il est bon aussi de remarquer que dans la sainte Ecriture, le mot sang au pluriel signifie ordinairement le péché, comme dans ce passage du Psaume 50 : « Délivrez-moi des sangs (de sanguinibus). »
S. Augustin. (même traité.) Dans les paroles suivantes : « Ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme ; » la chair est synonyme de la femme, en souvenir de sa création. Lorsque, en effet, elle eut été créée d’une côte du premier homme, Adam lui dit : « Voici l’os de mes os et la chair de ma chair. » Le mot chair signifie donc ici la femme, de même que souvent l’esprit est le symbole du mari, parce que son rôle est de commander, et celui de la femme de servir. Quelle maison plus mal ordonnée, en effet, que celle où la femme commande au mari ? Les enfants de Dieu ne sont donc nés ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. — Bède. La génération charnelle de tous les hommes tire son origine de l’union des époux, tandis que la génération spirituelle a pour principe la grâce de l’Esprit saint.
S. Chrys. (hom. 10 sur S. Jean.) L’Evangéliste, en parlant ainsi, veut nous faire comprendre d’un côté la bassesse de la première génération qui vient du sang et de la volonté de la chair, et l’élévation de la seconde qui vient de la grâce et ennoblit notre nature, afin que nous ayons une haute idée de la grâce qui nous a engendrés, et que nous ne négligions rien pour la conserver.
Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.