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Jn  17  9-13

S. Chrys. (hom. 81 sur S. Jean.) Tant de paroles consolantes, que le Seigneur avait prodiguées à ses disciples, n’avaient pu encore pénétrer leurs cœurs ; il s’adresse donc pour eux à son Père, afin de leur montrer la grandeur de son amour. « C’est pour eux que je vous prie, » c’est-à-dire je ne me contente pas de leur donner tout ce que j’ai, je me rends encore leur intercesseur près d’un autre, pour leur témoigner un plus grand amour. — S. Augustin. (Traité 107 sur S. Jean.) Ce monde, dont le Sauveur ajoute : « Je ne prie point pour le monde, » ce sont ceux qui suivent dans leur vie la concupiscence du monde, et qui ne sont point compris dans les décrets de la grâce pour être choisis par lui du milieu du monde. Ce sont ces discrets auxquels le Sauveur fait allusion par ces paroles : « Mais je prie pour ceux que vous m’avez donnés. » Par là même, en effet, que son Père les lui a donnés, ils n’appartiennent plus à ce monde pour lequel il ne prie point. Ne croyons pas, du reste, que parce que le Père les a donnés à son Fils, il ait perdu ceux qu’il a donnés ; aussi ajoute-t-il : « Parce qu’ils sont à vous. » — S. Chrys. Notre-Seigneur répète souvent ces paroles : « Vous me les avez donnés, » pour bien convaincre ses disciples que telle était bien la volonté de son Père, qu’il n’est point venu comme un étranger pour les tromper, mais qu’il les a revus comme étant à lui. Loin de nous encore la pensée que son pouvoir sur eux est un pouvoir nouveau, et que c’est récemment que son Père les lui a donnés, car il ajoute : « Et tout ce qui est à moi est à vous, et tout ce qui est à vous est à moi. » Que personne donc ne croie, parce que mon Père me les a donnés, qu’ils soient devenus étrangers à mon Père, car tout ce qui est à moi est à lui ; ni qu’ils m’étaient étrangers à moi-même, parce qu’ils m’ont été donnés, car ce qui est à lui est à moi.

S. Augustin. Nous voyons assez clairement ici comment tout ce qui est au Père est aussi au Fils unique ; c’est parce qu’il est Dieu lui-même, qu’il est né du Père, et qu’il est égal au Père. Ce n’est donc point dans le même sens que le père de l’enfant prodigue disait à l’aîné de ses fils : « Tout ce que j’ai est à vous ; » (Lc 15, 31) car ces paroles doivent s’entendre de tous les biens créés qui sont au-dessous de la créature raisonnable. Les paroles du Sauveur, au contraire, comprennent la créature raisonnable elle-même qui ne peut être soumise qu’à Dieu. Comme elle appartient à Dieu le Père, elle ne pourrait appartenir en même temps au Fils qu’autant qu’il serait égal au Père ; car on ne peut sans crime assujettir les saints, dont il parle ici, à un autre qu’à celui qui les a créés, qui les a sanctifiés. Mais lorsqu’on parlant de l’Esprit saint le Sauveur dit aussi : « Tout ce qu’a mon Père est à moi, » il entend les perfections qui sont de l’essence même de la divinité du Père, car ce n’est point d’une créature soumise au Père et au Fils que le Saint-Esprit aurait pu recevoir ce que le Sauveur exprime en ces termes : « Il recevra de ce qui est à moi. »

S. Chrys. Notre-Seigneur donne la preuve de ce qu’il vient d’avancer : « Et j’ai été glorifié en eux. » La preuve, en effet, qu’ils sont sous ma puissance, c’est qu’ils me glorifient en croyant en moi et en vous, car personne ne peut être glorifié en ceux qui ne seraient point soumis à sa puissance. — S. Augustin. En leur représentant cette glorification comme un fait accompli, il leur fait voir qu’elle entrait dans les desseins de la prédestination divine, et il voulait qu’on regardât comme certain ce qui devait nécessairement arriver. Cependant il nous faut examiner s’il s’agit ici de cette glorification dont le Sauveur a dit plus haut : « Et maintenant, mon Père, glorifiez-moi en vous ; » car s’il a été glorifié dans son Père, comment l’a-t-il été dans ses disciples ? Est-ce lorsqu’il s’est manifesté aux apôtres, et par eux à tous ceux qui ont cru à leur témoignage ? Notre-Seigneur ajoute, en effet : « Et déjà je ne suis plus dans le monde, et eux sont dans le monde. » — S. Chrys. C’est-à-dire, alors même que je ne serai plus présent sous une forme sensible, je serai glorifié dans la personne de ceux qui donnent leur vie pour moi, comme pour mon Père, et qui me font connaître par leurs prédications, comme ils font connaître mon Père. — S. Augustin. Si vous ne considérez que le moment où le Sauveur parlait de la sorte, ses apôtres et lui étaient encore dans le monde. Nous ne pouvons pas entendre ces paroles : « Déjà je ne suis plus dans le monde, » du détachement du cœur et du progrès de l’âme dans la vie divine ; car, peut-on admettre que Jésus ait jamais eu de l’affection pour les choses du monde ? Il ne reste donc plus qu’un sens possible à ces paroles, c’est que Notre-Seigneur affirme qu’il n’est plus présent dans le monde corporellement comme il l’était auparavant. Est-ce que nous ne disons pas tous les jours, d’un homme qui est sur le point de partir, et surtout de celui qui va mourir : Il n’est plus ici ? Jésus explique d’ailleurs le sens de ces paroles, en ajoutant : « Et je vais à vous. » Il recommande donc à son Père ceux qu’il allait priver de sa présence corporelle : « Père saint, lui dit-il, conservez dans votre nom ceux que vous m’avez donnés ; » c’est-à-dire qu’il prie Dieu en tant qu’homme, pour les disciples que Dieu lui a donnés. Mais pesez bien les paroles qui suivent : « Afin qu’ils soient un comme nous. » Il ne dit pas : Afin qu’eux et nous, nous soyons un, comme nous sommes un nous-mêmes ; mais qu’ils soient un dans leur nature, comme nous sommes un nous-mêmes dans notre nature. En effet, comme en Jésus-Christ Dieu et l’homme ne font qu’une seule et même personne, nous comprenons qu’il est homme, parce qu’il prie, nous comprenons qu’il est Dieu, parce qu’il ne lait qu’un avec celui qu’il prie. — S. Augustin. (De la Trin., 4, 8.) Notre-Seigneur, comme chef de l’Eglise, qui est son corps, aurait pu dire : Eux et moi, nous sommes non pas une seule chose, mais un seul être, car la tête et le corps ne font qu’un en Jésus-Christ. Mais on nous montrant sa consubstantialité divine avec son Père, il veut que nous soyons un en Jésus-Christ, non-seulement dans cette nature qui nous est commune, dans laquelle nous voyons des hommes mortels s’élever à une glorieuse égalité avec les anges, mais qu’ils soient un comme nous, par les sentiments d’un amour réciproque, qui les fonde en un seul esprit dans les ardeurs du feu de la charité, et les fasse tendre au même bonheur par les efforts d’une volonté unanime. Voilà ce que signifient ces paroles : « Afin qu’ils soient un comme nous sommes un, » c’est-à-dire, de même que le Père et le Fils sont un, non-seulement dans une même et simple nature individuelle, mais dans l’unité d’une même volonté ; ainsi ceux qui ont le Fils pour médiateur entre bien et eux, doivent aussi être un, non-seulement par la communauté d’une même nature, mais par l’union d’une même charité.

S. Chrys. Notre-Seigneur parle ici de nouveau comme homme : « Pendant que j’étais avec eux, je les conservais en votre nom ; » c’est-à-dire par votre puissance ; il parle ici, je le répète, d’une manière humaine, en rapport avec les dispositions d’esprit de ses disciples, qui croyaient que la présence corporelle leur était de la plus grande utilité. — S. Augustin. (Traité 107 sur S. Jean.) Le Fils de Dieu, fait homme conservait les disciples au nom de son Père, lorsqu’il était présent corporellement au milieu d’eux ; mais alors même le Père conservait au nom du Fils ceux dont il exauçait les prières qui lui étaient faites au nom du Fils. Il ne faut point prendre ces paroles dans ce sens matériel, que le Père et le Fils gardent tour à tour les disciples, car le Père, le Fils et le Saint-Esprit nous environnent ensemble d’une égale protection ; mais la sainte Ecriture ne peut nous être utile qu’en descendant jusqu’à nous. Comprenons donc qu’en s’exprimant ainsi, Notre-Seigneur établit la distinction des personnes divines, mais non la séparation dans la nature. Lors donc, que le Fils gardait ses disciples par sa présence corporelle, le Père n’attendait pas, pour les garder lui-même, que son Fils cessât de remplir cet office, mais tous deux les conservaient en les couvrant de leur puissance divine. Et quand le Fils les priva de sa présence corporelle, il continua de les garder spirituellement avec son Père. Car en les recevant comme homme des mains de son Père, il ne les a pas soustraits à la garde du Père ; et le Père, en les confiant à la garde de son Fils, ne les a point donnés sans le concours de celui-là même qui les a reçus ; car il les a donnés à son Fils fait homme, mais conjointement avec ce même Fils, Dieu comme lui. « J’ai gardé ceux que vous m’avez donnés, et aucun d’eux n’a péri, si ce n’est l’enfant de perdition, » (c’est-à-dire le traître disciple prédestiné à la perdition), afin que l’Ecriture fût accomplie, c’est-à-dire la prophétie qui a pour objet le perfide Judas (surtout dans le Psaume 108).

S. Chrys. Il fut le seul qui périt alors, mais un grand nombre l’imitèrent dans la suite. Notre-Seigneur dit : « Aucun d’eux n’a péri, autant qu’il dépendait de moi, » c’est ce qu’il exprime plus clairement ailleurs, lorsqu’il dit : « Je ne jetterai pas dehors celui qui vient a moi. » (Jn 10) Mais s’ils veulent sortir d’eux-mêmes, je ne veux pas les retenir de vive force et malgré eux : « Et maintenant je viens à vous. » Mais, pourrait-on lui dire, ne pouvez-vous donc pas les conserver tout en vous éloignant d’eux ? Il le peut sans doute, mais il leur explique pourquoi il parle ainsi : « Et je dis ces choses étant dans le monde, afin qu’ils aient en eux la plénitude de ma joie, » c’est-à-dire, afin qu’ils ne se laissent point aller au trouble naturel à leurs dispositions encore imparfaites. Il leur fait voir ainsi que c’est pour leur procurer le repos de la joie intérieure qu’il tient ce langage. — S. Augustin. Le Sauveur a déjà expliqué plus haut quelle est cette joie dont il dit ici : « Afin qu’ils aient en eux la plénitude de ma joie, » lorsqu’il a dit : « Qu’ils soient un comme nous sommes un. » Cette joie qui est la sienne (c’est-à-dire, qu’il leur a donnée), il leur en prédit l’accomplissement parfait dans leurs cœurs, et c’est pour cela qu’il a dit ces choses étant dans le monde. Cette joie, c’est la paix et la félicité de la vie future. Jésus qui avait dit précédemment qu’il n’était plus dans le monde, nous déclare maintenant qu’il dit ces choses étant dans le monde, il y était encore, parce qu’il n’était pas encore sorti du monde, et il n’y était plus dans un autre sens, parce qu’il devait bientôt le quitter.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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