Accueil  >  Bibliothèque  >  La Chaîne d’or  >  Évangile selon saint Jean  >  chapitre 12, versets 37-43

Jn  12  37-43

S. Chrys. (hom. 67 sur S. Jean.) Notre-Seigneur connaissait la haine furieuse des Juifs, qui méditaient sa mort, et c’est le motif qui le porte à se cacher, comme l’Evangéliste semble l’indiquer par ces paroles : « Mais, quoiqu’il eût fait tant de miracles devant eux, ils ne croyaient point en lui, » etc. — Théophile. Ils furent grandement coupables de ne pas croire à de si grands miracles. Ces miracles sont ceux dont il a été parlé plus haut. — S. Chrys. Et, pour qu’on ne pût excuser leur incrédulité, en disant qu’ils ne savaient pas l’objet de la mission du Christ, l’Evangéliste apporte le témoignage des prophètes qui ont connu cet objet : « De sorte que cette parole d’Isaïe fût accomplie : Seigneur, qui a cru à votre parole, et à qui le bras du Seigneur a-t-il été révélé ? — Alcuin. Le Prophète dit : « Qui a cru ? » pour exprimer le petit nombre de ceux qui ont cru à ce que les sainte prophètes avaient appris de Dieu et annoncé au peuple. — S. Augustin. (Traité 53 sur S. Jean.) Il fait assez entendre que ce bras du Seigneur c’est le Fils de Dieu lui-même, non pas que Dieu le Père ait une forme humaine, mais il l’appelle le bras de Dieu, parce que toutes choses ont été faites par lui. (Jn 1) Si un homme, en effet, avait une puissance assez grande pour exécuter ce qu’il veut sans aucun mouvement de son corps, sa parole serait pour ainsi dire son bras. Cette expression ne peut nullement appuyer l’erreur de ceux qui prétendent qu’il n’y a que la personne du Père, si le Fils est son bras, puisque l’homme et le bras ne forment qu’une seule personne. Ils ne comprennent pas qu’une expression puisse être détournée de sa signification naturelle pour être appliquée à un genre de choses tout différent, à cause de certains points d’analogie et de ressemblance.

Il en est d’autres qui demandent, en murmurant, en quoi les Juifs ont été coupables, s’il fallait que la prophétie d’Isaïe fût accomplie ? Nous répondons que Dieu, dans la connaissance qu’il a de l’avenir, a prédit l’incrédulité des Juifs, sans en être l’auteur ; car Dieu ne force aucun homme à pécher, par là même qu’il prévoit les péchés que commettront les hommes. Ce sont leurs péchés qu’il prévoit, et non les siens. Les Juifs se rendirent donc coupables d’un crime qui avait été prévu et prédit par celui à qui rien ne peut être caché. — S. Chrys. Dans cette locution : « Afin que la prophétie d’Isaïe fut accomplie, » la particule afin que n’indique pas la cause, mais l’effet ; car, si les Juifs n’ont pas cru, ce n’est point parce qu’Isaïe l’avait prédit, mais e’est, au contraire, parce qu’ils devaient être incrédules, qu’Isaïe a prédit leur incrédulité. — S. Augustin. Cependant les paroles qui suivent soulèvent une difficulté plus grave ; en effet, l’Evangéliste ajoute : « C’est pour cela qu’ils ne pouvaient croire ; » parce qu’Isaïe a dit encore « Il a aveuglé leurs yeux, et il a endurci leur cœur, de peur qu’ils ne voient des yeux, et ne comprennent du cœur, » etc. Or, s’ils ne pouvaient croire, quel est le crime d’un homme qui ne fait point ce qui lui est impossible de faire ? Et, ce qu’il y a de plus grave ici, c’est que Dieu paraît être la cause de leur incrédulité, puisque c’est lui qui a aveuglé leurs yeux et endurci leur cœur ; car ce n’est point au démon, mais à Dieu, que l’Evangéliste attribue cet aveuglement. Mais pourquoi donc ne pouvaient-ils croire ? Je réponds : Parce qu’ils ne le voulaient pas ; car, de même que c’est la gloire de la volonté divine que Dieu ne puisse se démentir lui-même, ainsi c’est la faute de la volonté humaine de ne pouvoir croire à la parole divine. — S. Chrys. Cette manière de parler est passée en usage ; c’est ainsi que l’on dit : Nous ne pouvons l’aimer, en rejetant sur l’impuissance de la volonté ce qui est l’effet d’une violente antipathie. L’Evangéliste se sert de cette expression : « Ils ne pouvaient pas, » pour montrer qu’il était impossible que le Prophète ait fait une fausse prédiction ; mais ce n’est point cette prédiction qui leur rendait la foi impossible, car Isaïe ne l’eût point faite s’ils avaient dû croire.

S. Augustin. Mais, direz-vous, le Prophète indique une autre cause que leur volonté, quand il ajoute : « Il a aveuglé leurs yeux, » etc. Je réponds que c’est leur volonté qui a mérité cet aveuglement, car Dieu aveugle et endurcit, en abandonnant et en refusant son secours, ce qu’il peut faire par un jugement secret, mais qui ne peut jamais être injuste. — S. Chrys. Dieu, en effet, ne nous abandonne que lorsque nous le voulons, selon ces paroles du prophète Osée : « Vous avez oublié la loi de votre Dieu, je vous oublierai moi-même. » (Os 4, 6.) Il parle ainsi pour nous apprendre que c’est nous qui commençons nous-mêmes l’œuvre de notre réprobation, et qui devenons la cause de notre perte. De même que le soleil blesse une vue malade, bien que cet effet ne soit point dans sa nature, ainsi arrive-t-il pour ceux qui ne font nulle attention aux enseignements divins. Or, ces paroles de l’Ecriture : « Il a aveuglé et endurci, » sont propres à jeter l’effroi dans l’âme des auditeurs. — S. Augustin. Dans celles qui suivent : « Et que venant à se convertir, je les guérisse, » faut-il sous-entendre la particule négative ne (c’est-à-dire que ne se convertissant pas), car la conversion est un effet de sa grâce ? Ou bien n’est-ce point par un effet de la bonté de ce divin Médecin que les Juifs, pour avoir voulu établir leur justice orgueilleuse (Rm 10), aient été abandonnés et aveuglés pour un temps, afin qu’ils viennent heurter contre la pierre de scandale (Rm 9, 32), que leur face soit couverte de confusion (Ps 82, 17), et qu’ainsi humiliés, ils cherchent non plus celte justice personnelle qui enfle le superbe, mais la justice de Dieu, qui justifie l’impie ? Car, ce châtiment a été une cause du salut pour un grand nombre d’entre eux qui, repentants de leur crime, ont cru ensuite en Jésus-Christ. l’Evangéliste ajoute : « Isaïe a dit ces choses lorsqu’il a vu sa gloire et qu’il a parlé de lui. » Il a vu sa gloire non telle qu’elle est en elle-même, mais sous une forme symbolique, comme il convenait que Dieu la révélât à un prophète. Ne vous laissez donc point induire en erreur par ceux qui enseignent que le Père est invisible, et que le Fils seul est visible, et qui soutiennent qu’il est une simple créature ; car le Fils est également invisible dans sa nature divine, qui le rend égal au Père. Il s’est revêtu de la forme du serviteur pour se rendre visible. Mais avant même son incarnation, il s’ost manifesté aux yeux des hommes sous une forme créée et non tel qu’il est. — S. Chrys. La gloire dont il parle ici est celle qui se révéla aux yeux du prophète, lorsqu’il vit Celui qui était assis sur un trône élevé, il tout ce qui est rapporté en cet endroit. l’Evangéliste ajoute : « Et qu’il a parlé de lui. » Qu’a-t-il dit de lui ? « J’ai vu le Seigneur assis, et j’ai entendu la voix qui me disait : Qui enverrai-je, et qui ira, » etc. « Néanmoins plusieurs des sénateurs eux-mêmes crurent en lui ; mais à cause des pharisiens, ils n’osaient le reconnaître publiquement, de crainte d’être chassés de la synagogue ; car, ils ont plus aimé la gloire des hommes que la gloire de Dieu. » — Alcuin. La gloire de Dieu, c’est de confesser publiquement le Christ : la gloire des hommes, c’est de se glorifier dans les vanités du monde. — S. Augustin. L’Evangéliste condamne donc ceux qui auraient pu s’élever, par l’amour, au-dessus de ce premier degré de la foi, et triompher ainsi des tentations de la gloire humaine.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

Plan du site    |    Contact    |    Liens    |    Chapelle